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Une méconnaissance entre MG et psychiatres basée sur des projections 1 MG/Psychiatre Le jeu des miroirs

RÉSULTATS ET ANALYSE

2. Une méconnaissance entre MG et psychiatres basée sur des projections 1 MG/Psychiatre Le jeu des miroirs

Il ressort de cette étude que les MG et les psychiatres se connaissent peu ou pas, leur connaissance mutuelle se limitant le plus souvent à une connaissance nominale qui dépend de plusieurs facteurs tels que la durée d’installation, la taille de la ville, le turnover des médecins. Quand ils se connaissent, ils n'échangent que peu ou pas. Cette méconnaissance est basée sur des projections, dans lesquelles la formation a une place.

Les MG ont plutôt confiance dans leurs compétences, notamment diagnostiques, malgré une formation continue en général insuffisante car leurs compétences s’améliorent avec la pratique. Cependant ils projettent une difficulté persistante dans la manipulation des antipsychotiques.

Pour la plupart des psychiatres, la formation et les compétences des MG sont globalement insuffisantes mais s’améliorent avec la pratique. Ce contraste pourrait être expliqué par un biais de sélection du fait que la plupart des MG qui ont été interrogés avait une appétence pour la psychiatrie et qu’ils ont donc cherché à améliorer activement leurs connaissances. Plusieurs études ont révélé que les MG souffriraient d’un manque de reconnaissance de leurs capacités et de leur rôle de la part des psychiatres (21).

A l’inverse le questionnement des MG sur le psychiatre est plus sur l’être que sur le savoir. La vision de certains MG sur les psychiatres est mitigée. En effet, s’ils les considèrent parfois enfermés, expéditifs, ils estiment néanmoins entretenir des relations cordiales avec eux. A l’inverse, la vision de la psychiatrie est positive, considérée comme indispensable, difficile et peu reconnue. Cette différence pourrait relever d’une incompréhension du fonctionnement des psychiatres, notamment parce que la prise en charge psychiatrique n’est pas aussi codifiée que la médecine somatique, ce qui ternit leur image malgré un attrait de certains MG pour la psychiatrie.

Le fait que cette différence de conception des soins puisse être en cause dans cette incompréhension mutuelle a été retrouvée dans certaines études (12,26). Pour les psychiatres, elle se base sur la capacité du psychiatre à élaborer au cas par cas des attitudes thérapeutiques, tandis que pour les MG elle se base sur les pratiques recommandées, c’est à dire sur l’Evidence Based Medecine. Cette pratique consiste en “l’utilisation consciencieuse, explicite et judicieuse des meilleures données disponibles pour la prise de décisions concernant les soins à prodiguer à chaque patient, (…) une pratique d’intégration de chaque expertise clinique aux meilleures données cliniques externes, issues de recherches systématiques » (27). Cependant, l’EBM pose problème “dans une discipline comme la psychiatrie où les affections vont des troubles les plus handicapants et permanents à des variations mineures de niveaux de l’anxiété ou de l’humeur, qui impliquent de multiples étiologies et coexistent souvent avec des troubles somatiques et des problèmes sociaux insolubles.”(28) et également par le manque d’étude dans le domaine de la schizophrénie permettant de ”préciser le degré de certitude des techniques utilisées dans les différents champs d’application.”(29).

On peut voir dans la rareté des rencontres un point de rupture dans la relation MG/PSY facilitant une construction manichéiste des projections réciproques.

La volonté de favoriser les rencontres interprofessionnelles de la part de la plupart des MG et des psychiatres sous différentes formes, notamment sous forme de formations, a été retrouvée à plusieurs reprises dans notre étude et de manière quasi constante dans d’autres études (30)(12). Cependant notre étude et une autre étude (21) ont retrouvé que le manque de disponibilité des MG et des psychiatres était un frein à la participation à ces rencontres.

2.2 Un taux important de patients psychotiques sans médecin traitant malgré un probable changement de vision de la psychose par les MG

La faible proportion de patients psychotiques à avoir un médecin traitant pourrait être expliquée par la maladie en elle-même, l’isolement social qui en découle, les hospitalisations (30). On peut penser que les craintes de certains MG vis-à-vis de ces patients pourraient également être en cause. Cependant, dans notre étude, si des difficultés ont été évoquées, elles semblent avoir un retentissement moindre que dans les études 31, 17 et 32 qui retrouvent de plus grandes difficultés à avoir un médecin traitant. Pour certains MG de notre étude, le rôle

du MG et la collaboration dans le cadre de la prise en charge de troubles psychotiques sont moins importants que pour d’autres pathologies psychiatriques. Cependant, la plupart des MG n’ont pas de réticences malgré une prise en charge parfois compliquée, à l’exception d’une MG, qui en a surtout concernant les psychotiques non équilibrés SDF. Cette différence peut s’expliquer par un changement de la vision de la psychose par les MG mais également par le recrutement de MG particulièrement sensibilisés à la prise en charge des psychotiques et par la réalisation de l’étude dans une région qui comporte une densité de MG bien supérieure à la moyenne nationale (33) .

En effet, la vision des psychotiques par les MG est ambivalente et dépend beaucoup de la gravité de la pathologie. Elle est positive pour les patients équilibrés et négative pour les patients les plus atteints. Cette ambivalence pourrait laisser penser que désormais la psychose n’est plus autant stigmatisée qu'avant, et que pour les MG, la psychose peut être du ressort des MG, mais pour les patients les moins atteints.

L’avis des psychiatres dans notre étude va également dans ce sens. En effet, s’ils remarquent une réticence de la part des MG pour les patients psychotiques les plus lourds, en reconnaissant que la gravité de cette pathologie pouvait rendre impossible la prise en charge par un MG de ville, ils ne la tiennent cependant pas responsable du faible taux de patients psychotiques ayant un médecin traitant. Une psychiatre remarque même une évolution positive des mentalités.

On peut ainsi émettre l’hypothèse que le faible taux de patients psychotiques ayant un médecin traitant en France peut être attribué au nomadisme des patients et à l’indisponibilité des MG et non au manque de volonté des MG dont la vision sur les patients psychotiques pourrait avoir changé.