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Chapitre 1 - Synthèse bibliographique

1.3 La Résistance au flétrissement bactérien

1.3.1 Mécanismes généraux de résistance

Parmi les millions de micro-organismes présents dans l’environnement, un petit nombre d’entre eux sont pathogènes des plantes (Lipka et al. 2008). Lorsqu’un micro-organisme n’est pas capable d’infecter une espèce végétale, le terme de résistance non-hôte est utilisé. Par contre, lorsqu’un micro-organisme infecte certains individus d’une espèce, alors que d’autres individus ne sont pas infectés, le terme de résistance hôte est utilisé (Heath 2000). Les mécanismes de résistance non-hôte impliquent généralement des systèmes de défense constitutive alors que les mécanismes de résistance hôtes sont plus souvent basés sur des interactions moléculaires induites par la présence du pathogène. Pour cette partie, je détaillerai uniquement la résistance hôte.

Selon le type de ségrégation observée dans les populations de plante, les résistances sont considérées comme quantitatives ou qualitatives (Roux et al. 2014). Dans le cas d’une résistance qualitative, une distribution discontinue du caractère mesuré est observée parmi les individus d’une population (Figure 11A, gauche). La population présente un phénotype binaire Résistant/Sensible. D’un point de vue génétique ce type de résistance est conféré par un système monogénique ou oligogénique (très peu de gènes déterminent ce caractère). Le niveau de résistance observé est souvent très élevé, on parle aussi de résistance totale. L’étude de ces systèmes a permis de mettre en évidence l’implication des gènes de type R dans ce type de résistance (Miedaner 2016). Les gènes R sont impliqués dans la reconnaissance directe ou indirecte d’effecteurs microbiens (Boller and He 2009). Les effecteurs microbiens reconnus par un gène R sont des effecteurs d’avirulence (Avr) et sont spécifiques d’un gène particulier (Figure 11B, gauche). L’interaction R-Avr induit généralement une réaction d’hypersensibilité (HR), qui est caractérisée par une nécrose des tissus infectés limitant ainsi la propagation du pathogène. La résistance conférée par la reconnaissance d’effecteurs est appelée ETI (Effector-Triggered Imunity) et elle est limitée aux pathogènes possédant le gène Avr correspondant au gène R (relation spécifique gène pour gène).

Dans le cas d’une résistance quantitative (QDR), une distribution continue du caractère mesuré est observée parmi les individus d’une population (Figure 11A, droite). Le niveau de résistance varie progressivement d’un individu à un autre (Roux et al. 2014). Ce type de

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résistance est souvent déterminé par plusieurs gènes (système polygénique), chacun contribuant à la résistance finale. Les gènes responsables de ce type de résistance sont peu connus et peuvent être impliqués dans des voies métaboliques diverses (Figure 11B, droite). Le mécanisme le mieux étudié à ce jour est la reconnaissance des PAMPs (Pathogen-Associated Molecular Pattern) par les récepteurs transmembranaires PRRs (Pattern Recognition Receptors). Les PAMPs, également nommés MAMPs (Microbe-Associated Molecular Pattern) sont des molécules microbiennes conservées. Les MAMPs peuvent par exemple être des lypopolysaccharides bactériens, de la chitine, des peptidoglycanes ou encore de la flagelline (Monaghan and Zipfel 2012). Lors de leur entrée dans la plante, les pathogènes causent des dégâts sur les parois végétales. Les DAMPs (Damage-Associated Molecular Pattern) sont des molécules engendrées par la dégradation des parois végétales et peuvent aussi être reconnues par les PRRs (Kushalappa et al. 2016). Ces interactions des PRRs avec les PAMPs ou les DAMPs induisent des réactions de défense appelées PTI (PAMPs-Triggered Immunity). Au cours de la PTI, des chaînes métaboliques sont activées, incluant la production de ROS (Reactive Oxygen Species) et l’activation d’enzymes MAPKs et CDPKs (Mitogen-Associated et Calcium-Dependent Protein Kinases) (Malinovsky et al. 2014).

Dans les populations de plantes, les réactions de défense de type ETI et PTI seraient le résultat d’un processus coévolutif entre la plante-hôte et son pathogène. Ce processus est illustré par le modèle en zigzag (Jones and Dangl 2006). Ce schéma comporte quatre étapes successives (Figure 12):

- Dans la première étape, la reconnaissance des PAMPs par les PRRs de la plante induit la réaction de PTI, ce qui confère une résistance partielle à la plante (résistance quantitative).

- Dans la seconde étape, des pathogènes possédant des effecteurs capables d’inhiber la PTI vont être sélectionnés (en rouge). La PTI ne fonctionnant plus, la plante devient sensible donnant lieu à une ETS (Effector-Triggered Susceptibility)

- Dans la troisième étape, des plantes possédant un gène R vont reconnaître spécifiquement l’effecteur et déclencher l’ETI. L’ETI génère alors une résistance qualitative ou totale, impliquant la HR.

- Finalement dans la quatrième étape, des pathogènes ayant perdu l’effecteur reconnu par le gène R (en rouge) et possédant de nouveaux effecteurs (en bleu) vont être

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sélectionnés et provoquer l’ETS. L’ETS durera jusqu’à ce qu’un nouveau gène de type R capable de reconnaître l’effecteur correspondant soit sélectionné par la plante.

Figure 11: Présentation des deux types de résistance aux maladies présents chez les plantes, d'un point de vue populationnel et moléculaire (Roux et al. 2014). Les images de gauche et droite représentent respectivement la résistance qualitative et la résistance quantitative. Le système de résistance est décrit d’un point de vue biologique dans une population (A) et d’un point de vue moléculaire (B).

