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Etat actuel des connaissances sur les précipitations orographiques organisées en bandes

Les précipitations orographiques sont généralement classées comme stratiformes ou convectives suivant le degré de stabilité de l’atmosphère. Mais toutes les précipitations ne peuvent pas être aussi bien distinguées. Les précipitations associées au passage d’un front peuvent également être intensifiées par la présence de cellules convectives peu développées contenues dans un nuage stratiforme formé par le soulèvement de la masse d’air par le relief (Browning et al, 1974 ; Hill et al, 1981 ; Georgis et al. 2003 ; Kirshbaum and Durran, 2004 ; Fuhrer and Schär, 2005 ; James and Houze, 2005). Dans la suite, nous appellerons ce nuage stratiforme « nuage orographique ».

Les cellules convectives qui se développent dans un flux conditionnellement instable peuvent avoir deux types de structure. Si les cellules s’organisent de manière aléatoire, la structure est désorganisée. Dans l’autre cas où l’organisation n’est plus aléatoire, les cellules s’alignent : elles forment alors une bande (Fig. 1-5). Une coupe verticale transversale aux bandes permet de montrer qu’elles sont effectivement associées à une circulation convective parallèle au flux (Fig. 1-5). Lors

d’une simulation idéalisée sur un relief lissé (Fig. 1-6), Kirshbaum and Durran (2004) montrent que l’alternance de zones pluvieuses et non pluvieuses, créant cette structure en bandes parallèles, est liée à la mise en place des courants ascendants (zones pluvieuses) alors que les courants subsidents expliquent les zones non pluvieuses.

a) b)

a) b)

Figure 1-5 : a) Représentation de l’eau liquide nuageuse (multipliée par 10-4) simulée par Kirshbaum and Durran (2004) et b) vue 3D de l’eau nuageuse (rouge) et de l’eau précipitante (bleu) simulées par Fuhrer and Schär (2007).

Figure 1-6 : (Extraite de Kirshbaum and Durran (2004)). Coupe verticale de l’eau liquide nuageuse (contours) et

de la vitesse verticale simulées (flèches) sur un relief idéalisé.

Le développement de cellules convectives, organisées en bandes, est observé aux Etats-Unis (Kirshbaum and Durran, 2005b), au dessus d’un relief de 300-400m d’altitude au Japon, (Yoshizaki et al., 2000) et en France (Miniscloux et al., 2001). Au Japon, ces cellules convectives organisées en bandes dominent la signature pluviométrique. Sur les Cévennes, ces précipitations sont liées à d’autres structures pluvieuses. Miniscloux et al (2001) montrent qu’après avoir extrait la portion des pluies associées au passage de la perturbation, une composante statique demeurait, liée à la topographie sous-jacente et organisée en bandes.

Chapitre 1 : Régimes pluviométriques en région montagneuse 47

Les caractéristiques principales des précipitations orographiques organisées en bandes sont les suivantes :

- Elles sont quasi stationnaires : les cellules sont advectées avec le flux mais de nouvelles cellules sont déclenchées au même endroit que les précédentes ;

- Elles durent tant que la situation météorologique reste stable ;

- Les bandes sont longues et étroites (50km de long et 5-10km de larges pour les bandes sur les Cévennes) ;

- Elles sont orientées suivant la direction du vent ou du vecteur cisaillement ;

- Les précipitations associées sont d’intensités moyennes faibles (<10mm.h-1) mais l’intensité maximale peut être supérieure à 20mm.h-1. Le cumul des précipitations varie de 20mm à plus de 100mm par jour de l’extérieur à l’intérieur des bandes (Miniscloux et al., 2001) ;

- Les cellules convectives sont déclenchées par la présence de structures fine échelle dans le relief. Sur les Cévennes, elles sont déclenchées sur les épaulements sud-est du relief et l’espacement de ces épaulements (15km) est responsable de l’espacement entre les différentes bandes ;

- La structure de flux amont est caractérisée par un vent intense (>10m.s-1) et une humidité relative élevée (>80%) dans les basses couches, par la présence d’une couche stable (à 3-4km), par une variation importante de la vitesse du vent avec l’altitude (cisaillement unidirectionnel).

