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Les « lieux de mémoire » sur supports mobiles : récupérer l’archive pour témoigner de et pour impliquer dans l’œuvre

d’archivage documentaire intégratif

B. Les « lieux de mémoire » sur supports mobiles : récupérer l’archive pour témoigner de et pour impliquer dans l’œuvre

Si, entre conduite du projet, sauvegarde et conservation de l’œuvre, on peut reconnaître éventuellement une nécessité de la pratique archiviste, celle-ci relève aussi d’une stratégie communicationnelle et promotionnelle. Elle est instrumentalisée, en effet, dans le cadre de trois autres fonctions dérivées : témoigner de l’œuvre devant un large public, impliquer dans les projets en cours et à venir des acteurs potentiels, rendre l’œuvre intelligible. Au-delà de la sauvegarde et de la conservation de l’œuvre dans les archives, il y a la récupération des archives : décantées, mises en forme et publiées, elles deviennent une représentation de l’œuvre, elles deviennent une médiation pour de nouveaux projets, elles deviennent un cadre de référence partagé et communicable. Ainsi, depuis Wrapped Coast, Little Bay, One Million Square Feet, Sydney, Australia,1969 et surtout Valley Curtain, Grand Hogback, Rifle, Colorado, 1970-1972, les artistes ont systématisé et standardisé trois modes de sélection, de mise en forme et de présentation des enregistrements graphiques, et de la collection documentaire de chacun des projets réalisés : l’ouvrage documentaire, l’exposition documentaire et le film documentaire. A l’effacement complet des traces sur les sites d’élaboration de chacune des œuvres, les artistes substituent des matérialisations de sa mémoire : les éditions documentaires. Les documents y sont présentés sur des supports mobiles et manipulables, c’est-à-dire transportables, communicables et susceptibles de devenir des objets de don ou des biens commercialisables. Ils permettent une appropriation mentale individuelle ou collective de l’œuvre, après-coup, hors site, par le truchement d’un dispositif essentiellement scopique, impliquant un parcours du regard sur l’œuvre. Les éditions documentaires donnent à voir et à comprendre ce qui n’est plus et, à travers ce qui n’est plus, ce qui pourrait être à nouveau, ailleurs. Elles sont conçues pour produire un désir de l’œuvre à venir. Les éditions documentaires donnent à voir de quelle façon ce qui n’est plus a pu avoir lieu, et à quelles conditions et suivant quels moyens cela pourrait avoir lieu à nouveau. Elles sont conçues pour produire un désir d’implication dans le projet en cours. C’est pourquoi elles accompagnent les artistes dans leurs actions de production de l’œuvre, afin d’être montrées, offertes ou vendues315. Trois fonctions (témoigner, impliquer, rendre

le titre « Confessions of a Christo and Jeanne-Claude Groupie », comme un acte subversif en accord avec l’esprit de l’œuvre christolienne, au symposium de l’Université de Stanford, en mars 1998.

315 C’est le cas évidemment des expositions et des films, mais aussi de façon plus discrète des ouvrages

documentaires. A titre d’exemple, les plus importantes opérations de négociation et de lobbying que les artistes effectuent en vue de l’obtention des autorisations d’installer ou de construire leurs projets, s’engagent avec le don d’un exemplaire signé et numéroté d’un ouvrage documentaire. A cette fin, les artistes font éditer des tirages spéciaux : « hors de commerce copies for the use of the artist » (841 exemplaires pour Christo : Running Fence, 500 pour Christo and Jeanne-Claude : The Umbrellas, par exemple). Le don est enregistré par le photographe et montré dans l’ouvrage documentaire correspondant. Dans l’ouvrage documentaire Christo : Le pont Neuf

