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Mesure de la concentration micellaire critique du SDS dans des solutions aqueuses de solvants organiques des solutions aqueuses de solvants organiques

C HAPITRE III : OPTIMISATION DE LA PREPARATION DES NANOPARTICULES

III.1. Caractérisation du système polymère / solvant / eau / tensioactif tensioactif

III.1.1. Mesure de la concentration micellaire critique du SDS dans des solutions aqueuses de solvants organiques des solutions aqueuses de solvants organiques

La concentration micellaire critique (CMC) d’un tensioactif dans un liquide est la concentration au-delà de laquelle les molécules de tensioactif s’organisent spontanément pour former des micelles. En dessous de la CMC, les molécules de tensioactifs se partagent entre le volume et la surface du liquide. En solution aqueuse, les molécules de tensioactif situées à la surface du liquide orientent leur partie hydrophobe vers l’air afin de minimiser leur énergie superficielle. Au-dessus de la CMC, les molécules de tensioactif s’auto-associent sous forme de micelles dont le cœur est constitué des parties hydrophobes tandis que les parties polaires sont orientées vers la phase continue.

Le tensioactif utilisé dans cette étude est le dodécylsulfate de sodium (SDS). Son comportement dans l’eau est bien connu. Sa CMC varie, selon les études, entre 65 et 86 mmol/l pour des températures comprises entre 22 et 25°C. La CMC du SDS dans des solutions aqueuses contenant des solvants organiques ‒ comme le DMSO ou le THF ‒ est

cependant beaucoup moins étudiée. Or, les nanoparticules une fois formées par nanoprécipitation sont en suspension dans de tels mélanges tant que le solvant n’est pas éliminé. La présence de micelles dans une émulsion ou une dispersion est problématique car elle peut induire la déstabilisation de l’émulsion ou de la dispersion1. Au-delà d’une certaine concentration, les micelles de tensioactifs appliquent une force de déplétion sur les particules qui tendent à se rapprocher les unes des autres, puis s’agréger ou coalescer7. Il convient donc de déterminer la CMC du SDS dans l’eau en présence de DMSO ou de THF.

La CMC d’un tensioactif anionique comme le SDS dans une solution aqueuse contenant un solvant organique peut être déterminée par tensiométrie8, électrophorèse9, spectroscopie de corrélation de fluorescence (FCS)10, diffusion de neutrons aux petits angles (SANS)11, viscosimétrie12 ou par conductivité13. Steflova et al. indiquent cependant que la méthode conductimétrique peut ne pas être appropriée à la mesure de la CMC du SDS lorsque la concentration en solvant organique est trop importante (supérieure à 5% vol. dans le cas du mélange eau/acétonitrile qu’ils étudient14).

III.1.1.1. CMC du SDS dans l’eau et dans des mélanges eau/DMSO

La CMC du SDS dans l’eau permutée et dans des solutions eau/DMSO a été déterminée par des mesures de tension de surfaces à 24°C. Trois mélanges aqueux contenant 1/3, 1/4 et 1/7 volumique de DMSO ont ainsi été étudiés. La composition de ces solutions est similaire à celle des milieux de dispersion des nanoparticules de PHU (25 ml de DMSO et 50, 100 ou 150 ml d’eau permutée ont été utilisés pour préparer les échantillons du plan d’expériences, comme nous le verrons plus tard en III.2.1.3.2). Les tensions superficielles ont été mesurées avec une lame de Wilhelmy (tensiomètre Kruss K100) (figure 1).

