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Mécanismes physiopathologiques

La porte d'entrée n’est pas retrouvée dans un tiers des cas. La compréhension du mécanisme de formation de l’AH est essentielle à la prise en charge optimale. Les différents mécanismes physiopathologiques des AH sont résumés dans la figure 13.

a) Abcès d’origine biliaire

Les abcès hépatiques sont le plus souvent d’origine biliaire110. Dans ce cas, ils sont souvent multiples, touchent le segment VI, et communiquent avec les voies biliaires 115, 111, 112. Les AH biliaires peuvent être isolés, faire suite à une chirurgie, ou à une endoscopie digestive.

- AH biliaires simples

On appelle les AH biliaires simples, les AH faisant suite à des pathologies biliaires sans chirurgie ni endoscopie digestive récente.

On distingue les AH secondaires à une obstruction biliaire bénigne et maligne. Les origines biliaires bénignes responsables d’AH les plus fréquentes sont la cholécystite compliquée avec atteinte hépatique par contiguïté, et l’angiocholite sur lithiase biliaire. Les maladies primitives des voies biliaires (cholangite sclérosante primitive, maladie de Caroli) sont rarement responsables d’AH. Certaines néoplasies hépato-biliaires sont souvent associées aux AH biliaires, en particulier l’ampullome, le cancer de la tête du pancréas, le cholangiocarcinome. Enfin, Tseng et al. ont montré que la pancréatite chronique était un facteur de risque indépendant de survenue d’AH 119.

La présence de bile (et donc de bilirubine conjuguée) dans le liquide drainé d’un AH, confirme la présence d'une communication entre l’AH et l’arbre biliaire, et doit faire rechercher un obstacle biliaire

43 - AH biliaires dans les suites d’une endoscopie digestive

L’endoscopie digestive interventionnelle est à risque d’AH biliaires, par plusieurs mécanismes. La sphinctérotomie post CPRE se complique quasi constamment de colonisation bactérienne des voies biliaires. En cas d’obstacle biliaire chez un patient avec bile colonisée, le risque d’AH est important. L’exemple le plus fréquemment rencontré est l’obstruction de prothèse biliaire sur évolution d’un cancer hépato-biliaire. L’absence d’aérobilie en amont d’une prothèse biliaire est un signe radiologique évocateur d’obstruction de prothèse biliaire. Engler et al. rapportent 6 cas d’AH post pose de prothèses biliaires. Tous les cas faisaient suite à des cancers hépato-biliaires. L’âge moyen des patients était de 65 ans. Une moyenne de 11 mois existait entre la pose de la prothèse et le diagnostic d’AH. Un patient est mort directement à cause de l’AH120.

Figure 13 : Abcès hépatique compliquant une prothèse biliaire (Photo empruntée au Dr

Ronot)

A gauche, le scanner abdominal injecté au temps portal montre un adénocarcinome de la tête du pancréas (flèche) centrée par une prothèse biliaire métallique (flèche).

A droite, le scanner injecté au temps portal montre plusieurs lésions hypodenses, dont la plus grosse contient des bulles de gaz. Les bulles de gaz extradigestives confirment que cet abcès est rompu, et communique avec le péritoine, (flèche). La présence d’une aérobilie (flèche) témoigne de la perméabilité de la prothèse dans certains secteurs hépatiques.

- AH biliaires dans les suites d’une chirurgie

Les AH sont une complication fréquente de la chirurgie hépato-biliaire. Le reflux biliaire sur anastomose bilio-digestive se complique quasi constamment de colonisation bactérienne des voies biliaires.

Les AH peuvent compliquer une chirurgie pancréatique, en particulier après duodéno- pancréatectomie (DPC). Plusieurs mécanismes différents peuvent favoriser la survenue d’AH115. Une angiocholite peut être favorisée par un reflux au niveau d’une anse biliaire

44 faire suite à une sténose de l’artère hépatique. Celle-ci peut être organique (traumatisme artériel per-opératoire, embolisation postopératoire pour hémorragie) ou fonctionnelle (ligament arqué passé inaperçu en pré-opératoire). Le sacrifice d’une artère hépatique aberrante (artère hépatique droite naissant de l’artère mésentérique supérieure) peut aussi se compliquer d’une cholangite ischémique 121, 122.

Les AH dans les suites de transplantation hépatique seront discutés dans les parties 3 et 4.

b) Abcès hépatiques d’origine systémique

Les AH d’origine systémique sont des métastases septiques hépatiques issues d’un foyer infectieux à distance.