Empaqueté (Christo, 1990, p. 93), une photographie de W. Volz montre sur la table basse située entre les Christo

et J. Chirac, un exemplaire de l’ouvrage documentaire Christo : Running Fence sorti de son étui, une autre (ibid., p. 68) montre Jeanne-Claude offrant un exemplaire du même ouvrage à M. Renand, le directeur du grand magasin La Samaritaine. Dans l’ouvrage documentaire Christo and Jeanne-Claude : The Reichstag Wrapped (Christo, 1996, p. 134), c’est à la présidente du Bundestag, R. Süssmuth, que les artistes offrent un exemplaire signé de Christo : The Pont-Neuf Wrapped. Les documents photographiques la montrent qui feuilletteee l’ouvrage que Christo vient de signer. Dans le catalogue d’exposition documentaire Christo and Jeanne-Claude :

The Gates, Project for Central Park (1998/a, p. 22), c’est le Commissioner of Parks and Recreation de la ville de

New York, Gordon J. Davis, qui reçoit l’ouvrage documentaire Christo : Running Fence. La même stratégie est déployée avec les films documentaires qui sont, par exemple, systématiquement montrés en amont de

l’œuvre intelligible) portées par trois types de dispositif narratif superposés : un dispositif référentiel à fonction réalitaire, un dispositif poético-expressif à fonction d’implication, un dispositif métadiscursif à fonction d’intelligibilité, qui dessinent une pragmatique de l’édition documentaire organisée par les artistes316. Nous n’étudierons pas dans cette partie la troisième

fonction - rendre l’œuvre intelligible - dont l’analyse dépend de la mise en place préalable de son environnement métadiscursif. Elle sera présentée dans la partie suivante (cf. II, C). La définition des éditions documentaires comme dispositifs narratifs nous invitent à recourir aux outils de la narratologie (Genette, 1972), afin de mettre au jour leur fonction pragmatique. Les trois modes de représentation de l’œuvre sont constamment rapportés les uns aux autres : le film et l’exposition sont évoqués dans l’ouvrage, l’exposition est montrée par le film, le film est projeté dans l’exposition, l’ouvrage y est vendu. Si l’on s’attache aux ouvrages documentaires, on note le nombre important de photographies qui montrent les frères Maysles dans leur entreprise de prises de vue et de son. Leur présence est signalée et leur activité décrite par le commentaire de document317, rappelant ainsi leur fonction dans le projet

artistique. Sur les pages de couverture de certains ouvrages (Christo, 1973 ; 1986), le lecteur trouvera une référence aux films documentaires correspondants et à leur enregistrement sur support vidéo318. Les ouvrages montrent aussi les expositions documentaires : l’exposition

« Christo : Works on loan from the Rothschild Bank AG, Zurich Collection » organisée au Seibu Museum of Art, à Karuizana (Japon), pendant l’été 1987, est présentée dans l’ouvrage Christo and Jeanne-Claude : The Umbrellas (1998/a, p. 122). Mais, celles-ci sont aussi filmées. C’est le cas, par exemple, de « Surrounded Islands, Project for Biscayne Bay, Greater Miami, Florida, Documentation Exhibition » présentée en juin 1982 à la Miami-Dade

l’installation aux associations de résidents, aux propriétaires terriens futurs bailleurs des artistes, mais aussi aux installateurs et aux monitors pendant les journées de formation qui précédent le montage de l’installation.

316 J.-M. Poinsot (1999, p. 251), utilise lui les cinq catégories d’actes illocutoires définies par la théorie des actes

du langage de J. Searle : « Nous disons à autrui comment sont les choses (assertifs), nous essayons de faire faire des choses à autrui (directifs), nous nous engageons à faire des choses (promissifs), nous exprimons nos sentiments et nos attitudes (expressifs) et nous provoquons des changements dans le monde par nos énonciations (déclarations). ». Les actes assertifs correspondent à l’ensemble des actes qui portent la fonction référentielle des dispositifs narratifs, les actes directifs et les actes expressifs portent quant à eux la fonction d’implication, tandis que les actes de déclaration supporteront la fonction méta-discursive.

