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Chapitre 1 Procédés polyphasiques étudiés 23

2.1 Analyse d’images

2.1.1 Mélange gravitaire en tube vertical

[Baird et al., 1992] a analysé le mélange d’un volume de solution saline injecté au sommet d’un tube rempli d’eau mais la dépendance en temps du profil de concentration n’a pas été identifiée et cette géométrie n’est pas symétrique. [Zukoski and Cannon, 1975] a étudié le mélange entre l’air chaud et l’air froid lors d’un incendie dans une cage d’escalier ou dans un ascenseur, également en géométrie dissymétrique. Enfin [Cook and Dimotakis, 2001] a simulé les premiers instants du mélange.

Le dispositif expérimental que nous avons utilisé est celui de la Figure1.1(page25). Après ouverture rapide de la vanne à guillotine située à mi-hauteur, on étudie l’évolution du mélange le long du tube pendant environ vingt minutes. La méthode consiste à acquérir à intervalles réguliers (toutes les 2 s) des images de l’intensité lumineuse traversant le tube (éclairé uniformément de l’arrière par des tubes fluorescents), à l’aide d’une caméra digitale refroidie (1300 × 20 pixels). Une seconde caméra conventionnelle est focalisée sur les trente premiers centimètres au-dessus de la vanne à guillotine, afin d’observer de plus près les mouvements des fluides.

Pour obtenir des mesures de qualité :

— Il est tout d’abord important de préparer avec grand soin l’expérience, en veillant notam-ment à ce qu’il n’y ait aucune bulle au niveau de la vanne à guillotine et que les deux fluides soit parfaitement purs et séparés de part et d’autre de cette vanne.

— Il faut ensuite que la caméra soit parfaitement positionnée par rapport au tube et bien refroidie.

— Il faut enfin que la pièce soit bien occultée pour éviter toute lumière parasite.

Des informations quantitatives sont obtenues en traduisant (à l’aide d’un étalonnage effectué au préalable5) les images de l’intensité lumineuse en cartes de concentration. Cette concentration est normalisée entre deux images de référence obtenues avec les solutions pures (0 pour le fluide lourd incolore et 1 pour le fluide léger coloré), puis moyennée sur la section du tube. On peut alors juxtaposer les profils successifs sous la forme d’un diagramme spatiotemporel, où les niveaux de gris correspondent à la concentration moyenne normée C : noir pour la solution légère et blanc pour la solution lourde. Ces diagrammes représentant l’évolution le long du tube (sur 2,6 m) et au cours du temps (sur 1200 à 1800 s) de la concentration relative des deux fluides C(x, t) dans une section du tube et à un instant donnés.

Observations qualitatives

Aux faibles contrastes de densité (Figure 2.2-b), l’instabilité initiale se développe sous la forme d’un champignon, le nombre de Reynolds est d’environ 10 et le sillage se déstabilise : il prend la forme d’une hélice et se déplace sur toute la demi hauteur du tube. En arrière du front, des volumes de fluides de plus fort contraste de densité (par rapport à leur environnement) sont visibles sur la Figure 2.2-b (zones sombres) : ils suivent précisément le sillage de la première 5. Plusieurs images sont enregistrées pour diverses concentrations bien définies de solutions emplissant le tube : nous avons ainsi pu confirmer que l’intensité lumineuse varie de manière exponentielle avec la concentration de colorant.

instabilité, mais se déplacent plus vite (vitesse figurée par la ligne pointillée). Si le front se propageait seul, son contraste de densité, et par suite sa vitesse locale, diminueraient par mélange avec le fluide environnant. L’arrivée successive de volumes de fluide de densité plus contrastée, permet de maintenir cette vitesse approximativement constante.

Aux forts contrastes de densité (Figure 2.2-a), l’instabilité initiale est rapidement détruite et le mélange parait nettement plus homogène sur une section. Des volumes de fluide de l’ordre du cm3se meuvent aléatoirement à des vitesses de quelques mm s-1sur des distances comparables au diamètre du tube. Cet écoulement faiblement turbulent induit un mélange efficace à petite échelle contrairement au cas des faibles contrastes de densité.

