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3 L’ÉLECTION DE 1944

3.2 A NALYSE DE L ’ ÉLECTION DE 1944

3.2.2 Médiatisation de la campagne et techniques publicitaires

Au-delà des causeries prononcées à la radio par des orateurs, les assemblées politiques tenues par des membres d’organisations locales paroissiales ainsi que par l’organisation centrale du parti constituent la majeure partie des activités de communication des unionistes durant l’élection de 1944. Plutôt « traditionnelles » selon nos critères d’analyse, ces activités se trouvent au fondement de cette campagne.

Toutefois, des structures importantes pour les prochaines élections sont mises en place sur le plan de la médiatisation, lors de cette élection. Ces structures de médiatisation se rapprochent davantage des activités d’une communication politique professionnalisée. Entre autres, le journal

plus régional, Le Temps compte 30 000 abonnés payés lors de l’élection de 1944147. Joseph-Damase Bégin explique également dans Si l’Union nationale m’était contée… que son équipe imprime des numéros spéciaux à un tirage de 500 000 à 600 000 exemplaires. Le journal est un organe de communication partisan, tant sur le plan des articles et des éditoriaux de Bruno Lafleur, que du côté des publicités qui y sont publiées. De même, soulignons que, avec la portée de son tirage lors de la publication de numéros spéciaux, le périodique peut être qualifié de moyen de communication de masse.

Sur le plan des autres journaux publiés au Québec, la partisannerie libérale est toujours présente. Il est difficile d’acheter de la publicité dans plusieurs journaux comme Le Soleil et La

Presse, pour ne nommer que ceux-là, qui sont des médias possédés par des intérêts libéraux. En

faisant une recension des publicités de l’Union nationale, il est possible de faire ressortir plus aisément les autres techniques publicitaires mises de l’avant par l’organisation du parti dans la médiatisation de la campagne. Selon J.-D. Bégin, la publicité politique publiée dans les journaux commence à faire son apparition de façon plus systématique trois ans avant l’élection148.

Pour l’élection de 1944, deux types de publicités sont recensées. D’abord, les petits encadrés textuels invitant les lecteurs du journal à écouter une causerie radiophonique avec des orateurs de l’Union nationale, ou bien les invitant à se rendre à une assemblée publique, à des allocutions de membres du parti. Semblables à des petites annonces, ces publicités sont loin d’être complexes. Elles affichent rarement des illustrations et servent surtout à annoncer d’autres moyens de persuasion politique à l’instar des assemblées ou des causeries radiophoniques. En fait, ces annonces ne permettent pas d’atteindre un des objectifs principaux de la publicité, soit celui de convaincre. Il s’agit de publicités dites informatives. Pour ces raisons, nous accordons peu d’importance à ces traces, sauf si ce n’est pour montrer le peu d’avancement dans le recours à la publicité dite performante. Au total, vingt-cinq de ces encadrés sont recensés.

147 Cardinal, Lemieux et Sauvageau, op. cit., p. 180-181. 148 Ibid., p. 179.

En ce qui concerne les publicités visant la persuasion, nous avons recensé plusieurs affiches de candidats de l’Union nationale où il est simplement écrit : « Votez pour X candidat » ou, en anglais, « Vote for X candidate », ce qui se rapproche d’une façon plus classique d’affichage publicitaire. Treize de ces affiches ont été recensées. La majorité des publicités retenues se composent de cette façon. Les membres de l’organisation électorale de l’Union nationale ont plutôt recours à des techniques de persuasion plus classiques qu’avant-gardistes. Nous avons ainsi trouvé une demie-page et trois pleines pages différentes parues dans Le Montréal-Matin et La Patrie. Ces quatre traces constituent notre corpus de publicités pour l’élection de 1944. Notons que nous avons recensé trois pleines pages libérales, identiques cette fois, à l’intérieur du journal La Patrie et Le

Soleil pour la même période (figures 1, 2 et 3).

Lors de la recension de ces publicités pour l’élection de 1944, la première observation touche à l’équilibre dans les forces en présence. Nous avons été frappée par la présence publicitaire libérale qui, à notre avis, peut se comparer à celle de l’Union nationale. L’écart entre les deux partis se creuse réellement à partir de l’élection de 1948.