317 « Au musée Carnavalet, Christo désigne un détail amusant sur une vue ancienne de Paris à l’attention des

cinéastes new-yorkais Albert (à la camera) et David Maysles, qui suivent le projet du Pont-Neuf pour réaliser ultérieurement un film documentaire, et qui ont déjà réalisé des films sur deux œuvres de l’artiste, Valley Curtain et Running Fence. Le premier de ces deux films fut sélectionné en 1973 pour les Oscars de l’Académie du cinéma. » (Christo, 1990, p. 49). Mais aussi, « On April 7, 1981, Christo announced his Surrounded Islands project at a Miami press conference organized by the New World Festival, Inc., in the Dade County Downtown Development Authority Office. (…) Among those in attendance (starting from Christo’s left): Robert Herman, director of the New World Festival, museum director Jan van der Marck, and film maker David Maysles (in earphones), who, with his brother Albert, was filming the project from its inception. » (Christo, 1986, p. 45). Ou encore « Clockwise: Christo, Jeanne-Claude, Henry Corra film maker/collaborator of Albert Maysles, Henry Scott Stokes, Kyotsu Sakamoto, interpreter Setsuko Shibata and Mayor of Satomi-Mura, Isaka Kiichi. (…) Henry Corra film maker and Dennis McCarthy Senior Vice President and General Counsel for Tejon Ranch Co. » (Christo et Jeanne-Claude, 1989, p. 17 et p. 41) et « Right : standing on a pedestrian bridge on the Sato River, Christo points out the landscape to Albert Maysles (holding his camera). » (Christo, 1998/a, p. 117). Notons que des commentaires similaires expliquent l’activité des photographes.

318 A titre d’exemple, dans l’ouvrage documentaire Christo : The Umbrellas, Japan-USA (1998/a, p. 1404), une

transcription de la bande-son et deux photographies d’écran du film des Maysles Umbrellas (1995) sont reproduites. Il s’agit d’images de Vince Davenport, l’ingénieur en chef du projet et de l’installation, expliquant l’accident mortel de la spectatrice Lori Rae Keevil-Mathews. Dans l’ouvrage documentaire Christo : Surrounded

Islands (Christo, 1986), on trouve ainsi au dessous des informations légales (éditeur, numéro ISBN, etc.) :

« Maysles Films Inc., New York City, distributes “Islands”, film and videotape about Christo : Surrounded

Public Library, qui est montée dans Islands (Maysles, 1985). Le film documentaire est projeté dans ou à la faveur de l’exposition. Le dispositif muséographique de l’exposition « Christo and Jeanne-Claude » de la Halletoren Markt de Bruges, août-septembre 1997, comprenait des postes de télévision qui diffusaient les films Umbrellas (Maysles, 1995) et Christo’s Valley Curtain (Maysles, 1974). Au Martin-Gropius-Bau, en septembre-décembre 2002, les neuf films documentaires réalisés sur les œuvres des Christo étaient projetés en alternance, et non pas seulement ceux (Blackwood, 1977 ; Hissen, 1996) qui correspondaient aux œuvres présentées dans l’exposition : Wrapped Coast et The Reichstag Wrapped. Pour les artistes, les éditions documentaires ont donc une valeur équivalente, ce qui ne signifie pas identique, qu’elles aient été conçues par eux-mêmes (ouvrages et expositions) ou bien par d’autres auteurs (films).

1. Témoigner de l’œuvre : des dispositifs narratifs référentiels

Les éditions documentaires sont des dispositifs narratifs de type iconographique et secondairement discursif (écrit, oral) 319. Ils racontent l’histoire de l’œuvre disparue dans un