Régimes de mélange

La Figure 2.2-d présente un résultat typique obtenu à fort contraste de densité. Le dia-gramme spatiotemporel présente une variation continue et lente des nuances de gris, ce qui indique que les fluctuations de concentration sont faibles (Figure 2.2-a et g) et reflète un mé-lange homogène à petite échelle. Les paraboles pointillées d’iso-concentration C = 0,95 (partie basse) et C = 0,05 (partie haute) sur la Figure2.2-d marquent approximativement les frontières (floues) de la zone mélangée, ce qui suggère un processus diffusif, confirmé par le fait que les profils successifs de la concentration se superposent sur une même courbe lorsqu’ils sont tracés en fonction de x

t (Figure 2.2-g). La courbe Cx

t est en outre parfaitement ajustée par une fonction erreur (trait foncé sur la Figure 2.2-g), ce qui signifie que C satisfait l’équation de la diffusion (∂C

∂t = D ·∂x2C2) et permet de déterminer la diffusivité correspondante D. Ce type de comportement est observé pour les grands nombres d’Atwood : 4 10-3 < At < 9 10-2.

Le comportement est différent aux faibles contrastes de densité (Figure 2.2-e) :

1,5 10-4 < At < 2 10-3. Premièrement, la zone de mélange présente cette fois une frontière nette et approximativement droite (lignes pointillées) correspondant à la position du front de l’insta-bilité de digitation initiale (Figure 2.2-b). Deuxièmement, des stries obliques sont clairement visibles sur le diagramme spatiotemporel (Figure 2.2-e). Elles marquent les mouvements in-ternes observés sur la Figure 2.2-b, et mettent en évidence des fluctuations de concentrations plus importantes qu’à fort contraste de densité Figure2.2-h). Toutefois, les profils successifs de concentration se superposent encore lorsqu’ils sont tracés en fonction de x

t (Figure 2.2-h), et ils peuvent à nouveau être ajustés par une fonction erreur (trait plus foncé sur la Figure2.2-h). Aux contrastes de densité encore plus faibles (At < Atm =1,5 10-4), les profils de concentra-tion se superposent toujours approximativement lorsqu’ils sont tracés en foncconcentra-tion de x

t, mais ils ne peuvent plus être ajustés par une fonction erreur : le mélange n’est plus diffusif. Une région de concentration moyenne normée d’environ 0,5 se développe dans la partie médiane du tube : elle correspond à un contre-écoulement stable des deux fluides, qui ne se mélangent plus (Figure

2.2-c). Sur le diagramme spatiotemporel, le front de mélange est très marqué (Figure2.2-f). On y remarque le développement d’une « plaine » dans la zone centrale, qui correspond elle-aussi au contre-écoulement stable des deux fluides.

Nous avons aussi fait varier la viscosité des fluides et le diamètre du tube et ainsi pu cartographier les régimes de mélange sur la Figure2.3. Le nombre d’Atwood correspondant à la transition entre le régime de contre-écoulement stable et le régime diffusif décroît comme le diamètre du tube à la puissance trois, en revanche la transition entre les deux types de régimes diffusifs n’est pas aussi bien définie.

2.1. Analyse d’images

Figure 2.2 – Régimes de mélange : (a), (b) et (c) = séquences d’images des 30 cm au-dessus de la vanne guillotine, à respectivement At =5 10-2(intervalle de 7 s entre les images), At =8 10-4

(intervalle de 5 s entre les images) et At =5 10-5 (intervalle de 20 s entre les images) ; (d), (e) et (f) = diagrammes spatiotemporel correspondants aux mêmes At (l’échelle verticale correspond à la distance le long du tube (2,65 m au total) et l’échelle horizontale au temps (1200 s)) ; (g) et (h) = profils de concentration normalisée associés aux expériences (a) et (b) à t =120, 360 et 960 s tracés en fonction de x

t, la ligne plus sombre correspondant au meilleur ajustement de la fonction erreur ; (i) = profil concentration normalisée tracé en fonction de x à t =190 s et correspondant à l’expérience (c)

(a) effet de la viscosité (pour un tube de d = 20 mm

de diamètre) (b) effet du diamètre (à la viscosité de l’eau)

Figure 2.3 – Domaines d’observation des différents régimes de mélange :

 : contre-courant stable ; N : régime convectif-diffusif ;  : régime de mélange faiblement turbu-lent

Ces travaux sont détaillés dans :

Marie DEBACQ, Vincent FANGUET, Jean-Pierre HULIN, Dominique SALIN, Bernard PERRIN, 2001. Self-similar concentration profiles in buoyant mixing of miscible fluids in a vertical tube. Physics of Fluids 13, 3097–3100. DOI :10.1063/1.1405442