Pour ce faire, dans les quatre cas de figure, une solution mère concentrée à 0,1 M en SDS est préparée puis filtrée (filtre en ester de cellulose, 0,45 µm). La solution est versée dans un cristallisoir préalablement dégraissé avec de l’acétone. La solution est crémée : du papier joseph est immergé à sa surface pour retirer les impuretés et poussières. Le cristallisoir est positionné sur un élévateur. La lame de Wilhelmy est nettoyée à l’acétone, séchée avec du papier joseph puis légèrement chauffée au chalumeau avant d’être suspendue au-dessus du cristallisoir. Après deux minutes, la procédure est déclenchée manuellement. L’élévateur soulève le cristallisoir jusqu’à immersion de la plaque. La mesure démarre lorsque le cristallisoir redescend jusqu’à la rupture du film de liquide formé entre le liquide et la plaque. Dix mesures de tension superficielle sont réalisées durant ce laps de temps et la moyenne est enregistrée. Chaque mesure est réalisée trois fois et la lame est nettoyée à chaque fois. Les solutions mères sont ensuite diluées afin de réaliser des mesures à différentes concentrations en SDS. Le tracé de la tension superficielle de la solution en fonction du logarithme de la concentration en SDS est représenté sur la figure 2 dans le cas de l’eau permutée et sur la figure 3 dans le cas des trois solutions de DMSO/eau.

Figure 2. Evolution de la tension de surface de la solution eau-SDS en fonction de la concentration en SDS (T = 24°C).

A faible concentration en SDS, la tension superficielle de la solution aqueuse diminue au fur et à mesure que la concentration en SDS augmente. Lorsque la concentration en SDS atteint la CMC, une rupture de pente apparaît, la tension superficielle augmente puis diminue très légèrement lorsque la concentration en SDS augmente. La CMC du SDS, déterminée par le point d’intersection des deux tangentes de la courbe, est égale à 6,0 mmol/L. Cette valeur est conforme aux données de la littérature5, 6.

30 40 50 60 70 -10 -9 -8 -7 -6 -5 -4 -3 γ (m N/m ) ln[SDS] Ln [SDS] = -5,10

Le minimum de tension superficielle observée pour une concentration en SDS de 8,0 mmol/L est attribuable à la présence d’alcool dodécylique, une impureté présente dans le SDS commercial (le SDS n’étant pur qu’à 99%)15 qui diminue la tension superficielle de la solution aqueuse à une valeur inférieure à celle correspondant à la CMC du SDS16. Lors de la formation de micelles de SDS, l’alcool dodécylique est solubilisé dans les micelles, sa concentration dans la solution diminue, ce qui a pour effet d’augmenter légèrement la tension superficielle de la solution jusqu’à ce qu’elle atteigne la valeur qu’elle aurait eu sans la présence d’impureté.

La CMC du SDS est déterminée pour les trois solutions DMSO/eau par la même méthode et à la même température (figure 3).

35 40 45 50 55 60 -7 -6 -5 -4 -3 -2 γ ( m N/m ) ln[SDS] 35 40 45 50 55 60 65 -7 -6 -5 -4 -3 -2 γ (mN /m) ln[SDS] (a) (b) Ln [SDS] = -4,55 Ln [SDS] = -4,85

Figure 3. Evolution de la tension de surface de la solution eau-SDS-DMSO en fonction de la concentration en SDS pour un ratio volumique DMSO/eau de 1:2 (a), 1:4 (b) ou 1:6 (c) (T = 24°C).

La CMC du SDS est de 6,7 mmol/L, 7,8 mmol/L et 10,6 mmol/L pour les mélanges DMSO/eau de ratio égal à 1:6, 1:4 et 1:2 respectivement. Elle augmente linéairement en fonction de la proportion de DMSO dans le mélange. Harutyunyan et Markarian observent des résultats similaires10. Dans une note technique de la société Kibron, la même tendance est rapportée8. D’autre part, l’augmentation de la CMC du bromure de cétrimonium (CTAB) est elle aussi observée lors de l’addition de DMSO17. Ces travaux mis à part, peu d’études rapportent les effets de la présence du DMSO sur la CMC du SDS dans des solutions aqueuses.

Ce phénomène n’est pas limité au DMSO, il apparait de manière similaire avec d’autres solvants organiques comme l’acétonitrile14 ou l’urée11. Rosen et al. ont étudié le phénomène de micellisation des tensioactifs et l’effet d’additifs organiques sur leur CMC17.