1.6.1 Mécanismes associés

De nombreuses simulations idéalisées ont été réalisées pour mettre en évidence les mécanismes associés à la formation des précipitations orographiques organisées en bandes. Ces dernières résultent de la combinaison de plusieurs mécanismes impliquant la dynamique du flux sur le relief : soulèvement orographique, convergence sur les pentes sous le vent, propagation d’ondes de gravité. Ces mécanismes entrent en jeu pour expliquer : 1) le développement de la convection peu profonde, 2) l’organisation en bandes et 3) la localisation de ces bandes sur le relief.

Cosma et al. (2002) ont réalisé une simulation de l’évènement orographique organisé en bandes et associé à de la convection peu profonde du 14 Novembre 1986. Ils montrent que les bandes sont déclenchées par la présence d’un terrain pentu et de structures fines du relief. Ce déclenchement se produit en amont de l’obstacle et la convection est alors renforcée grâce à la convergence à l’arrière des obstacles. La formation des bandes pluvieuses se fait sur les épaulements sud-est du massif qui favorisent le soulèvement mais aussi forcent le flux à s’engouffrer dans les vallées orientées

sud-est/nord-ouest, créant les zones de convergence. Ces études complétées par celles d’Anquetin et al. (2003) permettent d’identifier les mécanismes de formation des bandes pluvieuses et d’expliquer la localisation des bandes observées par Miniscloux et al. (2001). Les simulations réalisées mettent également en évidence une modification de la structure thermodynamique du flux et la génération d’ondes de gravité par les cellules convectives et le soulèvement orographique.

Kirshbaum et al. (2007a) ainsi que Fuhrer and Schär (2007) étudient les mécanismes associés à la formation des bandes de convection observées sur l’Oregon Coastal Range. Ils montrent que ces bandes sont déclenchées principalement par les ondes de gravité associées aux structures fines du relief à l’entrée du nuage orographique. La capacité d’un obstacle à déclencher une bande dépend de la phase de l’onde à son entrée dans le nuage orographique. La convection se développe si l’onde de gravité permet à une parcelle d’air d’avoir une vitesse verticale positive et une force de flottabilité proche de 0 lorsqu’elle se sature. La convection s’organise suivant un axe parallèle à la direction du flux.

1.6.2 Etudes de sensibilité

De nombreuses simulations ont été réalisées pour étudier les influences relatives de la structure du relief et de l’atmosphère sur le déclenchement et la localisation des bandes de pluies (Cosma et al., 2002 ; Kirshbaum and Durran, 2004, 2005a, 2005b ; Fuhrer and Schär, 2005, 2007).

Organisation spatiale des précipitations liée à la géométrie du relief

Comme l’ont montré Yoshizaki et al. (2000), Cosma et al. (2002) et Kirshbaum et al. (2007a-b), la géométrie du relief est déterminante pour l’organisation en bandes : elle explique à la fois le déclenchement de cellules convectives mais également l’espacement entre les différentes bandes. Les bandes observées par Yoshizaki et al. (2000) sont déclenchées par les deux péninsules très espacées en amont de la chaîne de Kyushu tandis que celles observées par Cosma et al. (2002) le sont par les épaulements peu espacés des Cévennes et celles de Kirshbaum et al. (2007a) ne se forment pas seulement au niveau de sommets mais également à l’aval de vallées.

Influence des facteurs atmosphériques et de l’humidité du sol

Le développement de la convection et son organisation dépendent également de la vitesse du flux incident, de la stabilité à l’amont du nuage orographique et dans le nuage orographique, du cisaillement.

Chapitre 1 : Régimes pluviométriques en région montagneuse 49

Le développement de la convection est influencé par la stratification de l’atmosphère, le cisaillement, le temps de résidence d’une parcelle d’air dans le nuage orographique ainsi que l’épaisseur de ce nuage (Kirshbaum and Durran, 2004 : Fuhrer and Schär, 2005, 2007).

