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Mésusage dans le mode d’administration

Dans le document La substitution de l'héroïne par la morphine (Page 127-130)

IV. Mésusage des sulfates de morphine

2. Mésusage dans le mode d’administration

Le SKENAN® tout comme le MOSCONTIN® sont prescrits afin d’être administrés par voie orale. Cette voie d’administration est en réalité très peu utilisée. En effet, chez les usagers fréquentant les CAARUD, la grande majorité des consommations se font par injection. Ainsi en 2012, 84,3% des usagers de morphine rencontrés dans les CAARUD utilisaient cette voie d’administration. Une autre étude (OPPIDUM) en 2011 montrait également ce phénomène avec plus de 71% d’administration par voie intraveineuse des sulfates de morphine. Plusieurs étapes sont nécessaires avant de pouvoir obtenir une solution de sulfate de morphine à partir de ces gélules. Chacune de ces étapes présente des risques, plus ou moins importants pour les usagers.

Tout d’abord, il faut réduire en poudre le médicament. Dans la majorité des cas c’est le SKENAN® qui est utilisé car contrairement au MOSCONTIN®, il se présente sous forme de gélule contenant des microgranules, il est donc bien plus facilement écrasable que ce dernier. En écrasant ces microgranules, les usagers obtiennent une poudre qu’ils vont pouvoir mettre en solution plus facilement. Pour cela, ils placent la poudre obtenue dans la Stericup® ou autre « cup », et la dilue avec de l’eau pour préparation injectable dans la majorité des cas.

Beaucoup de ces usagers vont alors chauffer la « cup ». Ils reproduisent à l’identique, les gestes qu’ils effectuaient lors d’un « shoot » d’héroïne brune. D’autres sont persuadés que cette étape de chauffage est nécessaire à l’obtention d’une solution induisant les effets de « défonce » recherchés lors de l’injection intraveineuse. Hors, il ne faut surtout pas chauffer le mélange SKENAN® et eau. En effet, les microgranules diluées dans l’eau vont former une sorte de pâte qui devient impropre à la consommation par voie injectable. De nombreux messages sont diffusés au sein de cette population afin qu’ils n’effectuent pas cette étape de chauffage. Différentes méthodes sont employées pour chauffer : certains préchauffent l’eau avant d’y ajouter le SKENAN®, d’autres essentiellement Russophones chauffent les microbilles non écrasées avant l’ajout de l’eau. Cette technique de préparation est d’ailleurs appelée « à la russe ».

Une fois le mélange obtenu, qu’il soit chauffé ou non, l’étape de filtration a lieu. Le filtre à cigarette est celui qui est le plus utilisé. Le filtre toupie est utilisé

127 lorsque la solution n’est pas trop pâteuse, sinon il se bouche très vite. C’est également le cas des Sterifilt® qui colmatent vite.

Une fois filtrée, la préparation est prête à être injectée. Chacune de ces étapes reproduit exactement les gestes d’une injection d’héroïne. Le principal problème dans cette voie d’administration est la perte de la libération prolongée. En effet, administrée par voie orale, le SKENAN® présente une durée d’action d’environ 12 heures. Cette propriété est due à la galénique du médicament. En le broyant, le comprimé perd cette propriété et libère une grande quantité de morphine perdant alors sa longue durée d’action. C’est d’ailleurs ce que va rechercher la plupart de ces usagers, puisqu’en se l’administrant par voie intraveineuse, ils vont rechercher un effet « flash » caractérisé par une euphorie et une sensation de relaxation intense. Cependant, le « flash » de la morphine se traduit également par des fourmillements et picotements dans tout le corps, à la différence de celui procuré par l’héroïne. Cela est dû aux propriétés histamino-libératrices de la morphine. Selon les usagers, le pic ou « flash » surviendrait plus vite et plus violemment que celui de l’héroïne et les effets seraient plus courts (3heures). Comme la durée d’action des formes L.P. va diminuer en les injectant, cela va favoriser des injections multiples quotidiennes. Dans l’étude de l’OFDT, on observe que la multiplication des injections dans la journée en divisant les doses de produit est une habitude répandue. Cela a pour conséquence des risques décuplés liés à l’injection (infections, complications circulatoires…) L’étude cite même le cas d’un usager qui s’injecte jusqu’à dix fois par jour du SKENAN®. A Bordeaux, certains usagers se l’injectent trois fois par jour à raison d’une toute les 6 heures comme dans le cadre d’une prescription.

L’autre inconvénient rencontré provient de la galénique des formes L.P. Que ce soit dans le SKENAN® ou le MOSCONTIN®, on retrouve du talc comme excipient. Lors d’une injection d’une de ces spécialités, le talc va induire la formation de corps étrangers granulomateux. Les injections dans les veines périphériques vont aboutir à un dépôt de ces corps étrangers dans les poumons. Ces granulomes vont se déposer soit dans l’interstice pulmonaire (charpente entourant et supportant les alvéoles), soit dans les artères pulmonaires. Dans le premier cas cela peut aboutir à une fibrose pulmonaire (transformation progressive du parenchyme pulmonaire normal en tissu fibreux), alors que dans le deuxième cas, cela va conduire à une hypertension pulmonaire artérielle. Il faut noter qu’une fibrose pulmonaire peut évoluer en hypertension pulmonaire

128 artérielle. Cette dernière peut devenir irréversible avec pour conséquence clinique une dyspnée importante.

Le talc n’est pas le seul excipient des sulfates de morphine à provoquer ces pathologies pulmonaires. De plus, ces excipients vont causer des complications circulatoires avec des thromboses, des ischémies et des nécroses veineuses.

Figure 50 : Conséquences de l’injection de talc (Référence A6)

Mais l’injection n’est pas la seule voie utilisée en cas de mésusage des sulfates de morphine. Dans une moindre proportion, on retrouve 10,1% des usagers dans les CAARUD qui les utilisent en « sniff », un peu plus de 1% qui les consomment en les fumant, et seulement 15,9% qui le prennent par voie orale. Cependant, à la différence de l’injection, l’utilisation par voie nasale et inhalée semblent être des consommations ponctuelles.

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3. Mésusage dans le mode d’acquisition

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Dans le document La substitution de l'héroïne par la morphine (Page 127-130)