• Aucun résultat trouvé

B. DEUXIEME PARTIE : Construction de la version V2 du « Coupe-File de la Douleur »

I. Pourquoi une médecine des scores ? Intérêts et limites des scores en médecine générale

1. La médecine des scores et les scores de priorité

La médecine des scores permet de s’écarter d’une pratique individualiste basée sur une seule expérience clinique, nécessairement subjective et incomplète. Car être médecins, c’est formuler des hypothèses en fonction de l’enseignement reçu, de l’expérience et du patient. Ainsi, le médecin fait une hypothèse diagnostique et choisit la thérapeutique la plus adaptée (par probabilité) en fonction du diagnostic présumé.

La médecine des scores a l’avantage de standardiser et uniformiser les attitudes cliniques, qu’elles soient diagnostiques, thérapeutiques, pronostiques, permettant d’éviter les erreurs de prise en charge.

La médecine factuelle (evidence based medecine) est une approche méthodique de la pratique médicale fondée sur l’analyse critique de l’information médicale12. Le concept de cette approche est que l’exercice de la médecine ne se fonde plus seulement sur l’expérience personnelle ou sur l’avis d’un expert, mais qu’elle utilise les données actuelles de la science, comprise de manière critique11.

Les scores aident à pondérer une hypothèse diagnostique, à calculer un pronostic ou à stratifier les patients par gravité en étant composé de plusieurs items pondérés et reliés11. Un score en médecine permet donc :

- L’uniformisation des données - La standardisation des données - La rationalisation des données

- L’organisation des soins et de la prise en charge

Ces quatre grandes idées résumant les avantages d’un score en médecine permettent l’amélioration de la prise en charge du patient.

Aux urgences, les scores sont particulièrement développés, pour permettre une prise en charge rapide, adaptée, tenant compte des critères les plus pertinents, ce sont des aides essentielles à la pratique de l’urgentiste. Ils peuvent fournir une aide au diagnostic, une indication à réaliser des examens complémentaires, une indication thérapeutique, une évaluation du pronostic, et donc une aide à l’orientation.

Un exemple de score intéressant et largement utilisé aux urgences est le score de Genève modifié indiqué en cas de suspicion d’embolie pulmonaire. Il propose une aide au diagnostic, une aide à l’indication des examens complémentaires et enfin une indication thérapeutique en fonction.

Encadré 7 : Embolie pulmonaire et score de Genève modifié

Stratégie diagnostique de l’EP. 1 : les D-dimères négatifs ou positifs se

définissent en fonction du seuil propre à chaque test utilisé ;

2 : en cas de scanner négatif et de probabilité

clinique pré-test forte, envisager des

investigations complémentaires (scintigraphie de ventilation/perfusion ou angiographie

pulmonaire) ;

3 : ttt pour traitement anticoagulant.

91 Un autre exemple est le score de Fine13 qui évalue le pronostic des pneumopathies. Selon le score obtenu, le patient est hospitalisé ou non, traité par voie intra-veineuse ou per-os.

En médecine d’urgence, il existe de nombreux autres scores comme :

- Le score utilisé par l’infirmière d’accueil et d’orientation (IAO) permettant de prendre en charge le patient en fonction de la gravité clinique présentée.

- Le score de Glasgow quantifiant le degré de coma dans lequel est plongé le patient indiquant ou non le transfert en réanimation.

- Le score d’Alvarado permettant d’évaluer la probabilité du diagnostic d’appendicite aigue.

- La règle d’Ottawa pour les radiographies de la cheville et du pied en cas de traumatisme de ces derniers

- Le score de gravité de Ranson dans la pancréatite aigue - Les critères définissant l’asthme aigue grave

En médecine générale, les scores permettent d’orienter les patients. Certaines situations ne relèvent pas forcément d’une prise en charge aux urgences mais une orientation vers une autre spécialité. Nous pouvons citer :

- Le MMS (Mini Mental status) ou test de Folstein évaluant les troubles cognitifs chez les personnes âgées qui indique une prise en charge en consultation mémoire.

- Les différents scores mettant en évidence un épisode dépressif majeur comme l’échelle d’Hamilton, ou HAD (Hospital Anxiety and Depression Scale). Ces scores permettant d’évaluer la sévérité d’un syndrome dépressif, peuvent aider le médecin traitant à savoir quand adresser à un psychiatre.

- Les différents scores des maladies cardio-vasculaires pouvant indiquer à référer le patient à un cardiologue quand le score obtenu est important. Le plus fréquemment utilisé étant le calcul du risque cardio-vasculaire.

- Le score GOLD évaluant la sévérité d’une BPCO (Bronchopneumopathie chronique obstructive) en plusieurs classes. Le recours à la prescription d’oxygène nécessite l’expertise d’un pneumologue.

- Le score de Child-Pugh permet d’apprécier la sévérité de la cirrhose. Le médecin traitant peut l’utiliser pour adresser son patient dans un service d’hépatologie en fonction du degré d’urgence fonction du degré de sévérité.

93

2. Les limites des scores

Il serait difficile de dresser un tableau représentant et distinguant les intérêts et les écueils d’un tel score, car ses points positifs peuvent aussi être négatifs.

Ne risque-t-on pas d’oublier la personne du patient ? Le patient est bien-sur au centre de la prise en charge mais l’écueil majeur d’un tel score est de vouloir absolument faire rentrer le patient dans les cases, des cases prédéfinies qui ne lui correspondent peut-être pas. Ce score doit être une aide et en aucun cas, aboutir à une exclusion des caractères subjectifs du patient. Le patient doit pouvoir être acteur, autant que le médecin, de sa prise en charge.

De la même manière, l’utilisation d’un score peut « parasiter » la relation médecin/patient en ce sens que celle-ci pourrait devenir impersonnelle et indifférente à la souffrance psychique et physique du patient. Ce qui aboutirait à une robotisation et une deshumanisation de la médecine.

Remplir un score peut aussi allonger le temps de consultation et donc limiter la fréquence de son utilisation. Celui-ci doit donc être le plus simple et le plus cours possible.

Le score doit donc être utilisé de façon adaptée à la pratique, être un outil validé, mais ne doit pas remplacer le sens clinique et l’art médical.

II. Les filières de soin en médecine, la médecine générale au centre d’un réseau,