Kirshbaum and Durran (2004, 2005a, 2005b) montrent que les conditions favorables à l’organisation en bandes sont 1) une instabilité potentielle faible dans le nuage orographique et une forte stabilité de l’atmosphère non saturée, 2) un cisaillement unidirectionnel (vecteur cisaillement parallèle au vecteur vent) fort et un cisaillement directionnel (variation de la direction du vent avec l’altitude) faible et 3) une vitesse de vent modérée (>10m.s-1). Yates (2006) montre également que la direction du vent, et plus précisément la façon dont le flux « voit » le relief, aura une incidence sur l’organisation en bandes des précipitations.

Détaillons plus précisément l’impact du cisaillement du vent et de la direction du vent. Des études théoriques (Kuo, 1963) ont montré que les cellules convectives ont tendance à s’aligner selon le vecteur cisaillement. Cet alignement a été observé (Yoshizaki et al., 2000) et simulé (Kirshbaum and Durran, 2004) dans le cas des précipitations orographiques organisées en bandes. Ces cas correspondent à un cisaillement unidirectionnel, c'est-à-dire que le vecteur cisaillement est parallèle au vecteur vent. Yoshizaki et al. (2000) et Kirshbaum and Durran (2005a, 2005b) montrent dans ce cas que plus le cisaillement unidirectionnel est important (c'est-à-dire une augmentation rapide de la vitesse du vent avec l’altitude), plus les cellules convectives ont une organisation en bandes allongée. La variation de la direction du vent avec l’altitude (cisaillement directionnel, vecteur vent et vecteur cisaillement ne sont plus parallèles) impacte également l’organisation en bandes des cellules convectives. La structure en bandes est moins organisée. Ceci est dû à l’alignement des cellules convectives à la fois avec le vecteur vent et avec le vecteur cisaillement. En conclusion, un cisaillement unidirectionnel inhibe le développement de la convection alors qu’un cisaillement directionnel la favorise. Par contre, la présence d’un cisaillement unidirectionnel favorise l’organisation en bandes.

Yates (2006) a réalisé plusieurs simulations en faisant varier uniquement la direction du vent sur la totalité de l’atmosphère (pas de cisaillement unidirectionnel ou directionnel) : il montre alors que la direction du vent a une influence assez importante en termes de localisation et d’intensité des bandes pluvieuses. Les bandes pluvieuses s’alignent avec la direction du flux. La structure des bandes pluvieuses varient en fonction de la direction du vent : les bandes sont plus ou moins larges et longues en fonction des mécanismes en jeu dans le déclenchement de la convection, comme illustré sur la figure 1-7.

Obstacle Vent dominant Vent de contournement Vent de contournement impossible Soulèvement orographique Soulèvement par convergence Obstacle Vent dominant Vent de

contournement Vent de contournement impossible Soulèvement orographique Soulèvement par convergence

Figure 1-7 : (Extraite de Yates (2006)). Représentation schématique de l’impact de la direction du vent.

Les deux mécanismes favorables à la convection (soulèvement orographique et convergence de basse couche) sont alignés dans la direction du vent lorsque le vent est de sud, alors qu’ils sont décalés lorsque le vent est de sud-est. De plus, le soulèvement orographique a dans ce cas une extension plus large. Les cellules sont donc plus larges que dans l’expérience avec un vent de sud. Lorsque le vent est de sud-ouest, les deux mécanismes sont concomitants. Les cellules sont donc moins allongées que dans le cas d’un vent de sud. La direction du flux amont impose à l’orientation des bandes de pluie de s’aligner avec la direction du vent en altitude. Les modifications du flux amont dans les basses couches modifient l’intensité pluvieuse.

D’autres facteurs influençant la formation des bandes ont été explorés, notamment l’impact de l’humidité du sol sur le développement de la convection (Avissar and Liu (1996) sur un terrain plat). Yates (2006) démontre que l’humidité du sol n’a aucune influence sur la localisation et l’intensité des bandes pluvieuses.