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La météorologie et la climatologie de la région Cévennes-Vivarais, mettent en évidence que : i) le relief joue un rôle important dans la distribution spatiale et la quantité des précipitations, ii) les plus

fortes valeurs mensuelles moyennes sont observées en automne et iii) la mer Méditerranée joue un rôle majeur dans la météorologie de la région.

1.5.1 Climatologie

Dès 1919, la climatologie des pluies sur les Cévennes réalisée par Angot (1919) met en évidence un renforcement orographique tel qu’observé sur les autres régions montagneuses du monde : « …l’augmentation des totaux annuels est de 53% pour une différence d’altitude de 413m entre les

stations des groupes 2 et 1 et de 39% pour une différence d’altitude de 405m entre les groupes 3et

1…Le rapport des quantités de pluie moyenne recueillies dans les groupes 1 et 4 dont l’altitude diffère de 409m est de 1,46 en moyenne annuelle, mais les valeurs mensuelles de ce rapport suivent une variation annuelle bien nette, de 1,66 pendant les quatre mois froids (décembre à mars), il passe à 1,48 en avril-mai et octobre-novembre et s’abaisse à 1,33 dans les quatre mois chauds (juin à septembre). La considération des coefficients relatifs mensuels conduit à des conclusions identiques : ces coefficients sont plus grands en hiver, plus petits en été dans le groupe 1 des stations élevées que dans le groupe 4 des stations basses. L’altitude a pour effet d’augmenter les pluies d’hiver et de diminuer relativement celles d’été par rapport aux régions basses voisines.». Les différents groupes

évoqués comprennent une dizaine de stations, chaque groupe étant caractérisé par une altitude moyenne différente ou par une altitude moyenne identique mais comprenant des stations localisées dans des secteurs particuliers des Cévennes. Le détail de ces groupes est donné dans Angot (1919). En ce qui concerne les maxima de précipitations annuelles, Angot remarque qu’ils sont les plus importants de toute la France sur les Cévennes. Il explique ainsi que ces maxima sont dus à l’influence des pluies torrentielles en automne (octobre et novembre), liées au passage de dépressions barométriques amenant sur la région les vents chauds et humides de Méditerranée : « on voit sur les

Cévennes des régions très étendues sur lesquelles le total annuel de pluie dépasse uniformément 1500mm dans ces régions, quelques stations donnant des totaux beaucoup plus élevés : Villefort 2028mm, La Barque Vialas, 2168mm, le Mont Aigoual, 2175mm (maximum absolu sur toute la France) ».

Quelques années plus tard, Mitard (1927) reprend les données utilisées par Angot (1919) (les pluies en France entre 1851 et 1900) pour préciser la pluviosité de la bordure sud-orientale du Massif Central. Ses résultats concernent les quantités annuelles des précipitations, les régimes pluviométriques (répartition inter-annuelle) ainsi que la fréquence et la variabilité des précipitations. Il conclut : « les pluies sont considérables et varient surtout d’est en ouest de la plaine à la pénéplaine.

Du nord au sud, elles suivent les variations du relief. De la complexité de cette variation nord-sud, on peut distinguer trois régions, visiblement déterminées par le régime des vents pluvieux. Enfin

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dans le détail on peut reconnaître de nombreuses influences locales. En résumé, ce sont dans toute la région, les formes du relief qui jouent le rôle essentiel. Les maxima de pluviosité se situent le long des pentes les plus raides et les mieux exposées, plutôt vers le haut que le bas de ces pentes ou bien aux lieux où des cols ou des confluents ouvrent de divers côtés des chemins convergents aux vents pluvieux. Les minima sont dans les points les plus abrités. Entre ces extrêmes, toute une gamme

d’intermédiaires est déterminée par les influences, convergentes ou antagonistes : de l’exposition et des abris, des ensellements du relief, sur lesquels la condensation diminue alors qu’elle augmente sur les zones situées en arrière, de la distance de la mer, surtout ici de la Méditerranée. Le résultat définitif est une carte d’isohyètes qui ressemble singulièrement à la carte du relief, au point qu’on pourrait presque limiter par les isohyètes de 900, 1200 et 1500mm chacune des diverses régions du relief que nous avons distinguées ». Cependant, ce résultat est nuancé par un compte rendu critique

d’une étude de Rebotier (1957) réalisée par Estienne (1959). Cette étude analyse les caractères de la pluviosité cévenole de 1948 à 1953. Rebotier voit dans le relief cévenol le principal facteur de la pluviosité anormale sur les pentes. Cette explication n’est pas satisfaisante pour Estienne : « …en ce

sens que certaines averses sont strictement cantonnées aux parties hautes du versant, alors que d’autres comme celle du 4 octobre 1958, s’amorcent dès la plaine languedocienne et s’atténuent sur les plus hauts reliefs ».

