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Les isotopes que nous cherchons à étudier étant particulièrement éloignés de la vallée de stabilité, ils sont caractérisés par des temps de vie très courts. L'étude expérimentale des états non liés fait donc face à deux problématiques distinctes :

1.3. Méthode expérimentale 17  la caractérisation de ces systèmes une fois ceux-ci produits.

Dans cette section nous présentons les choix expérimentaux qui ont été faits an de résoudre ces deux problématiques. Le choix du mécanisme de production étant relié à la méthode utilisée pour caractériser les états non liés, nous commencerons par cette dernière.

1.3.1 Spectroscopie par masse invariante

Il n'est pas possible de mesurer directement l'énergie des états non liés car ceux-ci décroissent aussitôt produits. La méthode que nous avons utilisée pour notre campagne de mesures est donc fondée sur la mesure de la cinématique complète de la réaction, c'est à dire, de la détection et la caractérisation de tous les produits de la décroissance en vol. La relation relativiste entre la masse m, l'impulsion ~p et l'énergie E d'un système s'écrit dans le cas général :

E2 = ~p2c2+ m2c4 (1.3.1)

par la suite nous poserons c = 1. A partir de cette formule nous pouvons écrire la masse d'un système à partir du quadrivecteur (E, ~p) :

M2 = (E, ~p)2= E2− ~p2 (1.3.2)

nous en déduisons la masse Minvd'un système non lié de n particules de la façon suivante :

Minv = v u u t n X i=1 Ei !2n X i=1 ~ pi !2 (1.3.3) où Ei représente l'énergie associée à la particule i et pi l'impulsion de cette même parti-cule. Cette grandeur représentant la masse du système il est possible d'accéder à l'énergie relative Erelentre les particules en soustrayant à Minv la masse au repos mi de chacune des particules : Erel= Minvn X i=1 mi (1.3.4)

An de mieux comprendre cette quantité, nous prenons l'exemple d'un système à deux corps (un fragment et un neutron en voie de sortie) pour lesquels nous appliquons l'approximation classique. L'équation 1.3.4 se transforme alors de la façon suivante :

Erel1 2µv 2 rel= 1 2µ( ~vn− ~vf) 2 (1.3.5)

où vrelcorrespond à la vitesse relative entre la vitesse du fragment ~vf et celle du neutron ~

vn. µ est la masse réduite du système que l'on peut exprimer en fonction des masses individuelles du neutron mn et du fragment mf grâce à l'équation suivante :

µ = mnmf

mn+ mf (1.3.6)

L'énergie relative apparait donc comme une grandeur caractérisant le mouvement relatif des particules en voie de sortie. Dans les calculs suivants nous allons montrer que cette grandeur correspond aussi à l'énergie disponible dans la décroissance d'un système non lié. Pour cela, nous allons réécrire l'énergie relative en fonction de l'énergie d'excitation Ex du système à partir de la masse M du système au repos [37] :

Ex= Minv− M = Erel+

n

X

i=1

mi− M (1.3.7)

Dans notre cas nous considérons des isotopes non liés par rapport à l'émission d'un neutron, nos produits de réaction étant donc un fragment chargé et un neutron. Les équations précédentes s'écrivent alors :

Minv = q

(En+ Ef)2− (~pn+ ~pf)2 (1.3.8)

Erel= Minv− (mn+ mf) (1.3.9)

Il en ressort que cette grandeur correspond au mouvement relatif des particules en voie de sortie. Ce mouvement dépend de l'énergie dont le système non lié dispose pour décroitre. D'un point de vue expérimental la masse invariante et l'énergie relative ont l'avantage d'être des invariants relativistes, et donc, de ne pas dépendre du référentiel utilisé. Ainsi la caractérisation des particules dans le laboratoire nous permet de sonder le continuum des noyaux non liés.

Cette méthode a été utilisée avec succès pour étudier de nombreux noyaux non liés, l'observation de la section ecace diérentielle en énergie relative permettant de mettre en évidence la présence d'états dans le continuum. Un exemple est présenté en gure

1.3.1.

La spectroscopie en masse invariante requiert la détection de tous les produits de la décroissance. Dans la plupart des cas cela signie qu'il faut détecter un fragment chargé et un ou plusieurs neutrons. Il est cependant possible que la décroissance se fasse vers un état excité lié du fragment. Dans ce cas cet état va décroitre par l'émission d'un rayonnement gamma dont il faut tenir compte pour le calcul de la masse invariante :

Minv = q

(En+ Ef + Eγ)2− (~pn+ ~pf + ~pγ)2 (1.3.10) où Eγ correspond à l'énergie du rayonnement gamma détecté et ~pγ à son impulsion. Comme nous ne connaissons pas a priori le schéma de décroissance des états non liés sondés, nous reconstruirons dans un premier temps l'énergie relative en supposant que le fragment a été peuplé dans son état fondamental. Nous discuterons de la possibilité

1.3. Méthode expérimentale 19

Figure 1.3.1: Spectre de décroissance de 10Li peuplé à partir de la réaction C(11Be,9Li+n.

