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Les médias, perspectives et limites de la valorisation symbolique

SYMBOLIQUE

1. La fantasmagorie des espaces marchands

Les espaces marchands ont également leur rôle à jouer dans ce processus de valorisation symbolique de l’objet technique. Les magasins pourraient être considérés comme des expositions universelles contemporaines, c’est à dire : « des lieux de pèlerinage où l’on vient adorer le fétiche marchandise52» pour reprendre les termes de Walter Benjamin. Les vitrines sont un puissant espace scénique de mise en valeur de l’objet. Selon le sociologue Baudrillard, cette mise en visibilité de l’objet fait ainsi passer « le statut de l’expérience personnelle à la participation à la grande fête de la consommation où la démesure règne en maitre. »53 En effet, ces lieux contemporains portent avec eux l’aspect magique de la consommation. Dans la vitrine, la valeur de l’objet est transfigurée au point que la valeur d’usage passe au second plan. Ce procédé inaugurerait une « fantasmagorie à laquelle l’homme se livre pour se laisser distraire 54» selon Walter Benjamin. La fantasmagorie désignait les images produites par la lanterne magique qui ressemblaient à des fantômes quand on les projetait. Le terme renvoie aux conquêtes du progrès techniques et aux illusions en tout genre qu’il engendre : la spectacularisation de l’objet. Le magasin travaille la marchandise au point de créer un culte et le produit industriel deviendrait un objet unique par son exposition. Ce spectacle livre une vision fantastique de l’objet dont l’utilisateur s’abandonnerait à sa manipulation dans la jouissance. Dans le magasin, les objets seraient transfigurés de façon magique, et d’une certaine façon dépouillés de leur caractère de marchandise, c’est-à-dire qu’ils se trouvent « dispensés de la corvée d’être utiles55 ». La société de consommation est un spectacle féérique qui célèbre l’objet. On passerait alors au stade de la société de consumation de Bataille, une jouissance qui s’exerce dans la dépense pulsionnelle. Cette accumulation d’objets dans les vitrines crée un effet d’abondance qui relèverait de la magie comme le souligne le sociologue Fabio La Rocca : « Après sa disparition dans l’œuvre d’art à cause de sa reproductibilité, l’aura magique serait de retour à travers la prolifération des objets technologiques qui semblent rayonner une magie apte à capturer les désirs tout comme la perte de Soi dans le symbolisme objectal 56». Baudrillard

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BENJAMIN, Walter, trad. de l’allemand par Maurice de Gandillac, Rainer Rochlitz et Pierre Rusch Paris, "Paris, capitale du XIXe siècle" [1935], Œuvres III, Gallimard, coll. « Folio essais », 2000, p. 53.

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BAUDRILLARD, Jean, La société de consommation : ses mythes, ses structures, Paris, S.G.P.P., 1970, pp. 19

54

BENJAMIN, Walter, trad. de l’allemand par Maurice de Gandillac, Rainer Rochlitz et Pierre Rusch Paris, "Paris, capitale du XIXe siècle" [1935], Œuvres III, Gallimard, coll. « Folio essais », 2000, p. 53

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BENJAMIN, Walter, trad. de l’allemand par Maurice de Gandillac, Rainer Rochlitz et Pierre Rusch Paris, "Paris, capitale du XIXe siècle" [1935], Œuvres III, Gallimard, coll. « Folio essais », 2000, p. 57.

56 SUSCA, Vincenzo (dir) et DANDRIEUX, Michaël (dir), Techomagie, les cahiers de l'imaginaire, Paris-

voyait dans notre consommation une « liturgie formelle57», c’est à dire une attitude esthétisante à l’égard de l’objet qui se fonde sur un ensemble de rites et c’est ce même culte qui fonde notre rapport magique à l’objet.

2. Objets culte et culte des objets

Le terme « objet » vient du latin Objectum : ce qui est placé devant et désigne ce qui possède une existence en soi. Il est introduit par les philosophes médiévaux pour désigner ce qui affecte les sens, il suscite à la fois un intérêt et un comportement d’ordre affectif. L’objet est un des opérateurs sans lequel la magie ne serait pas possible. Il s’agit au travers de notre parcours de comprendre comment certains « objets cultes » vont générer le culte de l’objet. Le rapport magique que nous entretenons aux technologies n’est ni celui de la prestidigitation ou de la magie noire, mais davantage le rapport sensible que nous entretenons avec certains objets dans nos pratiques. C’est-à-dire un ensemble de micro-événements pendant lesquels l’objet semble se manifester.

