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CHAPITRE 6 : Discussion, conclusion et perspectives

6.2. Mécanismes de l’homéostasie pulmonaire

Grâce à la meilleure compréhension des fonctions des DC dans l’immunité pulmonaire, il a été possible d’approfondir des mécanismes qui contrôlent l’homéostasie pulmonaire. Pour ce faire, deux principaux thèmes ont été abordés dans cette thèse, soit le rôle des AM et celui de la voie CD200/CD200R dans l’homéostasie pulmonaire. Ces études avaient pour but de mieux comprendre les

mécanismes qui contrôlent l’activation des DC et plus particulièrement, lesquels sont dérégulés lors de la réponse asthmatique.

Les macrophages alvéolaires

Les AM sont les cellules immunitaires pulmonaires les plus abondantes. Leurs fonctions permettent aussi bien la mise en place d’une réponse inflammatoire qu’anti-inflammatoire. Bien que chez des sujets asthmatiques, les AM ont un phénotype pro-inflammatoire (50, 144, 145), plusieurs études ont démontré que, de façon constitutive, les AM ont des fonctions anti-inflammatoires (48, 54). En effet, plusieurs études in vitro ont démontré que les AM interfèrent avec l’activation des DC (62, 63) et peuvent même induire l’activation des Treg (61). De plus, le transfert de AM naïfs dans des rats asthmatiques est suffisant pour empêcher le développement d’AHR et pour altérer la cascade inflammatoire observée chez les rats asthmatiques (55, 57, 58, 138, 145, 149, 159). Cela suggère donc que les AM pourraient interférer avec la réponse asthmatique en modulant l’activation des DC, mais les mécanismes impliqués dans cette régulation sont encore mécompris.

Notre étude avait donc comme objectif de déterminer l’interaction des AM et des DC dans l’homéostasie pulmonaire. Nous avons démontré pour la première fois que les AM naïfs modulent l’activation des mDC in vivo en inhibant leur capacité à capturer des allergènes. De plus, nos résultats montrent que les AM naïfs inhibent aussi bien l’activation des mDC1 que les mDC2 (données non publiés) et n’induisent pas de réponse Treg. Ces résultats suggèrent que, contrairement à la réponse tolérogène observée dans les rats PVG, les AM naïfs de rats BN maintiennent l’homéostasie pulmonaire via l’ignorance immunitaire. Il est possible que la discordance entre ces deux réponses soit liée au nombre d’exposition à l’allergène. En effet, le modèle de transfert de AM dans les rats BN est exposé seulement une fois à l’allergène, tandis que la réponse tolérogène des rats PVG est induite après des expositions allergéniques multiples. Il est donc

possible qu’un faible nombre d’exposition favorise l’ignorance, tandis que l’exposition répétée entraine une réponse tolérogène. En effet, la tolérance implique le développement de Treg qui circule afin de contrôler l’activation du système immunitaire. Par contre, il serait trop « coûteux » pour le système immunitaire de mettre un place une réponse tolérogène contre tous les allergènes et antigènes auxquels nous sommes exposés. Pour ce faire, les mécanismes d’ignorance permettent d’éliminer rapidement et silencieusement la majorité des éléments exogènes inoffensifs, afin de permettre le développement de réponses tolérogènes lorsque requis. En résumé, cette étude a démontré pour la première fois que les AM participent à l’ignorance immunitaire en limitant la capture de l’allergène par les DC.

Malgré l’altération de l’activation des DC, les AM n’affectent pas l’accumulation des éosinophiles au poumon, mais interfèrent avec le développement de l’AHR (58, 138). Quoique plusieurs études ont déjà remarqué une dissociation entre l’AHR et l’éosinophilie (135-137, 162), notre étude suggère que les mécanismes qui contrôlent l’éosinophilie sont distincts de ceux qui contrôlent l’activation des DC. Quoique peu d’évidences directes sont disponibles sur les étapes du recrutement des éosinophiles, plusieurs études ont démontré que les cellules épithéliales pulmonaires sont les principales productrices d’éotaxine (chimiokine des éosinophiles) (163-165). Il est donc probable que le transfert de AM n’affecte pas la production de chimiokines par les cellules épithéliales et donc le recrutement d’éosinophiles.

