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protéiques dans le métabolisme de l’ammoniac : régulation, optimisation

3. Le métabolisme de l’asparagine et de la glutamine : tourné vers la virulence ?

Dans les conditions d’une infection établie au sein du mucus gastrique, le pH est très modérément acide, et au contact des cellules épithéliales, H. pylori rencontre un pH neutre. Comme nous l’avons montré, les couples AnsB/DcuA et GT/GltS fonctionnement de manière optimale à pH neutre. Toutefois, AnsB et GT atteignent 90% de leur activité maximale à pH 6. La consommation d’asparagine et de glutamine, et la production d’ammoniac associée ont donc très probablement lieu à la fois au contact des cellules épithéliales et dans les zones mucosales proches.

De plus, au contact des cellules épithéliales, grâce à l’action des toxines VacA et CagA, on assiste à un afflux de nutriments provenant de l’épithélium endommagé. On peut supposer que l’urée, molécule issue de sang, devient alors accessible à la bactérie. Or, dans ces conditions, l’ouverture de UreI dépendante de l’acidité n’est plus nécessaire au passage transmembranaire d’une partie de l’urée (Skouloubris et al, 1998). On peut donc préjuger que dans ces conditions l’uréase présente un niveau d’activité basal (Figure 48).

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On assisterait donc à une synthèse d’ammoniac près des cellules épithéliales couplée à l’importation de glutamate et d’aspartate. L’ammoniac synthétisé dans le cytoplasme par l’uréase serait alors stocké via GlnA dans la glutamine, le donneur d’azote dans la cellule.

Figure 48 Mécanisme de pathogenèse dû aux métabolismes de l'asparagine et de la glutamine

En présence de H. pylori le microenvironnement épithélial est donc déplété en asparagine, aspartate, glutamine et glutamate. La glutamine est décrite comme un composé protecteur des épithéliums, notamment en cas de stress oxydatif, comme celui induit par H. pylori (Kallweit et al, 2012). De plus, une étude a montré que les cellules gastriques détoxifient l’ammoniac produit par H. pylori en utilisant la glutamine (Nakamura & Hagen, 2002). Ainsi, on pourrait proposer que chez H. pylori, le processus de pathogenèse est optimisé de telle sorte que la cytotoxicité induite par l’ammoniac ne puisse être atténuée par la glutamine présente au contact du microenvironnement épithélial.

Il a été montré que la GT de H. pylori inhibait la prolifération lymphocytaire et était responsable d’un arrêt de division des cellules gastriques (Schmees et al, 2007; Kim et al, 2010). La cytotoxicité induite par la GT pourrait être associée soit à la production d’ammoniac dans le périplasme, soit à la déplétion en glutamine. Des résultats récents indiquent que l’effet inhibiteur de la multiplication des cellules T est plutôt dû à la déplétion en glutamine (Wüstner et al, 2012). Dans un modèle de culture primaire d’astrocytes, une étude a démontré que l’ammoniac pouvait induire un dérèglement de la bioénergétique cellulaire par perméabilisation des mitochondries (Bai et al, 2001). Dans une autre étude menée sur les astrocytes, il est montré

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que dans la cellule, l’ammoniac est détoxifié sous forme de glutamine par la glutamine synthétase. La glutamine accumulée est alors transportée vers la mitochondrie où elle est dégradée en ammoniac, responsable de la perméabilisation membranaire de la mitochondrie (Albrecht et al, 2010). Il a été montré que l’estomac présente l’activité glutamine synthétase la plus élevée du tractus digestif (Lie-Venema et al, 1997; James et al, 1998). Nous proposons donc un détournement du métabolisme des acides aminés pour la réponse pathogénique de H. pylori qui serait potentialisée par la production d’ammoniac, conjointement à la déplétion en glutamine de l’épithélium gastrique.

Les mécanismes de détournement des fonctions de l’hôte par les bactéries à des fins de pathogenèse sont bien connus. Ainsi on peut citer la capture du fer à partir de la transferrine humaine chez Neisseiria gonorrhoeae ou la dissémination de Shigella flexneri au travers des entérocytes par mobilisation de l’actine de l’hôte (Siburt et al, 2009; Fukumatsu et al, 2012). Chez H. pylori, un autre mécanisme reposant sur le détournement du métabolisme des acides aminés participant à la virulence a été rapporté. En effet, les macrophages peuvent générer du NO, toxique pour H. pylori. H. pylori échappe à la production de NO en induisant la transcription de l’arginase dans les macrophages. L’augmentation de la concentration de l’arginase dans les macrophages cause une déplétion du pool cellulaire d’arginine. L’arginine est un précurseur de NO, substrat de la NO synthétase. Par compétition pour l’arginine, la génération de NO sera donc atténuée et échoue à tuer H. pylori (Lewis et al, 2011). L’arginase de H. pylori participe également à la déplétion de l’arginine dans le microenvironnement épithélial (Gobert et al, 2001). Les parasites Leishmania major et Trypasonoma cruzi mettent en place un mécanisme similaire de survie dans les macrophages par production d’une arginase qui entre en compétition pour l’arginine avec la NO synthétase.

