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Chapitre III: Discussion

2. Pourquoi les adultes ayant subi un TCC se plaignent-ils d’un mauvais sommeil et de

2.4 Médication

Tel que souligné par les plus récentes et vastes méta-analyses et revues (Grima, Ponsford, Rajaratnam, et al., 2016; Mantua et al., 2018; Mathias & Alvaro, 2012; Sandsmark et al., 2017), un autre facteur considérable, et qui a particulièrement été sous-évalué dans les études antérieures, est l’influence de la prise de médicaments psychotropes sur le sommeil et l’éveil à la suite d’un TCC. En effet, il est bien établi que ces médicaments traversent la barrière hématoencéphalique pour agir directement sur différents systèmes neurologiques, ce qui peut affecter la régulation du sommeil et de l’éveil (Mollayeva & Shapiro, 2013). Par exemple, la somnolence diurne qui constitue une plainte centrale chez les personnes ayant subi un TCC est un effet secondaire fréquent et partagé par de nombreux traitements psychotropes. Les benzodiazépines utilisées pour les troubles de sommeil et la douleur post-TCC offrent un sommeil rapide et continu, mais peu réparateur, puisque celles-ci altèrent l’architecture normale du sommeil en augmentant la quantité des stades N1 et N2 de sommeil et diminuant la quantité de stade N3. En outre, on notera que différentes classes d’antidépresseurs fréquemment utilisées à la suite d’un TCC modéré-sévère sont connues pour supprimer le stade REM, et là encore, possiblement influencer la perception d’un sommeil non récupérateur.

Malgré ce constat, on ignore à ce jour si les médicaments psychotropes prescrits à la suite d’un TCC modéré-sévère contribuent aux plaintes et/ou perturbations du sommeil et de l’éveil relevées. Les études sont confrontées à l’absence de consensus méthodologique quant à la manière de considérer les participants TCC prenant une médication. La majorité des études sur le sommeil post-TCC exclut les participants TCC prenant une médication hypnotique (Mantua et

al., 2018). Or, il est fort probable que ce soit ces derniers qui aient des difficultés de sommeil- éveil. Par ailleurs, sur les quelques études qui précisent la médication prise à la suite d’un TCC, uniquement deux ont tenté de contrôler son effet sur les analyses du sommeil-éveil (Beaulieu- Bonneau & Morin, 2012; Parcell et al., 2008). La première, qui porte sur un petit échantillon de TCC modéré-sévère (n=10), a apparié les participants TCC et contrôles selon la prise de médicaments (nature des médicaments non renseignée) et montrent chez le groupe TCC une altération de la continuité du sommeil, une diminution du stade REM et une augmentation du stade N3 comparativement aux contrôles (Parcell et al., 2008). La seconde, qui a comparé les participants TCC médicamentés (n=11) aux participants TCC non médicamentés (n=11) sur des mesures d’éveil, ne montre pas de différences de groupes sur le plan de la fatigue subjective, et de la somnolence, tel qu’évalué par des tests de latence d’endormissement (Beaulieu-Bonneau & Morin, 2012).

Dans notre étude, afin d’isoler l’effet spécifique du TCC sur le sommeil, la prise de médicaments a été suspendue sous avis médical une à plusieurs journées avant l’examen PSG. Dans ces conditions, la macro- et microarchitecture du sommeil étaient équivalentes chez le groupe TCC par rapport aux contrôles. Les analyses d’actigraphie conduites sur un sous-groupe de TCC sous médication au cours de la semaine d’évaluation ont en revanche été comparées aux participants TCC non médicamentés, ainsi qu’aux sujets contrôles. De cette façon, les analyses ont permis de mettre en évidence un patron de sommeil-éveil distinct (plus longue durée de sommeil /24 h), et une sévérité de plaintes diurnes plus importantes chez les TCC médicamentés par rapport aux autres groupes. Bien entendu, compte tenu de l’hétérogénéité de la nature et de la posologie des traitements pris, et du fait que certains participants étaient polymédicamentés, nous ne pouvons pas tirer de conclusion quant à une influence directe de la prise de psychotrope sur les plaintes et patrons de sommeil identifiés post-TCC.

Des analyses complémentaires montrent en revanche que par rapport aux participants TCC non médicamentés, les participants TCC qui nécessitaient un traitement psychotrope présentaient une plus longue durée d’hospitalisation et un trauma global (Injury Severity Score) plus sévère en phase aiguë du TCC. Comme l’Injury Severity Score est un prédicteur robuste de la récupération à court terme (p.ex. développement de morbidités, durée d’hospitalisation) et à long terme (p.ex. reprise d’un emploi, qualité de vie) (Chien et al., 2017; Lesko et al., 2013; Scholten et al., 2015),

il est possible qu’au-delà de la prise de médicaments psychotropes, la survenue d’un trauma global plus sévère et complexe affecte le sommeil et l’éveil à la suite d’un TCC. La pathophysiologie sous-jacente reste à explorer, mais il est intéressant de noter que la présence d’un polytraumatisme engendre une réponse inflammatoire périphérique qui a le potentiel d’exacerber la réponse neuro-inflammatoire associée au TCC (McDonald et al., 2016). En effet, l’augmentation de la perméabilité de la barrière hématoencéphalique rompue suite au TCC offre un accès aux leucocytes périphériques qui migrent vers les tissus cérébraux lésés, ce qui pourrait accroitre le risque de dommages secondaires et perturber les systèmes de régulation du sommeil- éveil. Nos analyses conduites sur une nuit de PSG auprès de 18 adultes TCC qui nécessitaient habituellement une médication psychotrope n’ont toutefois pas montré de perturbations au niveau de la macro- et microarchitecture de sommeil.

Il est primordial de poursuivre l’investigation des effets spécifiques, mais aussi combinés, de la prise de médicaments psychotropes, et de la survenue d’un polytraumatisme sur le sommeil et l’éveil des individus ayant subi un TCC modéré-sévère. Inclure les survivants qui ont besoin d’une prise en charge pharmacologique sur le long terme permettrait de rendre compte d’une réalité inhérente à cette population clinique. Il est toutefois nécessaire de conduire des analyses comparatives entre les individus TCC médicamentés, non médicamentés et les contrôles sur de plus grandes cohortes. En outre, renseigner les effets secondaires de la prise de psychotropes, ainsi que le degré de compliance au traitement des adultes ayant subi un TCC modéré-sévère pourrait s’avérer utile pour clarifier l’effet des médicaments psychotropes sur le sommeil et l’éveil post-TCC.

3. L’étroite association entre les troubles du sommeil-éveil, les

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