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II. Etude d’un amplificateur à fibre LMA : caractère modal et saturation du gain

II.2 Caractérisation modale de fibres LMA passives et dopées Nd 3+

II.2.2 Méthode de battement spectral

Une méthode expérimentale a récemment été développée afin d’identifier tous les modes LP se propageant dans la fibre et de calculer leur fraction en puissance. Cette technique, développée par Nicholson et collaborateurs, permet donc de connaitre le contenu modal d’un faisceau issu d’une fibre légèrement multimode [Nicholson 08]. Cette méthode est appelée méthode d’imagerie S² car elle est résolue Spatialement et Spectralement. Nous nous en sommes inspirés pour déterminer le nombre de modes guidés dans la fibre 18/80 passive. Cette mesure vient compléter les observations réalisées avec le montage de la figure 2.7.

La méthode S2 repose sur la différence de retard de groupe (DGD pour Differential

Group Delay) entre deux modes transverses guidés dans la fibre. La superposition des amplitudes des deux modes se propageant simultanément dans la fibre entraine alors un phénomène d’interférence qui induit un battement spectral dans l’espace des longueurs d’onde/fréquences. L’amplitude du battement dépend également des coordonnées (x,y) de l’espace dans un plan perpendiculaire à la direction de propagation du faisceau. L’intérêt d’une telle méthode est de reconstruire la distribution spatiale de chaque mode en mesurant l’amplitude du battement en chaque point de l’espace. L’analyse complète nécessite de disposer d’une fibre sonde dans le champ proche en sortie de la fibre à tester et de déplacer cette fibre sur l’ensemble du champ émis. Cette méthode oblige donc des déplacements mécaniques contrôlés et une reconstruction numérique de chaque mode guidé. Nous n’avons pas réalisé cette analyse complète. En effet, la simple analyse du battement spectral en un nombre limité de points de l’espace suffit pour identifier les modes se propageant dans la fibre. Cette étude, couplée aux résultats fournis par le logiciel de résolution des modes guidés, était suffisante pour notre application.

Dans le cas de la méthode S2, on considère deux modes dont les amplitudes des

champs électriques ) et ) sont dépendantes des coordonnées spatiales (x,y) et de la fréquence angulaire de l’onde incidente. Les deux modes ne se propageant pas avec la même vitesse de groupe, il en résulte, en sortie de la fibre, un déphasage dépendant de la longueur de la fibre et de la différence de vitesse de groupe entre les deux modes. Pour une longueur L de fibre, ce déphasage s’écrit :

[2.1]

où est la différence d’indice de groupe entre les deux modes guidés qui interfèrent.

On présume que les intensités des deux modes sont reliées par un paramètre ) tel que :

En supposant la différence de groupe indépendante de la longueur d’onde, l’intensité I(x,y,ω) résultant de l’interférence entre les deux modes dépend alors de la longueur d’onde :

) ) ) ) ) [2.3] où est la période temporelle du battement spectral entre les 2 modes causé par

leur différence de retard de groupe avec :

[2.4] avec DGD la différence de retard de groupe entre les deux modes par unité de longueur et L la longueur de fibre.

La transformée de Fourier de l’intensité spectrale (éq. [2.3]) donne alors :

) [ )] ) ) ) ) [2.5] où ) { )} est la transformée de Fourier du spectre optique en fréquence d’un seul mode.

Il est ensuite possible d’accéder au paramètre ) donné par :

) √ ) )

[2.6] Dans cette étude, on ne conserve que les termes d’interférences impliquant le mode fondamental. En effet, l’amplitude du mode fondamental étant grande devant l’amplitude des autres modes, on pourra négliger les termes d’interférences entre deux modes d’ordre élevé, le contraste de l’interférence entre ces deux modes étant très faible devant le contraste de l’interférence impliquant le mode fondamental.

Il en résulte que la transformée de Fourier du spectre optique en fréquence d’un faisceau multimode en un point (x,y) se traduit par l’apparition de plusieurs composantes spectrales correspondant à l’interférence entre le mode fondamental et les différents modes d’ordre supérieur guidés dans la fibre. Dans l’espace de Fourier, la position des modes d’ordre élevé dépend donc de la différence de retard de groupe par rapport au mode fondamental. De plus, le paramètre ) permet de connaitre la fraction en puissance locale de chacun des modes (eq. [2.6]).

Figure 2.9: Schéma du montage expérimental de la méthode S²

Comme illustré sur la figure 2.9, le montage expérimental implique l’injection d’une source de grande largeur spectrale dans la fibre multimode que l’on désire étudier. Pour cela, une source d’émission spontanée amplifiée centrée autour de 920 nm (Δλ~20nm) et utilisant une fibre dopée Nd3+ à profil en W a été utilisée. En sortie de la fibre

multimode, l’image agrandie (grandissement ~20) du faisceau est reformée sur la facette d’une fibre monomode à 920 nm reliée à un analyseur de spectre optique. Un polariseur permet de s’assurer que les états de polarisation des modes qui interfèrent sont rectilignes et parallèles entre eux.