34 Figure 12: Présentation du modèle en zigzag (Jones and Dangl 2006).

1.3.1.2 Structure des gènes de résistance

Grâce au clonage de différents gènes de résistance, des structures typiques ont été mises en évidence et ont permis par comparaison de séquences d’identifier des RGA (Resistance Genes Analogs), gènes potentiellement impliqués dans des mécanismes de résistance. Les RGA présentent des caractéristiques structurales permettant de les reconnaître et de les classer. Les protéines présentent un domaine LRR (Leucine-Rich-Repeat) associé soit à un domaine NBS (Nucleotide Binding Site) soit à un domaine TM (Trans-Membrane). Les protéines sont ainsi classées en deux grands groupes : le groupe des NB-LRR et le groupe des TM-LRR. Les protéines NB-LRR (Figure 13A) sont des récepteurs intracellulaires généralement impliqués dans les interactions R-Avr. Cette classe de protéines serait donc responsable de la résistance qualitative observée dans les plantes. Les NB-LRR sont sous-divisés en deux groupes : le groupe des Toll-interleukin-1 (TIR) NB-LRR dont l’abréviation est TNL et le groupe des non TNL ou coiled-coil (CC) NB-LRR dont l’abréviation est CNL. Les protéines TM-LRR sont aussi subdivisées en deux groupes : les RLK (Receptor Like Kinases), qui possèdent un domaine kinase, et les RLP (Receptor Like Protein), chez qui le domaine kinase est absent (Figure 13B). Ces protéines seraient impliquées dans les interactions PRR/PAMP et seraient donc à l’origine de la PTI. En outre, des protéines

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appartenant à d’autres classes (peroxydases, pentatricopeptides repeats proteins) peuvent aussi être impliquées dans les mécanismes de résistance (Sekhwal et al. 2015).

Figure 13: Représentation schématique de la structure des quatre classes majeures de protéines de résistance (Sekhwal et al. 2015).

1.3.1.3 QDR et relation gène pour gène, une distinction pas si évidente

Les gènes de résistance de type NB-LRR sont les mieux caractérisés à ce jour. Ces gènes sont traditionnellement nommés gènes R et sont utilisés depuis de nombreuses années dans les programmes d’amélioration variétale. Des interactions directes ou indirectes entre les récepteurs R et les effecteurs bactériens ont été caractérisées. Les gènes impliqués dans les résistances quantitatives (QDR) ont par contre été plus rarement identifiés. Des zones du génome impliquées dans la variation quantitative d’un trait (QTLs) ont été localisées finement chez certaines espèces mais cette localisation a rarement mené à l’identification des gènes sous-jacents. D’après Poland et al. (2009), six hypothèses principales expliquent les mécanismes génétiques sous-jacents à la QDR.

-hypothèse 1 : La QDR serait déterminée par des gènes également impliqués dans le déterminisme de traits morphologiques ou dans des voies de développement de la plante.

Cette hypothèse est basée sur différentes observations : certains QTLs de résistance sont spécifiquement détectés à un stade phénologique précis (susceptibilité aux maladies accrue

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après la floraison) et certains traits morphologiques (comme la densité en stomates et leur durée d’ouverture) peuvent affecter la résistance aux maladies.

-hypothèse 2 : La QDR serait déterminée par des mutations des gènes impliqués dans le PTI. Cette hypothèse a été confirmée par le clonage du gène FLS2

(Flagellin-sensitive 2) chez Arabidopsis Thaliana. Certains allèles de ce gène produisent une protéine qui n’est pas perçue correctement par un récepteur membranaire de la famille des RLK. La PTI est alors affectée. En fonction de l’allèle présent, la plante présente donc un niveau de susceptibilité plus ou moins élevé conduisant à une ségrégation quantitative de la résistance.

-hypothèse 3 : La QDR serait impliquée dans une « guerre chimique » entre la plante et le pathogène. Les pathogènes produisent des phytotoxines qui sont des composés toxiques

pour la plante. Afin d’éliminer ces composés, la plante produit des phytoalexines. La production de phytoalexines serait corrélée avec la QDR.

-hypothèse 4 : La QDR pourrait être déterminée par des variations dans les signaux de transduction lors de la PTI ou l’ETI. Lors de la perception du pathogène par les PRRs

ou les gènes R, des mécanismes de résistance vont être mis en place. Ces mécanismes impliquent la production de phytohormones comme l’acide salicylique, l’acide jasmonique ou l’éthylène. Ces différentes chaînes métaboliques sont régulées par des gènes qui pourraient être des déterminants génétiques de la QDR.

-hypothèse 5 : La QDR serait causée par des gènes de type R (NB-LRR) qui auraient été contournés par un variant virulent. Cette hypothèse est basée sur différents exemples.

Tout d’abord, la co-localisation entre des QTLs de résistance et des gènes de type R a fréquemment été observée chez de nombreuses espèces. Par ailleurs, certains gènes clonés sont des gènes R de la famille des NB-LRR et confèrent malgré cela une résistance partielle. Enfin, certains QTLs semblent isolat-spécifique ou race-spécifique, confirmant une similarité des mécanismes avec les gènes R.

-hypothèse 6 : La QDR serait déterminée par des gènes dont les fonctions restent inconnues. Dans certaines études de cartographie génétique, les QTLs de résistance ont été

localisés dans une zone chromosomique ne contenant aucun gène de type R connu à ce jour.

Ces six hypothèses illustrent la complexité des mécanismes génétiques et moléculaires impliqués dans la résistance quantitative aux maladies. L’amélioration des connaissances sur ces systèmes complexes repose en grande partie sur la localisation précise des QTLs à l’aide des cartes génétiques. Le chapitre suivant décrit les méthodes disponibles pour localiser ces QTLs et fait un point sur les QTLs et gènes de résistance au BW détectés à ce jour.

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