Beaucoup plus récemment, bien qu’ayant focalisé leur analyse sur la chaîne alpine, Frei and Schär (1998) mettent en évidence dans leur climatologie des « anomalies » humides sur les régions montagneuses plus petites telles que le Jura, les Vosges, la Forêt Noire et le Massif Central. Sur le Massif Central, cette anomalie positive des précipitations se trouve en bordures ouest et sud-est. Les versants atlantiques (bordure ouest), dont les gradients orographiques sont plus modestes que ceux de la bordure sud-est, reçoivent une moins forte hauteur de précipitations annuelles, cependant elle reste importante. L’analyse des cumuls saisonniers montre que le cumul des précipitations sur les Cévennes est le plus important en automne (septembre-novembre), puis en hiver (décembre-février), au printemps (mars-mai) et enfin en été (juin-août). L’utilisation d’un ensemble de données pluies journalières entre 1970 et 2000 sur la région a permis de montrer que les trois mois d’automne (septembre-octobre-novembre) contribuent à hauteur de 34% aux précipitations annuelles (Yu, 2008). Cette étude a également montré la forte variabilité inter-annuelle de ces précipitations automnales (Fig. 1-3).

Figure 1-3 : (extraite de Yu, 2008) Cumul des précipitations automnales (mm/3mois) calculé à partir de 97

stations dans le sud-est de la France.

Finalement, des études ont été réalisées sur la distribution spatiale des précipitations extrêmes d’automne sur la région (Slimani, 1985 ; Bois et al., 1997 ; Molinié et al., 2009). Les maxima locaux de la pluie décennale en 1h sont répartis aléatoirement dans l’espace. Au contraire, pour la pluie décennale en 24h, les cumuls les plus forts s’organisent dans la direction sud-ouest/nord-est, c'est-à-dire sur la ligne de crête (Fig. 1-4). Miniscloux (2001) explique donc : « on met ainsi en évidence à

partir de la climatologie un risque de pluie extrême plutôt lié au relief pour les pas de temps longs et indépendants pour les pas de temps courts. C’est une façon de voir le rôle de l’orographie dans

l’accumulation des précipitations aux pas de temps longs ».

a) 1H b) 24H

a) 1H b) 24H

Figure 1-4 : (Extraite de Molinié et al., 2009) Cartes des précipitations centennales d’automne (en couleur) a) en

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Molinié et al. (2009) montrent que ceci est vrai également pour les précipitations qui ne sont pas extrêmes. Ils mettent également en évidence à partir de l’analyse des cartes de variances des précipitations que les processus responsables des forts cumuls ne sont pas les mêmes suivant les pas de temps « ...the convective clouds that produce rainfall over the Lozère mount are not significant at the

hourly time step. Thus rainfall fields integrated over different duration incorporate convective clouds of different nature ». Les différents régimes de pluie (systèmes convectifs de meso-échelle (SCM) ou

systèmes peu développés) sont ainsi observés dans la climatologie de la région. En effet, les précipitations associées aux SCM ont une extension spatiale de quelques centaines de kilomètres et ont une durée de vie de quelques heures. Au contraire, les précipitations associées aux systèmes convectifs peu développés sont de plus faibles intensités mais sur des pas de temps plus longs. C’est pourquoi nous supposons que la signature pour les pas de temps faibles est liée aux SCM et que celle apparente sur le relief pour les pas de temps longs est liée aux précipitations des systèmes convectifs peu développés localisés sur le relief.

1.5.2 Météorologie

La climatologie des précipitations du sud de la France établie sur la période 1958-2000 (par Météo-France et le Ministère de l’Aménagement du Territoire et de l’Environnement) montre que la région du sud est fréquemment soumise à des pluies intenses, c'est-à-dire enregistrant des cumuls de plus de 100mm en 24 heures. Des cumuls journaliers supérieurs à 500mm ont déjà été observés dans la région. Les précipitations exceptionnelles observées sur la région Cévennes-Vivarais (généralement en automne) sont principalement associées à des phénomènes convectifs. En effet, comme toutes les régions de montagne méditerranéenne, la région Cévennes-Vivarais présente deux facteurs favorables au développement de la convection, comme déjà évoqués. D’une part la mer Méditerranée est une source d’instabilité atmosphérique dans la mesure où elle fournit de l’humidité dans les basses couches et en automne, alors que l’atmosphère se refroidit, elle reste chaude grâce à son inertie thermique et réchauffe les basses couches de l’atmosphère ; d’autre part la présence du relief induit des interactions complexes avec l’écoulement (soulèvement, contournement, convergence,…).