Dans La société de consommation, Jean Baudrillard explique que nous vivons désormais le temps des objets : « je veux dire que nous vivons à leur rythme et selon leur succession incessante »58. Nous vivons désormais dans la société de l'objet. La société de consommation les met à disposition. Baudrillard montre qu’il y a une excroissance de l’objet. Dans les sociétés primitives, les objets n’ont pas une simple valeur fonctionnelle mais une valeur sacrée. L’objet excède toujours sa fonction ; il est un signe ! La consommation est d’ailleurs considérée par Baudrillard comme une activité de manipulation systématique de signes. Les objets seraient devenus des mythologies du quotidien. C’est-à-dire de grandes représentations collectives de notre temps, produites par notre société et notre histoire. Selon nous, le Smartphone apparaît comme une de ces mythologies. En effet, le téléphone mobile fonctionnerait comme un symbole communicationnel et donc relationnel. Selon Baudrillard « L’homme moderne, le cybernéticien, l’hypochondriaque cérébral est obsédé par la circulation absolue des messages »59. L’idéologie communicationnelle impulsée par le développement de Smartphone donnerait à l’objet un caractère mystique et fantasmé.

Les Smartphones sont des objets techniques qui s’intègrent dans la panoplie de l’individu, ils permettent à l’homme d’être dans l’air du temps, intégré socialement à travers sa consommation mais aussi son appartenance symbolique. Le Smartphone permet au consommateur d’intégrer le « Fun System » évoqué par Baudrillard ; il se construit comme « devant jouir, comme une entreprise de jouissance et de satisfaction60».

57 BAUDRILLARD, Jean, La société de consommation : ses mythes, ses structures, Paris, S.G.P.P., 1970, p. 19 58

BAUDRILLARD, Jean, La société de consommation : ses mythes, ses structures, Paris, S.G.P.P., 1970, p. 17.

59 BAUDRILLARD, Jean, La société de consommation : ses mythes, ses structures, Paris, S.G.P.P., 1970, p. 36. 60 BAUDRILLARD, Jean, La société de consommation : ses mythes, ses structures, Paris, S.G.P.P., 1970, p.112.

« La radio ne dort pas, la radio quand elle dort en face elle est déjà éveillée ailleurs, il faut que nous comprenions que nous sommes ici devant une puissance cosmique extraordinaire, la parole est dans l’atmosphère, que jamais on ne pouvait concevoir une espèce d’ubiquité des sons, des paroles, et des significations, et que nous sommes ici devant une réalisation cosmique extraordinaire et jamais l’homme n’a été si puissant depuis qu’il parle à la radio61». Gaston Bachelard 3. La figure d’absolu du Smartphone, un objet aux pouvoirs magiques ?

a. Le Smartphone, un ubimédia ?

Le bruit de la cloche de l’église, l’appel à la prière ou encore la parole en face à face sont des modes de communication qui s’expriment au sein d’un espace spécifique, c’est à dire ancré géographiquement. La portée du bruit cadre ainsi la topographie. Le périmètre au sein duquel les tintements de la cloche pourront être entendus dessine les frontières du village. Le son enveloppe un espace et le définit. Il rythme également la temporalité en signifiant les heures de la journée par le nombre de coups de cloches.

Les objets techniques créés par l’homme portent avec eux une représentation spécifique du temps et de l’espace. Le développement des télécommunications a fait évoluer notre climat phonique et ainsi notre rapport spatio-temporel. Désormais avec le téléphone portable la voix se désolidarise des lieux. Nous pouvons nous adresser à des personnes qui ne sont pas à portée de voix. Comme le souligne Ivan Illich dans Le haut-parleur sur le clochet et le minaret : « la désincarnation de l’énoncé s’est soldé par une omission profonde du pouvoir de créer du ‘Lieu’, de la fécondité topogénique de la voix »62. La communication téléphonique et les échanges par messages nourrissent l’idée d’une voix sans frontières, qui n’est soumise à aucune temporalité. La voix serait désormais omniprésente, c’est-à-dire en somme ubiquitaire. Le permettrait à la voix et à l’image de s’affranchir de la distance.