registre référentiel, pour ce faire, leur récit est factuel et chronologique. L’énoncé (discursif et iconographique) rend compte de procédures de production de l’œuvre (il fait référence à des faits) et du lien entre les faits (il fait référence à une succession causale chronologique). Chaque document est présenté et commenté, afin de témoigner d’une action et de lui donner sa place dans l’enchaînement causal chronologique qui fait l’œuvre ; l’ensemble des documents relatent l’histoire de la fabrication de l’œuvre. Ils montrent que chaque œuvre particulière se réalise à la condition, d’une part, de réifier l’idée dont elle procède, c’est-à-dire de la faire rentrer dans une logique de l’action et par-là même de faire entrer quelque chose de la réalité dans la matière de l’œuvre, et, d’autre part, de passer d’une logique cumulative à une logique d’assemblage et d’intégration. Les éditions documentaires sont donc des dispositifs narratifs linéaires et référentiels à fonction réalitaire. Elles ne semblent pas aller au-delà : aussi bien dans les principes militants du « cinéma direct », que dans ceux, parfois plus implicites, de Christo et Jeanne-Claude, l’interprétation et le jugement, n’ont pas leur place dans le compte rendu de l’œuvre. Les dispositifs narratifs se refusent à énoncer une interprétation ou une explicitation de l’œuvre que l’édition documente et à lui conférer une signification : ils ne portent pas de message320. La fonction référentielle du dispositif est

tellement volontaire et appuyée qu’elle définit, en fin de compte, une posture artistique, comme le montre le différend qui a opposé les Christo à MayslesFilms à propos du montage de Umbrellas (1995)321. L’ensemble du dispositif narratif (énoncé iconographique et énoncé

319 Dans Christo : Running Fence (1978), l’ensemble des commentaires iconographiques rédigés par D.

Bourdon est d’ailleurs intitulé « Narrative text ».

320 Ce principe a été clairement énoncé par les artistes en maintes occasions, en particulier au Théâtre de Riehen,

le 11 août 1998, lors de la présentation de leur projet Wrapped Trees. Ainsi, une visiteuse de l’installation The

Wrapped Trees rappelle, devant la caméra des frères Hissen (1999), les termes de la conférence des Christo :

« Jeanne-Claude said they are just making art here. They cover trees and that is their art, they don’t have a message. They only want this to speak for itself. It’s so great that Jeanne-Claude made it official. So now I can just stand here and feel its impact on me without even having it understand. ».

321 Interrogée à ce sujet en février 2003, Susan Froemke, l’une des principales collaboratrices des Maysles, m’a

répondu : « Our relationship with the Christos goes back to the early l960's. Their approach to their projects is the same as our approach is to our films and so there has always been a wonderful trust between us, and respect for each others work. ». Les Christo partagent les termes de l’approche réaliste du « Cinéma direct », il n’est donc pas étonnant d’en retrouver les principes d’une part, dans les ouvrages et expositions documentaires conçus par les Christo et d’autre part, dans les films documentaires des Maysles. Puis, elle ajoute « The only film where there was any disagreement about the edit [montage] was on Umbrellas. It's first cut was more non-linear than any of the other films and the Christos didn't like it as much. Albert Maysles was also in agreement with them.

discursif) semble accorder la représentation de chaque œuvre avec ce qui en constitue sa condition et sa visée poïétiques : faire entrer la réalité dans la matière de l’œuvre. Dans les ouvrages et les expositions documentaires, l’emploi d’un registre référentiel pour les sommaires et les légendes est l’instrument de lisibilité de cette mise en conformité. La fonction référentielle du dispositif narratif impose une lecture successive ou diachronique de l’œuvre.

a- Les ouvrages documentaires

L’ouvrage documentaire est, dans son ampleur, sa systématisation, une production tout à fait unique dans l’art contemporain, c’est-à-dire particulière à cette œuvre artistique, et, par sa richesse, presque incomparable avec les deux autres formes documentaires (le film et l’exposition). Il constitue l’archétype de la mise en forme et de la publication des archives christoliennes, voire le modèle pour ce qui concerne la conception des expositions documentaires. Sa constitution et sa publication est systématique depuis Wrapped Coast322.