Les données expérimentales en noir sont ajustées avec une fonction (en rouge) composée d'un état s virtuel (trait continu noir) et d'une distribution non corrélée (trait noir discontinu). Pour plus de détails voir [38].

que celui-ci soit peuplé dans un état excité en nous appuyant sur le spectre en énergie gamma détecté en coïncidence.

1.3.2 Réactions pour sonder les systèmes non liés

An de sonder les systèmes non liés il est nécessaire tout d'abord de les produire. Le choix du mécanisme de production n'est pas anodin car celui-ci a une forte incidence sur le taux de production ainsi que sur les propriétés des états sondés dans le système.

Pour produire des isotopes aux abords de la drip line il est tout d'abord nécessaire d'accélérer un faisceau d'ions stables. Celui-ci est ensuite fragmenté an de produire un faisceau d'ions radioactifs. La production d'états non liés se fait à partir de la réaction de ce faisceau d'ions radioactifs. Les caractéristiques de ce dernier (énergie, intensité, pureté, dispersion) sont des caractéristiques à prendre en compte avant de réaliser une expérience. En eet, celles-ci inuencent le nombre d'évènements que l'on mesure au cours d'une expérience :

Ndet= Ninc ρx σ ε (1.3.11)

où Ndet est le nombre d'évènements détectés, Ninc le nombre d'isotopes incidents (dé-pendant de la durée de l'expérience et de l'intensité du faisceau), ρx est l'épaisseur de la cible en prenant en compte sa densité (c'est à dire le nombre de centres diuseurs qu'elle contient), σ est la section ecace de réaction (c'est à dire la probabilité que l'isotope incident interagisse dans la cible) et ε est l'ecacité du système de détection utilisé (la capacité de ce dernier à détecter les produits de réaction).

Comme il est particulièrement dicile de produire les noyaux riches en neutrons, les intensités Iinc sont limitées5. De plus, la spectroscopie par masse invariante requiert la détection et la caractérisation de tous les produits de réaction. Parmi ces derniers, les rayonnements gamma ainsi que les neutrons n'ont pas de procédés expérimentaux permettant de les caractériser avec une ecacité proche de 100 %6.

Il apparait que certaines des grandeurs de l'équation1.3.11sont fortement contraintes par des limites expérimentales. Il est donc souhaitable que les autres grandeurs soient aussi importantes que possible an d'assurer un nombre d'évènements détectés Ndet

permettant de tirer des conclusions physiques.

Pour nos expériences nous avons choisi d'utiliser des réactions directes en cinématique inverse réalisées à partir d'un faisceau radioactif de haute énergie. Plusieurs raisons ont motivé ce choix.

En premier lieu il n'est actuellement pas possible expérimentalement de produire des noyaux riches en neutrons proches de la drip-line avec des intensités raisonnables par d'autres procédés expérimentaux que celui de la fragmentation d'un faisceau stable de haute énergie7. Ensuite, l'utilisation d'un faisceau à haute énergie permet d'augmenter l'épaisseur ρx de la cible, augmentant ainsi le nombre de centres diuseurs dans celle-ci. Enn, l'utilisation d'une cinématique inverse8 focalise les produits de réaction vers l'avant, ce qui facilite leur détection.

Pour notre expérience, nous avons fait le choix d'utiliser des réactions de knock-out d'un ou de plusieurs nucléons à partir d'un noyau très riche en neutrons. A de telles énergies, les sections ecaces associées aux réactions de knock-out sont relativement élevées (∼ 10 − 100 mb).

Ces réactions présentent aussi l'intérêt d'être directes et donc de peupler le système non lié en une seule étape. La réaction ayant lieu à haute énergie, cette transition entre l'état initial et l'état nal se fait très rapidement de sorte que l'état nal n'est inuencé que par l'état initial du système. En utilisant diérentes réactions de knock-out produi-sant le même système non lié il est possible de sonder ce dernier de manière sélective.

Dans l'étude présentée dans ce document, nous avons utilisé deux types de réactions de knock-out an de sonder le18B et le 21C :

 des réactions de knock-out d'un neutron à partir des systèmes borroméens 19B et

22C.

 des réactions de knock-out d'un ou deux protons à partir des isotopes 19C et 20N ainsi que22N et23O.

Dans le premier cas, le système non lié est sondé à partir de la conguration neutron des noyaux borroméens. A ce titre, les états produits expérimentalement reèteront cette

5. typiquement entre 101-103pps pour les noyaux très riches en neutrons contre environ 1012pps pour les noyaux stables.

6. les ecacité typiquement associées étant de l'ordre de 30 % 7. typiquement au dessus de 100 MeV/nucl´eon