Marcel Mauss explique que se libérer des contraintes spatio-temporelles est une des caractéristiques principales du magicien. C’est-à-dire son don d’ubiquité, sa capacité à s’émanciper de certaines contraintes physiques. Les concepteurs de Smartphones valorisent fortement ce pouvoir d’omniscience, d’omniprésence qui serait permis par l’objet technique. Alors qu’ils sont le fruit d’opérations techniques, les Smartphones recouvrent une dimension fantastique par certaines de leurs caractéristiques. Le néologisme Ubimedia inventé par Adam Greenfield désigne l’informatique omniprésente (every(soft)ware). Ce terme met en avant

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GARBIT, Philippe, « La radio comme possibilité de rêve éveillé », Les Nuits de France Culture, [disponible en ligne http://www.franceculture.fr/emissions/les-nuits-de-france-culture/gaston-bachelard-la-radio-comme- possibilite-de-reve-eveille ], publié le 4 juin 2015, dernière consultation le 15 août 2016

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ILLICH, Ivan, La perte des sens ou l’invention de l’homme austère. Le haut parleur sur le clocher et le minaret, Paris, Fayard, 2004. Recueil de textes, discours et conférences écrits ou prononcés de 1987 à 1998, p.122.

l’idéologie du « tout communicationnel », de l’informatique dite communicante qui régirait nos espaces à diverses échelles par l’entremise du Smartphone.

D’après le chercheur en sciences de l’information et de la communication Yves Jeanneret ce type de dispositif ne laisse pas intacte la topographie des lieux : « Ils nous permettent d’être à la fois ici, partout et nulle-part. Ici, parce qu’ils placent l’information sous nos yeux et dans nos mains. Partout, parce qu’ils assurent la circulation de tout ce qu’ils collectent. Nulle part, parce qu’ils créent une bulle de signes, sans autre épaisseur que celle de leur support63». L’ubimédia opèrerait ainsi une redéfinition de l’espace et du temps, une faculté autrefois prêtée aux magiciens. On observe que l’utilisation du Smartphone nécessite une connexion Internet, et ne permet pas à proprement parler de se téléporter mais de recevoir de consulter des contenus à travers le réseau dans les régions équipées de dispositifs informatiques.

La terminologie semble donc audacieuse au regard des pratiques effectives. Pourtant, elle est porteuse de promesses aux yeux des individus.

Le Cette posture est avant tout idéologique. Car comme le témoigne la chercheuse en sciences de l’information et de la communication Marion Rollandin : « le sujet n’a pas la faculté d’être présent partout, mais qu’il est plutôt soumis à l’obligation de se trouver à plusieurs « endroits » à la fois, physique et symbolique, le sujet ne peut être réellement omniscient » 64. Il serait alors plus pertinent de qualifier cet état de « polytopie synchronique »65 nous explique la chercheuse, c’est-à-dire la présence simultanée dans plusieurs lieux. En effet, la pratique sur Smartphone s’ancre à la fois dans l’espace « pratiqué » avec des interactions en face-à-face mais également dans un espace médiatisé par l’usage de plusieurs interfaces. L’individu doit ainsi jongler entre plusieurs sphères d’interaction ce qui peut expliquer ce sentiment d’ubiquité. Le possesseur de Smartphone est face à plusieurs configurations spatio-temporelles, celle de l’espace dans lequel il se trouve et celle du média au travers duquel il interagit.

Les individus nourrissent ainsi l’impression d’avoir une capacité d’action sur le monde, une incidence sur l’espace dans lequel ils se situent. Selon le chercheur Yves Jeanneret nous pouvons dire que cela exprime « non la nature des opérations d’information que le média informatisé rend possibles, mais la nature des illusions que son fonctionnement peut faire naître chez le sujet communicationnel lui-même : croire que manipuler des formes matérielles

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JEANNERET, Yves, Where is Monna Lisa ? et autres lieux de la culture Paris, Éd. Le Cavalier Bleu, 2011, p. 105.

