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Les « Médiations » et le conflit des méthodes

La médiation institutionnelle vit depuis sa création, surtout depuis son développement, un conflit de méthodes, car sa mission diffère d’un pays à un autre, même si l’objectif reste le même, à savoir la protection de tous de l’abus de l’administration, afin d’éviter une procédure judiciaire longue et coûteuse qui, finalement, se prononce pour un gagnant contre un perdant.

La question qui doit préoccuper les médiatologues est l’absence d’uniformité de la

médiation sur les aspects les plus importants. Sur l’aspect juridique de l’institution,

l’Association des Ombudsman et Médiateurs francophones (AOMF) exige dans ses statuts, à l’article 7 (catégorie des membres), certaines conditions sans lesquelles il est impossible d’être un membre votant :

« A la qualité de membre votant, l’institution publique dont le ou les mandataires exercent une fonction portant le titre de médiateur, d’ombudsman, de commissaire aux droits de la personne ou toute expression équivalente, dont la mission est de corriger et de prévenir

les injustices causées aux citoyens par une autorité administrative publique »232.

Sur ce point, l’unanimité est plus évidente. Tous les OmbudsMédiateurs de par le monde répondent à cette exigence. Mais là où le bât blesse, c’est concernant les autres conditions de l’AOMF, que nombre d’institutions de médiation se trouvent en difficulté d’appliquer. Nous pouvons ainsi citer trois de celles-ci, constitutionnellement standard, mais difficilement applicables dans certains pays.

V.1. La nature constitutionnelle de l’institution

En effet, toute Médiation de type parlementaire ou administratif doit être reconnue par la constitution du pays d’origine où « est créée et organisée en vertu d’une constitution ou de

tout autre acte émanant d’un organe législatif »233. Ce n’est pas le cas de certains pays du

Tiers Monde, là où des États veulent contrôler l’institution et ne pas lui laisser les mains libres. Et, même si l’institution en question relève de la constitution, son indépendance dans certains pays reste un sujet tabou. Au Tchad, un quart de siècle après sa création (1993), la constitutionnalité de l’institution de l’ombudsman n’a pas été à l’ordre du jour et sa suppression même a été soutenue par le projet des réformes institutionnelles.

V.2. Le mandat du médiateur

Il reste sous-jacent, car certains chefs d’État refusent d’en prendre acte, puisque le médiateur doit dépendre de leur autorité. C’est à eux seuls que revient la décision de maintenir celui-ci ou de le démettre. Cela est complètement contraire aux principes de l’AOMF qui stipule dans son statut que : « Le mandataire a un mandat d’une durée fixe et qui ne soit révocable qu’en cas d’empêchement dûment constaté ou d’un comportement non-

conforme aux règles de l’institution ».

Le fait de ne pas limiter le mandat obligerait le Médiateur à se conformer aux instructions dictées par l’autorité exécutive, dès l’instant où il sait que les conséquences de vouloir voler de ses propres ailes sont connues d’avance. Le Médiateur de la République centrafricaine qui a voulu appeler à sa manière les autorités politiques à privilégier le dialogue avec les rebelles a été révoqué de ses fonctions par l’autorité de nomination qui n’est autre que le chef d’État. Or, si la nomination a été faite dans les normes institutionnelles, c’est-à- dire dans les conditions standards qu’exigent les associations des Ombudsmans, le médiateur est inamovible. Il ne sera révocable ou destituable que par l’autorité de nomination, en l’occurrence législative, pour des motifs graves et selon une procédure conforme au statut : « la révocation ou la destitution ne peut être prononcée que par l’autorité de nomination pour

les motifs et suivant la procédure expressément prévus dans l’acte législatif organique »234.

V.3. La nomination

L’AOMF et l’AOMA recommandent qu’un médiateur soit élu par le Parlement et non désigné par l’autorité suprême du pays.

233

Ibid.

« Le processus de nomination doit être transparent à travers un processus compétitif

dans le corps législatif de préférence »235.

En Afrique, en particulier dans les pays francophones tels le Gabon, le Tchad, le Congo Brazzaville, la RCA, le Mali…, la nomination d’un médiateur ne répond pas à ce critère. Il en résulte que lorsqu’un Médiateur participe à une conférence internationale organisée par l’Association des Ombudsmans et Médiateurs francophones (AOMF) ou par l’Association des Ombudsmans et des Médiateurs africains (AOMA), l’accès à une partie des travaux lui est refusé. Il lui est interdit d’assister aux travaux du conseil d’administration et il est privé du droit de vote. Alors que l’AOMA semble être légèrement tolérante à l’égard des « hors-la-loi », pour l’AOMF il n’est pas question de les accepter et elle insiste pour que toute Médiation n’ayant pas respecté ces recommandations, ne soit pas reconnue par l’association en tant que membre votant. Par conséquent, il est privé de siège au Conseil d’administration et de droit de vote. En somme, son adhésion n’est pas reconnue et il a un statut de membre associé, en clair, d’observateur dans les réunions.

Mais, pour Raymonde Saint-Germain, ancienne Présidente de l’AOMF (2016), il faut revoir cette recommandation, car il « vaut mieux faire avec, en encourageant ces institutions à évoluer que de ne pas les reconnaître et les écarter » en prenant l’exemple sur le Médiateur au Mali236.

235 AOMA, Conférence des Ombudsman et Médiateurs africains, Déclaration Or Tambo, 3. Nomination et sécurité du Médiateur, op.cit.

Chapitre VI – Statut, mission, pouvoir, rôle, saisine,

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