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Partie III. Etude de la fragilisation par l’hydrogène

III.1. Mécanismes de fragilisation

Plusieurs mécanismes ont été proposés pour expliquer le phénomène de fragilisation par l’hydrogène dans les métaux et plus particulièrement dans les aciers. Les plus connus sont cités ci-dessous :

 Formation d’une phase fragile (hydrures) [64,65]

 Augmentation de la pression interne d’hydrogène – HIC (Hydrogen induced cracking) ou SOHIC (Stress oriented hydrogen induced cracking) [20]

 Diminution de la force de cohésion du réseau – modèle HEDE (Hydrogen-Enhanced Decohesion) [66]

 Stabilisation des lacunes – modèle VM (hydrogen-enhanced Vacancy stabilization Mechanism) [67,68]

 Emission de dislocations à partir de la surface – AIDE (Adsorption-Induced Dislocation- Emission) [69]

 Augmentation locale de la plasticité induite par l’hydrogène – HELP (Hydrogen Enhanced Localized Plasticity) [70–72]

 Augmentation de la plasticité induite par la corrosion – CEPM (Corrosion Enhanced Plasticity Model) [73]

Aucun de ces modèles n’explique à lui seul les divers cas de fissuration observés en laboratoire ou sur site industriel. En effet, plusieurs facteurs externes semblent influencer le mécanisme physique de l’endommagement, comme par exemple la température ou la concentration locale en hydrogène.

III.1.i. Influence de l’hydrogène sur les propriétés mécaniques

La synthèse bibliographique effectuée par Moro [21] reprend les travaux effectués sur la dégradation des propriétés des aciers en présence d’hydrogène. Pour cette étude, il faut retenir que l’hydrogène diminue habituellement la ténacité des aciers. Il ressort également qu’il réduit la taille de la zone plastique en fatigue et augmente la vitesse de propagation des fissures, le rapport de charge ayant un rôle important dans ce phénomène.

III.1.ii. Modèles liés aux interactions avec la plasticité

Le modèle AIDE proposé par Lynch en 1988 [69] s’appuie sur la présence de micro-cavités observées sur les faciès de rupture obtenus en CSC, en FAH et en fragilisation par les métaux liquides. L’adsorption d’espèces chimiques présentes dans le milieu provoque un affaiblissement des liaisons atomiques en pointe de fissure. L’hydrogène adsorbé favorise l’émission de dislocations supplémentaires en pointe de fissure ce qui a pour effet de réduire l’émoussement de la fissure en localisant le glissement. Ce processus conduit à la formation de micro-cavités et celles-ci peuvent, par coalescence, contribuer à

53 l’avancée de la fissure. La limitation principale de ce modèle est qu’il repose sur des similitudes observées entre des phénomènes présentant des cinétiques très différentes.

Beachem [70] est le premier à suggérer qu’en présence d’hydrogène, l’émission et le glissement des dislocations a lieu pour des contraintes relativement faibles. Cette augmentation de la plasticité en avant de la fissure se traduit alors par une rupture ductile extrêmement localisée.

Birnbaum et Sofronis [71] ont développé par la suite le modèle HELP étayé par des observations MET de la modification du comportement des dislocations sous hydrogène [74,75]. Leur idée est que l’hydrogène réduit les barrières au mouvement des dislocations, augmente leur mobilité et/ou diminue localement la contrainte d’écoulement. Cette interaction avec les dislocations est particulièrement importante en pointe de fissure où l’entrée de l’hydrogène est facilitée par l’émergence de nouveaux plans de glissement et/ou par les effets du champ de contrainte qui augmente la solubilité de l’hydrogène. D’après ce modèle, le matériau ne devient pas fragile sous l’effet de l’hydrogène, mais il subit une perte de ductilité. Des zones de plus grande déformation locale et du cisaillement microscopique apparaissent ce qui conduit à des micro-ruptures, mais le mécanisme de rupture final n’est pas clairement identifié.

III.1.iii. Effets de l’hydrogène sur les dislocations dans les aciers austénitiques et ferritiques

Dans le modèle HELP, les interactions hydrogène-dislocations sont particulièrement mises en avant [76– 78]. Dans le cas des aciers austénitiques et des métaux cfc comme le nickel, la concentration d’hydrogène est relativement importante (plusieurs centaines voire milliers de ppm). Les effets de l’hydrogène sur les dislocations s’expliquent en partie par une modification des interactions de paires entre dislocations. L’hydrogène forme une atmosphère autour des dislocations et écrante les interactions élastiques entre dislocations ce qui conduit à la diminution de la contrainte nécessaire à leur déplacement. Par conséquent les empilements de dislocations sont plus denses : à partir d’un certain seuil de concentration en hydrogène, plus la quantité d’hydrogène est importante et plus la distance entre dislocations bloquées est faible [79]. Le déplacement des dislocations n’est pas forcément réversible lorsque l’hydrogène est retiré, ceci dépend de la force d’épinglage des atomes en solution solide sur les dislocations et de la friction du réseau.

Un autre phénomène d’interaction entre les dislocations et l’hydrogène dans les métaux cfc est le confinement des dislocations dans leur plan de glissement. En effet, des observations directes à l’aide d’un MET environnemental [80] ont montré une inhibition du glissement dévié en présence d’hydrogène par une diminution de l’énergie de faute d’empilement. La dissociation des dislocations parfaites de type ½<110> en partielles de Shockley permet de minimiser l’énergie du système et l’augmentation de la largeur du ruban de faute d’empilement défavorise le glissement dévié en limitant la recombinaison.

54 Cette même étude a montré une stabilisation des segments coins lors du glissement dévié limitant encore plus le phénomène.

En ce qui concerne les aciers ferritiques, la concentration d’hydrogène est relativement faible, de l’ordre de quelques ppm massiques. Cette concentration n’est pas suffisante pour expliquer les effets de l’hydrogène sur les propriétés mécaniques par le même mécanisme que les aciers austénitiques. La réponse viendrait donc des interactions du cœur des dislocations avec l’hydrogène.

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