Dans un premier temps, nous avons étudié une fibre télécom SMF 28 (diamètre de cœur de 8,4 µm et ON de 0,14), de longueur L = 2 m, afin de valider la méthode. A partir du profil d’indice théorique de la SMF 28, le calcul de résolution des modes guidés prévoit la propagation de deux modes, LP01 et LP11, à 920 nm.

Figure 2.10 : Mesure de battement spectral réalisée sur une fibre SMF28 en un point du faisceau: spectre optique en longueur d’onde (a) spectre optique en fréquence (b) transformée de Fourier du spectre optique en fréquence (c)

Après acquisition du spectre en longueur d’onde pris en un point du faisceau en sortie de la fibre SMF 28, ce spectre est converti en fréquence pour se placer dans les conditions des équations [2.3] et [2.5]. Les figures 2.10 (a) et (b) illustrent le phénomène de battement spectral entre les modes dû à leur différence de retard de groupe. La figure 2.10(c) est obtenue après transformée de Fourier et l’axe des abscisses est normalisé par rapport à la longueur de fibre donnant ainsi accès à la différence de retard de groupe par unité de longueur de chacun des modes guidés dans la fibre. La présence des deux pics caractéristiques confirme bien l’existence de deux modes LP guidés dans la SMF 28. A partir du profil d’indice théorique de la fibre SMF28, le logiciel de résolution des modes prévoit une différence de retard de groupe par unité de longueur égale à 2,1 ps/m entre le mode LP01 et le mode LP11. Cette valeur est en accord avec la valeur expérimentale obtenue par la méthode de battement spectral qui donne une différence de retard de groupe égale à 1,9 ps/m (Fig 2.10 (c)). Par contre, le rapport des intensités des deux composantes ne peut nous renseigner de manière fiable sur la part de chaque mode transportée par le faisceau. Pour obtenir cette information, il faudrait prendre en compte toute la surface du faisceau et non se contenter de l’information en un seul point.

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Une fois la méthode validée, la fibre SMF28 a été remplacée par la fibre LMA 18/80 passive et des spectres optiques ont de nouveau été enregistrés en un point (x,y) du faisceau pour différentes conditions d’injection dans la fibre LMA. Nous avons choisi de commencer cette étude avec une fibre non dopée. En effet, cette étude préliminaire permet de valider les prédictions du logiciel de simulation après comparaison avec une observation expérimentale. La figure 2.11 présente les différentes courbes obtenues après transformée de Fourier des spectres en fréquence. La figure 2.11 (a) est obtenue en injectant le faisceau issu de la fibre monomode de manière à ne privilégier aucun mode en particulier, après vérification avec la caméra CCD.

Figure 2.11: Méthode de battement spectral appliquée à la fibre LMA 18/80 passive : courbe obtenue après excitation de tous les modes (a), en excitant principalement le mode LP01(b) et en excitant principalement le

mode LP21 (c)

La présence, sur la figure 2.11(a), de 3 composantes distinctes tend à confirmer l’existence de 3 modes guidés d’ordre supérieur, ce qui est en accord avec les calculs initiaux. Cependant, les valeurs des différences de retard de groupe mesurées ne semblent pas être en accord avec les valeurs calculées. Le calcul à partir du profil d’indice de la fibre LMA prévoit en effet des valeurs égales à 0,6 ps/m, 0,54 ps/m et 1,06 ps/m

LP01 LP11

LP21 LP02 ?

respectivement pour les battements entre le mode fondamental et les modes LP11, LP21 et LP02. Expérimentalement, les composantes sont situées en 0,95 ; 1,5 et 1,9 ps/m. Cet écart important entre valeurs calculées et expérimentales peut s’expliquer par le fait que nous ne disposons pas du profil d’indice réel de la fibre LMA 18/80 non-dopée. Le profil d’indice donné sur la figure 2.5 est, en effet, extrapolé à partir du profil d’indice de la préforme, ce qui semble avoir un impact sur les valeurs calculées des différences de retard de groupe. Afin de déterminer à quels modes transverses correspondent les pics présents sur la figure 2.11(a), nous avons procédé par élimination en comparant les courbes obtenues pour différentes conditions d’injection. La figure 2.11 (b) est par exemple obtenue en favorisant l’excitation du mode fondamental LP01et du mode LP11 qui est le mode d’ordre élevé le plus robuste dans la fibre LMA. Le même pic étant présent sur la figure 2.11(a), on peut donc en déduire que le mode LP11 correspond au pic dont la différence de retard de groupe est égale à 1 ps/m. La figure 2.11 (c) est, quant à elle, obtenue en excitant préférentiellement le mode LP21; de la même manière on en déduit que le mode LP21 correspond à la composante située à 1,9 ps/m. Par élimination, on suppose donc que le pic situé à 1,5 ps/m sur la figure 2.11(a) correspond au mode LP02.

La méthode de battement spectral nous permet donc de caractériser les modes se propageant dans la fibre LMA 18/80 non-dopée et valide également les prévisions du logiciel de résolution de modes.