Afin de mieux comprendre l’homéostasie pulmonaire et le rôle des AM dans cette réponse, il est important d’identifier les mécanismes impliqués dans l’interaction entre les AM et les DC. Dans cette étude, nous avons démontré que le transfert de AM naïfs réduit la capture d’OVA par les DC et que ce n’est pas induit par une plus grande élimination (ou phagocytose) de l’OVA par les AM, ni par une altération du profil de cytokines des LBA. En effet, les AM naïfs phagocytent moins d’OVA que ceux asthmatiques et la concentration d’IL-10 (une cytokine anti-

inflammatoire) et de GM-CSF (Granulocyte macrophage colony-stimulating factor; un facteur impliqué dans l’activation des DC) n’est pas modulée (64, 166, 167). Pour ces raisons, nous nous sommes intéressés à une voie homéostatique nouvellement décrite, celle du CD200/CD200R.

La voie du CD200/CD200R

Le CD200 et le CD200R sont des protéines de surfaces exprimées par une panoplie de cellules immunitaires et structurales. L’interaction du CD200 avec son récepteur modulent plusieurs processus inflammatoires, dont la réponse antivirale et l’inflammation arthritique (65, 69, 78). L’activation de CD200R par le CD200 inhibe la dégranulation des mastocytes, tandis qu’elle diminue la production de cytokines pro-inflammatoires par les macrophages (60, 71, 73, 74). Le CD200R est davantage exprimé par les AM que par ses homologues résidents des autres tissus (60), suggérant un rôle important dans l’immunité pulmonaire. Bien qu’aucune étude n’ait investigué le rôle de cette voie dans la réaction asthmatique pulmonaire, une étude génétique a mis en évidence une réduction de l’expression du CD200 sur les monocytes circulants chez les patients asthmatiques en exacerbation (80). Toutes ces informations suggèrent que, dans l’asthme, la voie du CD200/CD200R est dérégulée.

Nous avons donc évalué la dérégulation de cette voie de signalisation dans la pathogénèse de l’asthme allergique. Nous sommes la première équipe qui a démontré que les AM expriment le CD200 (en plus du CD200R), ce qui suggère que les AM modulent les fonctions des cellules exprimant le CD200R, incluant elles-mêmes. Aussi, nous avons démontré que l’expression du CD200 par les AM augmente en réponse à une exposition allergénique chez des rats naïfs, tandis que chez les rats asthmatiques, aucune modulation n’est observée. Puisque la voie du CD200/CD200R est dérégulée dans l’asthme, nous avons testé si l’administration d’une protéine recombinante de CD200 (rCD200) pouvait altérer la réponse asthmatique et l’activation des DC.

Notre étude est la première étude qui démontre que l’administration du CD200 interfère avec la cascade asthmatique. En effet, l’administration de rCD200 chez des rats asthmatiques a complètement inhibé l’AHR, sans toutefois affecter l’éosinophilie. Il est intéressant de noter que le transfert de AM sains et le rCD200 inhibent les mêmes composantes de la réaction asthmatique, ce qui supporte que l’inhibition de l’AHR par les AM pourrait être médiée via le CD200. De plus, si les cellules épithéliales sont bel et bien responsables du recrutement des éosinophiles (voir plus haut; (135-137, 162)), il est normal que le rCD200 n’affecte pas les fonctions de l’épithélium, puisque celui est dépourvu de CD200R. Par contre, il est possible que le rCD200 compense pour la dérégulation du CD200 sur d’autres cellules pulmonaires, dont les DC et les cellules épithéliales. En effet, des résultats préliminaires de notre laboratoire suggèrent que l’expression du CD200 sur les cellules épithéliales bronchiques est également diminuée dans l’asthme.

L’axe DC/lymphocytes Th2 est également modulé par le traitement avec rCD200. En effet, l’accumulation des mDC, ainsi que des lymphocytes Th2, au poumon de rats asthmatiques est inhibée par le rCD200. Par contre, le rCD200 ne module pas la migration des mDC OVA+ vers les ganglions lymphatiques. Ces résultats suggèrent donc que le contrôle de l’immunité par les AM ne s’effectue pas seulement via la voie du CD200, puisque le transfert de AM, contrairement au rCD200, réduit la capture d’allergènes par les mDC pulmonaires, ainsi que leur accumulation aux ganglions lymphatiques.

En résumé, nous sommes les premiers à avoir démontré que les AM expriment le CD200 et que, dans l’asthme, son expression est dérégulée dans le poumon. De plus, nos résultats démontrent pour la première fois que l’administration de rCD200 est efficace pour moduler plusieurs éléments de la cascade asthmatique, dont l’AHR et la réponse Th2. Finalement, les AM et le CD200 contrôlent l’homéostasie pulmonaire, entre autre, via la modulation des fonctions des DC, mais les fonctions anti-inflammatoires des AM incluent probablement d’autres mécanismes en plus du CD200.

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