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I.2. Préparation de nanosphères de polymère par nanoprécipitation nanoprécipitation

I.2.1. Mécanismes de formation des nanoparticules

La formation de nanoparticules de polymère par nanoprécipitation repose sur un équilibre entre le polymère, le solvant organique et l’eau. Sur un diagramme ternaire solvant/eau/polymère, la formation d’une nanosuspension de polymère apparaît dans une région métastable délimitée par la courbe de solubilité limite du polymère dans le milieu (courbe binodale) d’un côté, et la courbe de stabilité thermodynamique limite du polymère dans le milieu (courbe spinodale) de l’autre (figure 9)95, 96.

Figure 9. Evolution du système polymère/solvant/eau conduisant à la nanoprécipitation, selon le mécanisme de diffusion de solvant (chemin a) et mécanisme de nucléation-croissance (chemin b).

Lorsqu’une goutte de phase organique est ajoutée dans la phase aqueuse, le système se situe initialement dans une région 1 constituée d’une phase (la solution de polymère), puis dérive au fur et à mesure de la diffusion du solvant (la proportion d’eau augmente), jusqu’à franchir la courbe binodale. Le polymère n’est alors plus soluble dans le mélange solvant/eau. A partir de cette étape, deux hypothèses sont proposées pour expliquer que le système ne déphase pas macroscopiquement et forme une nanosuspension1. La première décrit un passage au travers de la région métastable (2), un franchissement de la courbe spinodale vers la région de séparation de phase (3) et finalement un retour vers la région métastable (2) (chemin a sur la figure 9). Cette hypothèse a été proposée par Quintanar et al.70 en 1998. Leur explication du phénomène est basée sur la diffusion du solvant induite par un gradient de tension interfaciale. La seconde hypothèse stipule que le système reste dans la région métastable (2) où les nanoparticules vont se former par nucléation-croissance (chemin b sur la figure 9). Cette hypothèse a été proposée par Lince et al.97 en 2008.

I.2.1.1. Diffusion du solvant

Conformément à l’effet Gibbs-Marangoni, le solvant organique ‒ de tension superficielle plus faible que l’eau ‒ diffuse plus rapidement dans l’eau que l’eau dans le solvant et provoque un gradient de tension interfaciale dans l’axe de la diffusion. Ce gradient est le moteur de la diffusion qui s’opère par pulsations erratiques à la surface de la goutte 98. Ces turbulences interfaciales, plus ou moins amorties selon la viscosité du milieu, prennent la forme de

Fr ac tion m assi qu e en sol vant

Fraction massique en polymère

Courbe binodale Courbe spinodale Région à une phase 1 Région à deux phases 3 Région métastable 2 ba Eau Polymère Solvant

tourbillons qui entraînent des nano-gouttes organiques dans le milieu continu aqueux. Le solvant organique se libère des nano-gouttes par diffusion et le polymère insoluble dans l’eau précipite sous forme de nanoparticules (figure 10).

Figure 10. Mécanisme de nanoprécipitation basé sur la diffusion du solvant organique. L’intensité du gradient de tension interfaciale peut être estimée à l’aide du nombre de Marangoni (Ma). La diffusion est permise lorsque Ma est supérieur à une valeur critique, spécifique au couple solvant/non-solvant99. Dans le cas d’un gradient de tension interfaciale lié à un gradient de concentration100, Ma est exprimé par :

γ est le gradient de tension interfaciale, . C le gradient de concentration en solvant, η la viscosité de la phase organique et D le coefficient de diffusion du solvant organique vers la phase aqueuse. Cette équation met en évidence le caractère inhibiteur de la viscosité sur la diffusion. D’autre part, plus le ratio volumique entre phase organique et phase aqueuse est grand, plus γ est élevé101, donc plus Ma est élevé. La diffusion du solvant à l’origine de la nanoprécipitation est aussi gou ernée par la con ection naturelle ‒ liée au gradient de concentration en sol ant dans la solution ‒ ou induite par une agitation101.