4. Perspectives

L’hypothèse du channeling de l’ammoniac dans les complexes protéiques chez H. pylori pourra être testée à différents niveaux. Tout d’abord, il sera intéressant de tenter de cocristalliser les complexes AspA/GdhA et AspA/GlnA afin d’investiguer l’existence de tunnels moléculaires de guidage de l’ammoniac dans ces deux systèmes. On peut aussi chercher à démontrer l’optimisation du transfert de l’ammoniac quand les protéines agissent en complexe. Après purification individuelle des protéines, par des techniques enzymologiques, il sera intéressant de calculer la vitesse des réactions enzymatiques selon que les protéines sont seules, ou avec leur partenaire producteur d’ammoniac.

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Chez H. pylori nous avons initié une étude systématique par TAP des enzymes du métabolisme de l’ammoniac. En utilisant AspA et GdhA comme appât, en conditions natives ou crosslinkées nous n’avions pas identifié de partenaires. Notre interprétation est que les complexes impliquant AspA et GdhA se forment de façon transitoire. Le BACTH est donc une meilleure méthode pour étudier ces complexes. Nous souhaitons caractériser plus précisément les complexes en identifiant des mutants qui abolissent l’interaction, ou au contraire en rajoutant les substrats des différentes enzymes. Nous pensons que les substrats pourraient stabiliser les complexes et ainsi renforcer l’interaction entre les partenaires.

L’étude de la pathogenèse chez H. pylori est fortement centrée sur VacA et CagA, identifiés comme des effecteurs centraux de la virulence. Si VacA et CagA sont bien responsables de phénotypes très marqués et sont corrélés à des infections débouchant sur des pathologies plus sévères, l’étude du métabolisme de la bactérie en tant qu’effecteur de la virulence s’est révélée très intéressante (Wen & Moss, 2009).

Nous savons que les différents partenaires des systèmes d’hydrolyse/transport des acides aminés que nous avons identifiés sont essentiels à la colonisation du modèle animal, tout comme la glutamine synthétase (Stingl et al, 2008; Leduc et al, 2010). De plus, entre nos mains, il n’a jamais été possible de réaliser un mutant de AspB chez H. pylori, démontrant probablement l’essentialité de cette protéine. Plusieurs voies peuvent cependant être suivies pour caractériser le rôle des complexes protéiques impliqués dans le métabolisme de l’ammoniac dans la pathogenèse.

Tout d’abord, il parait intéressant de connaître la part respective de chaque complexe dans la génération d’ammoniac au contact des cellules épithéliales. On pourrait suivre l’élévation locale du pH à proximité des cellules gastriques en culture infectées avec H. pylori. Cette étude pourrait se faire avec des mutants des complexes testés, ou, à défaut de pouvoir effectuer les mutations, en apportant ou retirant les précurseurs de la synthèse d’ammoniac. Une technique que l’on pourrait utiliser repose sur la microscopie à prise d’image rapide en présence d’un milieu répondant de manière colorimétrique aux changements de pH, ou par ajout de marqueurs fluorescents répondant au pH (Athmann et al, 2000; Fricker et al, 2008). Les images pourraient ensuite être caractérisées et quantifiées informatiquement pour corréler fluorescence et changement de conditions environnementales.

Finalement, et selon les mêmes modalités, la réponse cellulaire à l’infection pourrait être mesurée pour l’apoptose ou l’inflammation. Ces observations pourraient être réalisées en direct par fusion transcriptionnelle avec un rapporteur fluorescent des gènes de l’hôte dont

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l’expression est augmentée en présence de l’infection. Les gènes des caspases 8 et 3 ou de l’IL-8 sont de bons candidats (Ashktorab et al, 2002; Eftang et al, 2012).

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Chapitre 2.

Dépendance de H. pylori au

nickel : une stratégie risquée et