On doit néanmoins distinguer, du point de vue de leur richesse documentaire, les ouvrages de petit format, faisant une moyenne de 100 pages323 et les ouvrages de grand format. Ces

derniers mesurent 30 cm x 28 cm, sont présentés dans des étuis cartonnés illustrés de photographies d’objet d’art, et font une moyenne de sept cents pages324. Les ouvrages sont

conçus et édités par Christo325. Ils sont publiés dans les années qui suivent la disparition de

l’objet d’art : l’année même de l’installation, pour Wrapped Coast, Wrapped Walk Ways et Wrapped Trees ; un ou deux ans après le démantèlement de l’installation, pour Valley Curtain, Running Fence, Surrounded Islands, The Reichstag Wrapped ; cinq ans après, pour The Pont-Neuf Wrapped ; sept ans après, pour The Umbrellas326. Ce décalage plus ou moins

important entre l’aboutissement du projet et l’édition de l’ouvrage qui en rend compte, correspond au temps de la sélection documentaire et à celui de la conception, temps de toute façon limités par le travail sur les projets en cours. Ils sont publiés en série limitée. Les

Eventually the film was re-edited to be more linear and both parties were happy with the result. ». Le non respect par la narration de l’ordre chronologique de l’histoire, imposé au film par l’ours d’H. Corra, n’a satisfait ni les artistes, ni A. Maysles. Il a donné lieu à un « redressement » linéaire du récit.

322 Une seule installation n’est pas documentée par un ouvrage documentaire, il s’agit Wrapped Roman Wall. 323 Christo: Wrapped Coast (1969), 75p. ; Christo : Ocean Front (1975), 83p. ; Christo : Wrapped Walk

Ways (1978/b), 96p ; Christo and Jeanne-Claude : Wrapped Trees (1998/b), 136p. Toutes les œuvres auxquelles

ils se rapportent, ont été réalisées en une année, voire en quelques mois, elles ont dépendu de la négociation avec peu d’acteurs locaux, elles n’ont donc pas donné lieu à la production d’un matériel documentaire considérable. Le rassemblement des documents dans les ouvrages prend corps dans des éditions restreintes.

324 Christo : Valley Curtain (1973), 350p. ; Christo : Running Fence (1978/a), 694p. ; Christo : Surrounded

Islands (1986), 696p. ; Christo : Le Pont-Neuf Empaqueté (1990), 588p. ; Christo and Jeanne-Claude : Verhüllter / Wrapped Reichstag (1996), 716p. ; Christo and Jeanne-Claude : The Umbrellas (1998/a), 1422p.

(vol. 1, 696p. et vol. 2, 726p.).

325 Dans un entretien téléphonique (entretien du 19 février 2003), Jeanne-Claude insiste sur ce point : les

ouvrages, conçus et réalisés par Christo, sont livrés à l’éditeur « ready to print ».

326 Les éditeurs successifs de ces ouvrages sont : Contemporary Art Lithographers, Minneapolis, pour Wrapped

Coast ; Harry N. Adams Inc., New York, de Christo: Valley Curtain à The Pont-Neuf Wrapped ; B. Taschen,

Cologne, depuis Christo and Jeanne-Claude : Verhüllter / Wrapped Reichstag. Il existe par ailleurs des éditions française (P. Horray, Paris) et italienne (Gianpolo Prearo, Milan), pour Valley Curtain, des éditions française (Adam Biro, Paris), allemande (Dumont, Cologne) et néerlandaise (Andreas Landshoff, Amsterdam), pour The

Pont-Neuf Wrapped. Les ouvrages publiés par les éditions Taschen sont bilingues : américain-allemand (Christo,

1996), américain-japonais (Christo, 1998/a), voire trilingues : américain-allemand-français (Christo, 1998/b). Titre complet : The Umbrellas, Japan-USA, Ibaraki Prefecture, Kern and Los Angeles Counties, California,

artistes, et pour les ouvrages récents le photographe W. Volz, signent et numérotent les exemplaires d’un premier tirage327 : ils deviennent des pièces de collection qui s’échangent sur

le marché d’occasion des livres d’art.