64 ROLLANDIN, Marion, La réflexivité communicationnelle induite par les échanges en ligne : pratique,

médiation et médiatisation, vers une posture d’ethnologue-amateur Tome 1, CELSA, 5 Novembre 2015, p. 185.

65 ROLLANDIN, Marion, La réflexivité communicationnelle induite par les échanges en ligne : pratique,

met en situation de devenir créateur de sens66». La logique de superpouvoirs permise par le dispositif est réactualisée avec le développement de systèmes de reconnaissance de gestes. L’individu serait doté de pouvoir de télékinésie en faisant réagir son téléphone d’un simple mouvement sans même avoir à y toucher.

b. Le Smartphone, une idéologie de la simplicité

Le fonctionnement de l’objet technique se joue à une échelle micro. De fait, l’homme n’accède plus à la compréhension des « rouages » de la machine. La mise en marche de la machine ne peut donc qu’être symbolisée par des signes présents à l’écran : roue qui tourne expliquant le chargement, symbole de réservoir pour signifier le niveau de batterie, ou encore avancement d’une barre pour démontrer le chargement d’une page web. Cette sur- signification du fonctionnement de l’objet technique démontre le vide qui s’épare la pratique de l’objet de sa compréhension. Son fonctionnement apparaît ainsi comme une sorte d’opération miraculeuse. Les fonctionnalités de l’objet apparaissent comme innées, et non comme la résultante de mécanismes techniques. Baudrillard explique bien cette tension dans Le système des objets : « Du moment où nous perdons de vue le cheminement de l’énergie, où nous l’éprouvons comme infuse dans l’objet, du moment où nous devenons l’irresponsable bénéficiaire d’une absence de geste et d’efforts, ne sommes-nous pas justifiés, astreints à croire en une fonctionnalité absolue, sans limites, en la vertu efficace des signes ? »67. La manipulation du Smartphone ne requiert qu’une participation minimale. Le tactile traduit l’idée d’un geste sans effort, d’un objet tout puissant. Il y a un décrochement entre forme et fonction. A mesure que l’écart se creuse, c’est notre rapport à l’objet qui se mystifie. Nous devons en effet renoncer à appréhender le mode d’existence de l’objet à travers sa forme.

Le système d’exploitation permettant le téléchargement d’applications représente la promesse d’une infinité de possibles. Il revêt une dimension d’absolu, un objet universel sans restriction par l’entremise du numérique. Le chercheur Milad Doueihi présente ce processus comme une « grande conversion » qui revendique un statut équivalent à celui d’une religion mondiale « avec ses prophètes et ses prêtres, ses institutions et ses chapelles, ses croyants, ses contestataires et ses schismatiques »68 Le discours sur l’augmentation de l’homme par le Smartphone est religieux sous des apparences laïques. La technologie serait appréhendée comme intelligente. Une forme de rationalité suprême qui dépasserait les capacités humaines.

66 JEANNERET, Yves, Y-a-t’il (vraiment) des technologies de l’information ? Villeneuve d’Ascq, Presses

universitaires du Septentrion, 2007.

67

BAUDRILLARD, Jean, Le Système des objets, Paris, Gallimard, 1978, p. 81.

