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Le mésusage chez la personne âgée

Dans le document Le mésusage des laxatifs (Page 51-55)

B. Sports avec pesée : l’équitation

IV. Autres cas de mésusage

3. Le mésusage chez la personne âgée

Dans la population âgée, la croyance du bienfait d’aller à la selle une fois par jour est très ancrée. En avançant en âge la prévalence de la constipation augmente, elle concerne un tiers des personnes après 60 ans, contre 16% dans la population générale. (20)

Pourtant physiologiquement, rien n’est responsable de cette constipation, ce sont plutôt les facteurs environnementaux, modifiés par le grand âge, qui vont impacter le transit. Tout d’abord au niveau alimentaire, les personnes âgées ont tendance à peu s’alimenter, peu boire, ce qui ne permet pas au bol alimentaire d’avancer normalement le long du côlon. L’alimentation des personnes âgées n’est le plus souvent pas constituée d’assez de fibres (fruits, légumes, légumineuses), ces dernières étant nécessaires au bon fonctionnement du transit. La faible ingestion de liquide peut être volontaire, en vue de minimiser ou de contrôler

une incontinence urinaire. (98) Ensuite, les personnes âgées sont souvent polymédiquées, et parmi ces médicaments certains vont avoir un impact sur le transit : antalgiques, anticholinergiques, antidépresseurs, antispasmodiques, diurétiques, etc. Enfin, le manque d’exercice dû à des difficultés de déplacement peut venir aggraver cette constipation.

La prise en charge de la constipation doit se faire de manière adaptée, avec les bonnes molécules et en tenant compte des autres traitements. Pour cela il faut que le traitement de la constipation soit initié et suivi par un médecin, et non pas après avoir vu la dernière publicité pour un laxatif - le plus souvent stimulant - à la télévision.

Une étude réalisée auprès d’officines en Italie, concernant l’achat de laxatifs en vente libre a montré que l'âge moyen des acheteurs était de 46 ans et que près de 25% des acheteurs étaient des personnes âgées (supérieur 60 ans), en majorité des femmes. (99) Parmi les sujets étudiés, 40% utilisent les laxatifs de manière inappropriée (mésusage), c’est à dire de manière systématique pour 70% d’entre eux. (99) Les raisons de l’achat des laxatifs étaient les suivantes : une constipation due au stress, un régime, une constipation due à une grossesse, une constipation due au cycle menstruel, ou en vue d’une chirurgie ou d'un examen exploratoire (coloscopie). Le laxatif le plus utilisé est le lactulose, puis on retrouve des laxatifs stimulants : un laxatif à base de séné et un autre à base de bisacodyl. (99) Soixante pour cent des ventes avaient été orientées par le conseil d’un médecin ou un pharmacien, en revanche près d’un quart des ventes émanait de suggestions de proches ou de publicités. (99) Enfin, près de la moitié des personnes étudiées prend un laxatif malgré trois évacuations ou plus par semaine.

Une étude Française, bordelaise, s’est intéressée à l’utilisation des laxatifs en automédication. (97) L’âge médian de l’échantillon est 64 ans. (100) Les laxatifs les plus utilisés sont les laxatifs stimulants (62%), suivis des laxatifs osmotiques (18,2%) et lubrifiants (14,6%). Pour près de 60% de l’échantillon, l’utilisation du laxatif excédait un an. Plus de 35% des sujets consomment un laxatif quotidiennement, et près de 30% en consomment plusieurs fois par semaine. Lors de l’achat de laxatifs, environ 18% achètent plusieurs marques de laxatifs, et 40% achètent plusieurs boites. Soixante-dix pour cent disent avoir recours aux laxatifs pour traiter une constipation (ponctuelle ou chronique) et 8% avouent consommer des laxatifs dans le but de maigrir. La définition de la constipation est très subjective, et l’idée qu’aller à la selle quotidiennement est nécessaire à une bonne santé est une des raisons qui explique que certains laxatifs soient pris quotidiennement. (97)-(99) L’étude de Koch et al. confirme cette idée de croyance erronée sur la constipation. Parmi l’échantillon étudié, six personnes d’âge médian de 84 ans ont accepté de donner leur définition de la constipation, et la conduite qu’elles tenaient face à cette situation. Pour cinq d’entre elles, aller à la selle quotidiennement

leur paraît être la normalité, et si ce n’est pas le cas elles pensent alors être « constipées » et prennent un laxatif. Les laxatifs utilisés variaient entre laxatifs salins (sels d’Epsom), laxatifs stimulants à base de séné, et laxatifs stimulants à base de bisacodyl. Pour la 6ème personne, la fréquence idéale est tous les deux jours. On voit donc bien l’idée erronée que se fait la plupart des personnes âgées, mais aussi la plupart des personnes en général. (98)

Il y a donc une réelle croyance d’un besoin quotidien pour encore de nombreuses personnes âgées. Les personnes âgées étant souvent très ritualisées il peut s'avérer très difficile de les faire changer d’habitudes. Si la prise d’un laxatif est absolument nécessaire, il faut s’assurer qu’il y ait un suivi médical et éviter certaines classes de laxatifs. L’utilisation des laxatifs stimulants n’est pas recommandée chez les personnes âgées, et la prise de laxatifs lubrifiants doit se faire avec précaution en raison d'un risque de suintement anal et de pneumopathies d’inhalation.

TROISIEME PARTIE : LE MESUSAGE DES

LAXATIFS EN PRATIQUE, CONSEQUENCES ET

PRISE EN CHARGE

Les classes de médicaments les plus rencontrées dans les cas de mésusage (et/ou d'abus) dans la population générale sont les antalgiques opioïdes, les anti-histaminiques et les laxatifs. (101) Le mésusage des laxatifs est souvent dû à une croyance erronée selon laquelle leur utilisation évite l’absorption des calories et évite de prendre du poids. On retrouve aussi ce mésusage (et/ou abus) chez des personnes pensant qu’une défécation par jour est nécessaire à une bonne santé. Il est difficile de quantifier ce mésusage en pratique car souvent les personnes se rendent dans différentes pharmacies pour se procurer régulièrement et/ou en quantité importante les médicaments sus-mentionnés. En effet, ce « nomadisme pharmaceutique » vise à contre-carrer le refus de la vente par son pharmacien habituel. Ce dernier étant un rempart au mésusage. Les méthodes utilisées par les pharmaciens pour éviter ces mésusages sont le plus souvent de mettre le produit incriminé hors de vue des patients, ces derniers devant alors le demander directement au pharmacien, qui pourra effectuer un contrôle de la nécessité de la prise du médicament avant sa délivrance. D’autres diront que le produit n’est pas disponible ou refuseront directement la vente. Ceci n'est pas une solution en soi, la personne risquant de se tourner vers une autre pharmacie. Enfin, certains conseilleront un produit ayant la même indication mais avec moins d'effets néfastes.

Les personnes les plus suspectées de mésusage des laxatifs dans la population générale sont celles entre 26 et 50 ans, les moins de 25 ans plus que les plus de 50 ans, et les femmes plus que les hommes. (101)

Dans cette troisième partie nous étudierons le mésusage dans un contexte plus pratique, en s’intéressant à la perception du mésusage par les professionnels de santé, le pharmacien et le médecin, et au travers de témoignages de personnes concernées.

Nous rechercherons quelles peuvent être les conséquences du mésusage (et/ou abus) des laxatifs. Enfin, nous étudierons les éventuels moyens de prise en charge face à ce mésusage. (4), (85), (102)

Dans le document Le mésusage des laxatifs (Page 51-55)

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