Le foyer infectieux est dans 10 à 20 % des cas est un foyer digestif, drainé par le système porte : appendicite, tumeurs coliques surinfectées, diverticulite, lésions de maladies inflammatoires chroniques intestinales surinfectées, colite amibienne 113. Ces abcès d’origine portale sont souvent polymicrobiens et localisés au niveau du foie droit.

Les autres abcès d’origine systémique sont plus rares, souvent monomicrobiens, et font suite à une septicémie dont le point de départ est extra-digestif 113. Un exemple particulier de ce type est la candidose hépatosplénique, pathologie faisant suite à une fongémie. Elle survient chez des patients en sortie d’une longue aplasie (généralement due à une hémopathie maligne sous chimiothérapie), et se caractérise par de multiples abcès hépatiques et spléniques 123.

Figure 14 : Abcès hépatique compliquant une colite droite (Photo empruntée au Dr Ronot)

Ce scanner abdominal injecté au temps portal, montre une lésion hypodense dans la partie postérieure du droit du foie droit. Sa paroi est épaissie et se rehausse. Le halo hypodense périphérique est typique d’AH.

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c) Abcès hépatiques par contiguïté

L’extension d’une infection de voisinage peut se compliquer d’une abcédation au niveau du parenchyme hépatique : cholécystite gangrénée, tumeur de l’angle colique droit surinfectée, ulcère perforé. Il existe d’autres causes plus rares d’AH par contiguïté : les AH secondaires à la migration d’un corps étranger tels qu’une arête de poisson (voir figure 15). Ces AH sont souvent situés proche du cadre duodénale ou de l’antre gastrique, à la face inférieure du segment 1 ou du lobe gauche du foie124.

Figure 15 : Abcès hépatique par perforation duodénale (Photo empruntée au Dr Ronot)

Scanner abdominal injecté au temps artériel montrant un AH du secteur postérieur faisant suite à une perforation duodénale sur arête de poisson (fléche blanche).

d) Surinfection de lésions hépatiques préexistantes

Le dernier mécanisme de formation d’abcès hépatique est la surinfection d’une lésion préexistante dans le parenchyme hépatique : kyste, tumeur primitive, ou métastase hépatique. Cette surinfection peut se faire par voie biliaire, par voie systémique, ou par contiguïté. Les lésions cancéreuses hépatiques peuvent se surinfecter. La formation de ces abcès implique une colonisation bactérienne des voies biliaires post sphinctérotomie ou anastomose bilio- digestive, et une nécrose de la lésion préexistante suite à une chimio-embolisation ou une ablation percutanée 125, 126. La présence de gaz n’est pas rare après chimioembolisation et correspond le plus souvent à de la nécrose (voir figure 16).

Chez les patients avec polykystose hépato-rénale, les kystes biliaires s’infectent plus facilement en cas d’insuffisance rénale chronique dialysée associée. Sallée et al. ont observé 10 infections de kyste hépatique de 1998 à 2008 à l’hôpital Necker, parmi 389 patients avec polykystose hépato-rénale, soit une incidence de 2,6%. La documentation microbiologique

46 était faite dans 80% des cas, dont 70% par les hémocultures et 10% des cas par la culture du liquide de l’AH. Les AH documentés étaient dus, dans deux tiers des cas, à E. coli. Le PET- scanner était l’examen radiologique le plus performant : il permettait de confirmer le diagnostic, de localiser l’infection, et de s’assurer de la bonne évolution de l’infection sous antibiotiques 125.

Des abcès peuvent également succéder à un traumatisme hépatique. La sévérité du traumatisme et le recours à une artério-embolisation augmentent l’incidence de survenue d’AH. Le risque de développer un abcès est directement lié à l'extension de la nécrose du parenchyme (formant ainsi un séquestre), et des voies biliaires 127.

Enfin, la surinfection bactérienne de kyste hydatique, existe mais est beaucoup plus rare 126.

Figure 16 : Abcès hépatique compliquant une chimioembolisation hépatique pour carcinome

hépatocellulaire sur cirrhose virale C (Photographie empruntée au Dr Ronot).

A gauche, le scanner hépatique est injecté au temps artériel, et montre une lésion hypervasculaire du foie droit. A droite, le scanner hépatique est injecté au temps portal, et montre une lésion nécrotique localisée dans le segment 6. Un reste de traitement injecté lors de la chimioembolisation est visible au sein de la lésion (flèche).

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Figure 17 : Mécanismes de formation des abcès hépatiques

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