Bien que ces publicités de l’Union nationale149 ont toutes en commun le rappel de voter

pour l’Union nationale, il est difficile de les qualifier comme des publicités performantes. En effet, une des règles d’or, la simplicité, n’est pas respectée. Ces publicités ne sont pas facilement lisibles. Ce qui frappe l’œil, c’est la quantité de texte. D’ailleurs, les textes sont parfois écrits en tout petits caractères, ce qui ne les rend pas accessibles à tous. Même si ces publicités remplissent leur fonction, soit de rendre accessible l’information concernant un parti, leur efficacité s’éclipse devant la difficulté d’assimilation du contenu.

Figure 1 : « L’honorable Maurice Duplessis Chef de l’Union Nationale sollicite votre vote pour son candidat dans votre comté » (1944), Publicité, impression sur papier, Canada, (Image tirée de La Patrie, 6 août 1944 – Édition nationale, p. 55).

Figure 2 : « Une politique d’équilibre économique et de progrès dans tous les domaines », (1944), Publicité, impression sur papier, Montréal, (Image tirée de La Patrie, 6 août 1944 – Édition nationale, p. 56).

Figure 3 : « Quel sera votre avenir ? Votre vote le dira ! », (1944), Publicité, impression sur papier, Montréal, (Image tirée du Montréal- Matin, 5 août 1944, p. 5).

Outre le recours à de petits caractères d’imprimerie, l’utilisation de plusieurs types de typographie confond l’œil lors du regard. Dans la publicité « Quel sera votre avenir ? », nous retrouvons cinq caractères différents, ce qui contribue à distraire l’attention du lecteur du message transmis. Dans « Une politique d’équilibre économique et de progrès dans tous les domaines », nous retrouvons également quatre caractères différents. Selon Luc Dupont, spécialiste en communication, d’après les normes actuelles, « Une publicité comportant trop de caractères différents oblige l’œil à de nombreuses accommodations qui ont pour effet de repousser le lecteur150 ». De plus, les trois publicités recensées présentent une lourdeur par leur fort contenu textuel. Même si la présence de texte peut servir à faire passer un message comme étant plus sérieux151, la lisibilité de la publicité est compromise dans les cas identifiés.

Toutefois, certains procédés typographiques intéressants sont utilisés par l’organisation de l’Union nationale dans la composition de leurs publicités. En effet, dans « Quel sera votre avenir

150 Luc Dupont, 1001 trucs publicitaires, Montréal, Éditions Transcontinentales, 1993, p. 181. 151 Ibid., p. 163.

? », le recours aux caractères gras met en évidence des groupes de mots essentiels. Ainsi, dans toutes ces informations qui lui sont transmises, le lecteur peut d’abord retenir que l’Union nationale investit dans le « système routier » et dans les « travaux publics » et que s’il est porté au pouvoir à nouveau, les membres du parti vont travailler pour le « crédit agricole » et les « salaires des ouvriers ». Ces mots clés accrochent évidemment le regard des électeurs de l’Union nationale : les agriculteurs et les ouvriers. Aussi, la photo du chef, Maurice Duplessis, est apposée en haut, à droite de la publicité. Il s’agit d’un point positif, puisque les figures humaines attirent l’attention du lecteur152. Dans la publicité « Une politique d’équilibre économique et de progrès dans tous les domaines », la photo de M. Duplessis est mise en évidence avec l’encadré situé dessous. Le texte rappelle qu’il est « le véritable champion de l’autonomie provinciale », un clin d’œil fort important vu un des enjeux de cette campagne électorale : la conscription imposée par Ottawa.

Autre élément, il semble que l’organisation utilise un slogan pour l’élection : « Ne prenez plus de chance! Votez pour l’Union nationale et ses candidats! ». La présence d’un slogan correspond clairement à une des techniques publicitaires réputées comme étant performantes. Cependant, ce slogan est long : nous ne l’avons pas retrouvé dans les autres publicités. Un slogan efficace est généralement court pour être martelé lors d’une campagne, afin qu’il soit assimilé par l’électorat153.

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