Slimani (1985) décrit les trois principales situations génératrices des pluies de forte intensité :

- Les perturbations cévenoles : elles sont à l’origine de 65% des cas. Elles sont caractérisées

par la présence d’un creusement important au voisinage de l’Irlande et par une dorsale axée de la Tunisie à la Scandinavie d’où l’induction sur le Massif Central d’un fort courant chaud de secteur sud ou sud-ouest. En effet, les masses d’air chaud d’origine tropicale maritime ou méditerranéenne

affectant le Massif Central se trouvent soulevées rapidement au contact de l’air polaire maritime et de la topographie, activant ainsi la convection.

- Les retours d’air méditerranéen : cette situation est à l’origine de 30% des épisodes

pluvieux. Elle correspond à la présence en altitude et au sol d’une zone de basses pressions sur le Golfe de Gascogne, favorisant ainsi la remontée d’air méditerranéen sur le sud-est de la France. Cette remontée se trouve bloquée par la dorsale axée de la Tunisie à la mer du nord.

- Les convergences horizontales de masses d’air : elles sont moins fréquentes (5%) et

provoquées par l’existence d’un marais barométrique sur l’Europe occidentale où nous constatons de nombreux cyclones et anticyclones de petites dimensions convergeant des masses d’air de différentes catégories vers le sud-est de la France.

Dans les deux premiers cas, les hautes pressions sur l’Europe centrale ralentissent l’avancée des perturbations, permettant à celles-ci d’avoir des effets durables sur la région. Cependant, il ne faut pas négliger l’importance des facteurs orographiques sur l’intensification des précipitations.

Ces pluies extrêmes que nous observons généralement dans la région Cévennes Vivarais sont associées à des mouvements de convection fortement développée (Systèmes Convectifs de Meso-échelle (SCM)), c'est-à-dire dont l’extension verticale atteint aisément la tropopause. Mais nous observons également des nuages pluvieux dits de convection peu profonde où l’épaisseur du nuage ne dépasse pas quelques kilomètres (3-4km). Cette distinction entre convection profonde et convection peu profonde est importante et sera pour nous essentielle, en particulier dans le

contexte de l’étude du lien de la pluie avec le relief puisque nous concevons aisément que si un relief culminant à 1600m comme celui des Cévennes peut fortement influencer la convection peu profonde, son effet sera moindre sur des nuages de près de 10km d’épaisseur. Le développement vertical de la convection est entièrement dépendant de la structure verticale de l’atmosphère.

Les systèmes convectifs développés de meso-échelle (SCM)

Les SCM sont des systèmes formés de cellules de convection profonde. Les hydrométéores sont présents jusqu’à une altitude de 8-10km. D’après la classification des processus atmosphériques selon leur échelle spatio-temporelle d’Orlanski (1975), les SCM ont une extension spatiale d’une centaine de kilomètres et peuvent durer de quelques heures à un jour. Leur signature pluviométrique montre un cumul de pluie très élevé de plusieurs centaines de millimètres en 24h. L’ensemble de la région peut être concerné par ces systèmes (Delrieu et al, 2005 ; Ducrocq et al, 2008).

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Les systèmes convectifs peu développés

Dans certaines conditions de flux amont, des systèmes convectifs à faible développement vertical se développent et s’organisent en bandes, c'est-à-dire qu’ils sont caractérisés par une alternance de zones pluvieuses et de zones non pluvieuses. Selon l’American Meteorological Society’s Glossary, les « bandes » de pluie correspondent à des structures pluvieuses dont le rapport de longueur sur largeur est de 4 au moins. Ces bandes de pluie sont formées de cellules de convection peu profonde. Deux systèmes convectifs peu développés ont été observés sur la région Cévennes-Vivarais (Miniscloux et al., 2001). Les images radar de ces évènements montrent que l’extension verticale est limitée à une altitude de trois kilomètres (Miniscloux et al., 2001). Ce sont généralement des systèmes stationnaires : les cellules naissent toujours au même endroit et sont ensuite advectées par le vent dominant. Ces systèmes convectifs peu développés organisés en bandes constituent notre objet d’étude qui sera détaillé dans la section suivante. Les précipitations associées à ce type de système sont de faibles intensités (10mm.h-1) mais peuvent durer longtemps. Elles sont associées à un flux de secteur sud et sont localisées sur le relief.

Si ces deux régimes de convection peuvent exister indépendemment l’un de l’autre, les travaux de Ricard (2002) suggèrent que les deux échelles de convection peuvent être imbriquées au sein d’un même évènement.

1.6. Etat actuel des connaissances sur les précipitations orographiques