Les ouvrages documentaires rassemblent une sélection considérable de plusieurs centaines de documents328, de nature, d’origine et de genre très variés, se rapportant aux projets et aux

installations (cf. tableau 07). Ceux-ci se déclinent donc dans les différents champs : du projet - les documents préparatoires ; de la construction - les documents témoins de la mise en place de l’objet textile ; de l’exposition de l’œuvre in situ - les documents témoins de l’objet d’art et de sa réception. L’étude de leur poids respectif dans cinq ouvrages (cf. tableau 08) fait apparaître une équivalence entre la couverture du projet et celle de l’objet d’art exposé : entre 31,6% et 43,3% des pages des ouvrages documentaires consacrées aux documents préparatoires, et entre 32,6% et 45,8% des pages consacrées aux documents témoins de la réalisation, tandis que la mise en place proprement dite ne rassemble qu’entre 22,6% et 25,2% de celles-ci329. Les documents sont présentés tels qu’ils ont été produits et conservés, c’est-à-

dire qu’il s’agit de reproductions en l’état, et pour les textes et les tableaux, dans leur langue d’origine (en japonais par exemple, pour une partie des documents de l’ouvrage Christo and Jeanne-Claude : The Umbrellas, l’autre étant publiée en américain). Des coupes sont néanmoins effectuées dans certains longs documents écrits, ceux-ci sont alors présentés sous la forme d’extraits330 (comptes rendus divers, études d’impact, procès-verbaux d’audience

publique, journaux de bord). La documentation photographique est toujours majoritaire et témoigne plus largement de la place réservée aux opérations d’enregistrement direct ou indirect (films, photographies, journaux, transcriptions, compte-rendus) dans les pratiques archivistiques et éditrices. Dans Christo : Surrounded Islands (Christo, 1986), la part respective des documents classés en fonction de leur nature est la suivante : 606 photographies (opérations et portraits), 158 textes et tableaux de données, 48 œuvres préparatoires et schémas / croquis techniques, 31 cartes et plans (cf. tableau 07) ; dans Christo : Running Fence (1978/a) on dénombre 524 photographies (143 couvrant le projet, 176 la mise en place et 214 l’objet d’art) ; dans Christo : Valley Curtain (Christo, 1973) on

327 Christo : Valley Curtain, 1500 copies signées et numérotées ; Christo : Running Fence, 2159 copies ;

Christo : Surrounded Islands, 1000 copies. Les éditions Taschen éditent un tirage appelé « Collectors Edition »

numéroté et signé (1000 copies, pour Christo and Jeanne-Claude : Wrapped Trees ; 2 500 copies, pour Christo

and Jeanne-Claude : The Umbrellas), et pour Christo : The Reichstag Wrapped ils ont aussi édité un tirage

commercial à couverture souple.

328 La publicité de l’éditeur B. Taschen de Christo and Jeanne-Claude : The Umbrellas, annonce 3 194

illustrations.

329 Les pourcentages de l’ouvrage documentaire Christo : Valley Curtain (Christo, 1973), respectivement 39%,

43,3% et 17,7%, semblent par conséquent peu représentatifs, si ce n’est du fait que, dès les premiers ouvrages documentaires, toutes les actions productrices de l’œuvre se trouvent documentées et représentées.

330 C’est tout de même quelques 210 pages (textes et tableaux) sur les 265 pages que comptait l’Environmental

Impact Report de la Running Fence, mais aussi 17 cartes et figures, qui sont reproduites dans l’ouvrage

documentaire Christo : Running Fence (Christo, 1978/a, pp. 194-248), ainsi que 68 pages d’extraits de la retranscription de l’audience publique du Sonoma County du 16 décembre 1975, agrémentées de 13 photographies de séance (ibid., pp. 247-265). Et c’est aussi 30 pages du journal de J. Van der Marck, directeur