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Chapitre 4 : Discussion générale

4.1 Méthode de caractérisation génétique

D’abord, il était question d’étudier la diversité génétique au sein des levures Brettanomyces spp. au moyen de la mise au point de méthodes de caractérisation génétique permettant de discriminer les isolats de Brettanomyces sp. provenant de différentes niches écologiques. En gardant en tête que les principaux intéressés d’une telle méthode permettant l’identification des souches à potentiel brassicole sont généralement des producteurs de levures ou des brasseurs passionnés gérant une PME, il est certain que la méthode développée se devait d’être fiable, simple, rapide et abordable.

À ce sujet, une des réussites du projet réside dans la mise au point de la méthode RAM-PCR en utilisant les amorces (ACA)5 et (CGA)5 à une température d’appariement s’élevant à 33 °C

dans le but d’identifier les isolats de Brettanomyces sp. En effet, avec ces paramètres, il s’est avéré non seulement possible de distinguer des isolats appartenant au genre Brettanomyces sp., mais aussi de distinguer ceux appartenant aux espèces Brettanomyces bruxellensis et Brettanomyces anomalus. De cette manière, il a été possible d’identifier des isolats dont l’espèce était inconnue, mais arborant les caractéristiques phénotypiques des Brettanomyces sp. telle que la production de composés phénoliques en présence d’un précurseur, l’acide p-coumarique. Cette technique basée sur une amplification PCR et validée avec une méthode fiable telle que la REA-PFGE peut s’avérer très utile dans un contexte d’isolement et d’identification de microorganismes provenant du terroir sans devoir avoir recours aux techniques de séquençage.

D’une autre part, il était aussi question d’être en mesure de prédire le potentiel brassicole des souches par leur profil génétique généré avec la méthode RAM-PCR, ici sans avoir recours à des essais de fermentation qui peuvent s’avérer longs et fastidieux. À ce sujet, le potentiel brassicole des souches en fermentation primaire passe, entre autres, par leur capacité à fermenter le maltose, carbohydrate principal du mout, et à produire des arômes agréables. Ce faisant, la méthode développée n’a permis qu’en partie de prédire le potentiel brassicole des souches. En fait, seule l’amorce (CGA)5 génère des profils électrophorétiques qui,

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lorsqu’analysés en phylogénie, forment des groupes d’isolats partageant des capacités d’atténuation, c’est-à-dire de fermentation des sucres, semblables.

La prédiction du potentiel brassicole représente donc, en quelque sorte, la limite de la technique RAM-PCR dans le cadre du projet. En fait, cette technique est reconnue pour permettre la caractérisation génétique et est basée sur une amplification aléatoire des microsatellites. Comme le principe le mentionne, il se peut que ce soit en quelque sorte un hasard que la méthode avec l’amorce (CGA)5 ait permis la différenciation des souches selon

leur capacité à métaboliser le maltose et le maltotriose. Il n’est donc pas certain qu’avec un tout autre ensemble d’isolats ce soit la même amorce qui permette cette distinction puisque la méthode est essentiellement basée sur la génétique à défaut d’être axée sur le phénotype. C’est avec l’usage et en bonifiant le nombre de souches analysées à l’aide de cette technique qu’il sera possible d’affirmer la justesse de la méthode développée.

Comme il a été fait avec les levures Saccharomyces cerevisiae, il aurait été intéressant d’analyser le niveau de domestication des isolats afin de se faire une idée sur leur potentiel brassicole. En fait, pour les levures S. cerevisiae, il a été démontré que les levures isolées de bières sont généralement plus domestiquées que celles isolées de vin, caractéristique observable par leur perte de reproduction sexuée et par l’accumulation des événements de délétion dans leur génome [50]. Il est pertinent de connaitre le niveau de domestication des souches isolées afin d’en savoir plus sur leur origine et sur les éléments génétiques liés à la performance des souches en fermentation. Cependant, ce sont des méthodes nécessitant le séquençage du génome complet ce qui n’est actuellement pas adapté dans le contexte des brasseries et petites entreprises.

Il existe des méthodes à plus petite échelle combinant le génotype avec le phénotype, par exemple par la détection de gène-clés dans le génome des souches qui seraient responsables de la fermentation du maltose, du maltotriose ou de la production d’arômes intéressants, qui pourraient être exploitées davantage pour le genre Brettanomyces. Par exemple, il serait pertinent de détecter la présence de l’allèle AGT1 du gène transporteur de sucre MAL11 qui est corrélé avec l’utilisation efficace du maltotriose chez l’espèce Saccharomyces cerevisiae. La différence de phénotype est observable par le génotype par la présence de SNP chez le gène MAL11. Le séquençage de cette région permettrait de supposer la capacité d’utilisation

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du maltotriose. La même méthode pourrait être appliquée pour les gènes FDC1 et PAD1 qui sont associés à la production du composé aromatique 4-VG (4-vinylguaiacol) conférant des arômes phénoliques épicés, de clou de girofle. Cependant, le potentiel brassicole ne passe pas exclusivement par la capacité à métaboliser le maltose, le maltotriose et par la production de tel composé aromatique. Le potentiel brassicole est plutôt un amalgame de la présence et de l’expression de bon nombre de gènes. Il y a aussi une grande composante subjective à ne pas négliger dans l’évaluation du potentiel puisque la perception de l’expression de certains gènes impliqués dans la production d’arômes est largement variable en fonction d’autres gènes et de la physiologie de la souche. De surcroit, certains mécanismes menant à la production d’arômes ou à l’assimilation de sucres ne sont pas encore compris. À titre d’exemple, l’utilisation du maltotriose est associée, tel que mentionné antérieurement, au gène MAL11. Toutefois, certaines levures de bière s’avèrent être en mesure de consommer le maltotriose tout en admettant un CNV de délétion au locus MAL1, suggérant ainsi qu’un autre mécanisme mène à l’utilisation de ce sucre.

Ceci étant dit, il serait très ambitieux de vouloir détecter un par un tous les facteurs influençant le potentiel brassicole d’isolats de levures Brettanomyces sp. La méthode RAM-PCR permet donc une investigation rapide, mais loin d’être exhaustive quant au potentiel brassicole.

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