I.2.1.2. Nucléation-croissance

La nanoprécipitation peut avoir lieu en présence102 ou en absence95 de tensioactifs. Cela suggère que l’effet Gibbs-Marangoni n’est pas prépondérant, puisque les tensioactifs abaissent la tension interfaciale du milieu et réduisent le gradient de tension interfaciale qui

Gradient de tension inter-faciale Phase organique (polymère + solvant) Phase aqueuse + Nanoparticules de polymère 𝑀 = 𝜕.. 𝑆 (1)

Région 1 Région 2 Région 3 Région 2

a

est le moteur du mécanisme décrit précédemment103. Ainsi, au lieu de se baser sur la diffusion du solvant, Lince et al. se sont intéressés à la stabilité du polymère au cours du processus. Lorsque la phase organique est en contact avec la phase aqueuse, la concentration locale en polymère augmente progressivement jusqu’à atteindre la limite de solubilité du polymère. Quelques chaînes polymères s’agencent autour de points de nucléations pour former des proto-particules de quelques nanomètres. Chaque proto-particule croît par adsorption de chaînes polymères à sa surface. Enfin, les proto-particules entrent en collision et s’agrègent, ce qui conduit à la formation de particules de plusieurs dizaines ou centaines de nanomètres. Il s’agit d’un processus de nucléation-croissance en trois étapes (figure 11)104. La séparation de phase sous la forme de proto-particules est le scénario le plus favorable énergétiquement105.

Figure 11. Mécanisme de nanoprécipitation basé sur la nucléation-croissance.

La nucléation est un phénomène gouverné par le taux de nucléation (J) définit selon l’équation 2 :

D est la diffusion de la chaîne polymère dans le mélange solvant/eau local, d le diamètre hydrodynamique de cette chaîne polymère, kB la constante de Boltzmann, T la température du système, γ la tension interfaciale entre la particule et la phase dispersante, le volume molaire

C onc ent rat ion en pol ym èr e Temps Limite de saturation Concentration critique de nucléation Proto-particules Nanoparticules

Nucléation Croissance Agrégation

= 2. 𝑆𝑑 . exp(− 16. 𝜋. 𝜕3.

3. 3. 𝑅3. [ln (𝑆)] ) (2)

Région 1 Région 2

du polymère et S la super-saturation (ratio de la concentration effective de polymère et sa solubilité dans le mélange local solvant/eau). Lorsque la proto-particule dépasse un certain rayon critique (r*), sa croissance peut démarrer. r* est fonction de γ et de la différence d’enthalpie libre par unité de volume entre la particule et la phase dispersante (ΔgV)105 :

La croissance (G) est fonction de la masse molaire moyenne en masse du polymère 𝑀�����, sa 𝑤 densité ρ, sa concentration C dans la phase dispersante, son coefficient de transfert de masse km ainsi que de la super-saturation S97 :

Au fur et à mesure de la croissance des proto-particules, la concentration en polymère dans le milieu de dispersion diminue, la super-saturation tend vers 1 et le phénomène de croissance laisse place à celui de l’agrégation. Pour Horn et al., l’agrégation s’opère par murissement d’Oswald105, tandis que pour Lince et al., elle s’accomplit par collisions entre proto-particules97, le taux d’agrégation (ratio entre le nombre de particules subissant une agrégation et le nombre total de particules) étant proportionnel au carré de la concentration en proto-particules. Les collisions sont en grande partie causées par le mouvement Brownien des particules (agrégation péri-cinétique)106. Pour deux particules A et B de rayons respectifs rA et rB, le taux d’agrégation (Agr) est défini par107 :

Avec T la température du système et η la viscosité de la phase dispersante.

Parmi toutes les collisions, seules certaines, dites efficaces, conduisent à l’agrégation de deux particules. La proportion de collisions efficaces varie selon l’équilibre des forces d’attraction et de répulsion qui agissent sur les deux particules, et la viscosité du fluide (majoritairement aqueux) à drainer pour permettre leur contact97.

Le temps de mélange de la phase organique et de la phase aqueuse durant lequel se forment les nanoparticules par l’un des deux mécanismes est de l’ordre de quelques microsecondes à quelques millisecondes95, 108. 𝑟 = −𝛥𝑔2. 𝛾 𝑉 (3) 𝐺 =2. 𝑘𝑚. 𝑀�����. 𝐶𝑤 𝜌 (𝑆 − 1) (4) 𝐴𝑔𝑟 =8𝑘3𝜂𝐵. 𝑇(𝑟𝐴𝑟+ 𝑟𝐵 𝐴. 𝑟𝐵 (5)