68 DOUEIHI, Milad, La grande conversion numérique, un nouveau processus civilisateur, Paris, Seuil, 2008, p.

c. Le Smartphone, la diversité des possibles

La technique témoigne la volonté de maitriser la nature, se désaliéner des menaces et des forces qui pèse sur l’homme. Le développement technique porte avec lui la promesse d’un progrès, d’une extension des possibles de l’être humain. Nous sommes face à une croyance sous-jacente qui postule que grâce à la technique, l’homme pourrait devenir le maître absolu de l’univers, avoir une maitrise totale sur les phénomènes. Le Smartphone apparaît comme une concentration de pouvoirs. C’est en tout cas ce que semblent attester Alexis que nous avons interrogé dans le cadre de notre travail de terrain : « Mon Smartphone c’est un peu comme une sorte de baguette magique mais virtuelle, tu arrives à faire la même chose qu’un ordi fait dans un tout petit objet, tu fais plus de choses avec un téléphone qu’un ordi, c’est comme si tu avais tout concentré dans un petit objet »69. Le système d’exploitation permettant le téléchargement d’applications représente la promesse d’une infinité de possibles comme le témoigne Céline, une autre personne interrogée : « Moi je suis persuadée qu’il y a une application pour quasiment tout. Aujourd’hui, c’est un truc de dingue sur l’app store, et des fois y a des trucs mais tellement inutiles, auxquels t’aurais tellement pas pensé mais y a une application pour ça quoi. C’est un peu le sac de Mary Poppins digitalisé »70. Le Smartphone revêt une dimension d’absolu, un objet universel sans restriction par l’entremise du numérique : « mon téléphone c’est un concentré de tout mon univers. Ça me sert à tout »71. Est présente de façon sous-jacente une certaine idéologie de l’intégration ; la machine viendrait relayer toutes les médiations passées. De nombreux individus interrogés dans le cadre de notre étude qualitative font valoir le pouvoir du dispositif par l’énumération des objets qu’il aurait intégré : « Il sait faire beaucoup plus de choses qu’il ne savait le faire avant, c’est plus juste un téléphone c’est plein d’appareils en un. C’est un disque dur, un appareil photo, un ordinateur pour retoucher les photos, un lecteur de CD, un lecteur MP3, tout ça quoi, tu peux faire tellement de choses. J’ai tout dessus, toute ma vie en gros (…) C’est devenu un tout en fait. Une sorte d’absolu »72. Pourtant dans les faits, nous observons davantage une promesse sémiotique, un flottement des icônes qui auraient remplacé les objets. Cette impression esthétique semble produire un effet puissant chez l’individu. Selon le groupe µ (MU) l’aspect magique peut s’expliquer par plusieurs facteurs : « on déclenche une sorte de vertige devant une série potentiellement infinie de représentations s’amenuisant jusqu’à l’infiniment petit, mais aussi on crée une oscillation déconcertante entre le réel et sa

69 Etude qualitative Alexis 70

Etude qualitative Céline

71 Etude qualitative Ines

représentation. »73 Chaque pictogramme est le support d’une application : « tu peux télécharger des applications qui vont te permettre d’aller n’importe où et faire ce que tu veux. Il permet de pouvoir faire énormément de choses. C’est un peu l’infini représenté par Internet, sans frontières ni barrières qui est intégré dans ton device »74nous explique une personne interrogée dans le cadre de notre travail de terrain. Nous assistons en effet à une démultiplication des cadres présents jusqu’à l’excès. Cela pourrait faire penser à certains égards à l’épisode biblique de la multiplication des pains.75

4. Le discours d’escorte intégré dans l’objet ?

Les discours portés sur les smartphones tendent à ré-enchanter les machines en les dotant de vie, d’intelligence et de pouvoirs fantastiques. Comme l’explique le chercheur en Sciences de l’Information et de la Communication Yves Jeanneret : « Les discours d'escorte ne se contentent pas d'accompagner, de l'extérieur, les objets concernés. Ils les configurent. Ils opèrent en eux, les qualifient, leur fournissent leurs normes et leurs principes de fonctionnement et d'évaluation. C'est une collection d'objets de communication façonnés et habités, en eux-mêmes, par des désirs, des modèles et des récits, bref, par des valeurs.76» Ces discours mis en circulation visent à faire adopter les objets en société. Entre l’apparition du Smartphone et son utilisation effective, une appropriation est nécessaire. On ne se procure pas un objet s’il n’y a pas de projection. Les médias au sens large du terme apparaissent alors comme des fabriques de la croyance, des écrins qui valorisent les dispositifs par l’appui du discours. Ainsi, il est nécessaire d’opérer un travail de distanciation ; c’est à dire porter un regard critique sur les « machines rhétoriques » qui qualifient notre objet d’étude. Les mots employés pour désigner ces techniques ne se contentent pas uniquement d’opacifier leur appréhension, mais tendent également à masquer leurs prétentions. En effet, penser de façon critique les objets en les désignant par les dénominations des concepteurs techniques, c’est déjà se situer dans une certaine idéologie. Il semble nécessaire de s’émanciper de l’évidence, des postulats qui circonscrivent la notion de Smartphone et les caractéristiques lui étant corrélées dans les discours promotionnels : interactivité, ubiquité, intelligence… Critiques et