Selon eux, les additifs organiques se divisent en deux classes : les premiers diminuent la CMC (classe I) tandis que les seconds diminuent ou augmentent la CMC en modifiant la structure ou les propriétés de l’eau (constante diélectrique, paramètre de solubilité), ce qui a pour effet de modifier les interactions entre l’eau et les tensioactifs sous forme de micelles (classe II). Un composé de classe I peut être adsorbé par les micelles, ce qui diminue le travail nécessaire à la micellisation du tensioactif. Dans le cas d’un tensioactif ionique, les composés de classe I peuvent aussi réduire les répulsions entre les têtes ioniques des molécules de tensioactif. Pour un composé de classe II, une augmentation de la CMC peut être causée par la formation d’hydrates [eau-solvant-partie hydrophile du tensioactif]18 : les tensioactifs engagés dans les

35 40 45 50 55 60 65 -7 -6 -5 -4 -3 -2 γ ( m N/m ) ln[SDS] (c) Ln [SDS] = -5,00

hydrates ne sont plus disponibles pour former des micelles, ce qui entraîne l’augmentation de la CMC. Une autre possibilité est que les composés organiques altèrent les propriétés de l’eau vis-à-vis des tensioactifs. Leur présence peut induire une diminution du paramètre de solubilité du mélange aqueux18 et donc favoriser la solubilisation des tensioactifs hydrophiles comme le SDS (HLB = 4019). D’autre part, en particulier dans le cas des tensioactifs ioniques comme le SDS, la diminution de la constante diélectrique du milieu en présence du composé organique peut favoriser la répulsion entre les têtes chargées des tensioactifs au sein des micelles. Cette répulsion défavorable à la micellisation induit une augmentation de la CMC du tensioactif17.

Le DMSO est un composé de classe II, sa présence dans l’eau entraine l’augmentation de la CMC. En effet, la constante diélectrique du milieu diminue en présence de DMSO (dans l’eau pure ε = 80,4, dans un mélange DMSO/eau ε = 77,9 pour un ratio 1:6 ou 1:4 et 76,4 pour un ratio 1:220). D’autre part, le paramètre de solubilité du milieu diminue, celui du DMSO (26,7 (J/cm3)1/2) étant inférieur à celui de l’eau (48,1 (J/cm3)1/2) 21. Enfin, la formation d’hydrates est rapportée pour un système eau/DMSO22, 23 (figure 4).

Figure 4. Hydrate formé entre le DMSO et l’eau24.

III.1.1.2. CMC du SDS dans des mélanges eau/THF

Nous avons également déterminé la CMC du SDS pour des solutions aqueuses de THF à 24°C. Les courbes de tension de surface en fonction de la concentration en SDS sont présentées sur la figure 5. La concentration des solutions mères en SDS est de 1,0 M.

Pour les trois mélanges eau/THF, la tension superficielle des solutions diminue de manière linéaire lorsque la concentration en SDS augmente ‒ malgré quelques oscillations de la tension superficielle autour de ln[SDS] = ‒5 attribuables aux incertitudes de mesure. Aucune rupture de pente n’est observée sur les courbes, ce qui implique que pour un ratio THF/eau de 1:6, 1:4 ou 1:2 ‒ soit 14, 20 ou 33 % volumique de THF ‒ la CMC du SDS est supérieure à 1,0 mol/L. S CH3 CH3 O O H H H O H O H H O S CH3 CH3 O H H

Figure 5. Evolution de la tension de surface de la solution eau-SDS-THF en fonction de la concentration en SDS pour un ratio volumique THF/eau de 1:2 (a), 1:4 (b) ou 1:6 (c) (T = 24°C).

Misra et al. ont déterminé la variation de la CMC du SDS en fonction de la proportion de THF dans de l’eau par conductimétrie13. Ils observent que la CMC augmente quand la proportion de THF augmente. Elle est égale à 30,0 mM pour 16 % volumique de THF, et 8,2

30 31 32 33 34 35 -7 -6 -5 -4 -3 -2 -1 0 γ ( m N/m ) ln[SDS] 30 31 32 33 34 35 36 37 38 -7 -6 -5 -4 -3 -2 -1 0 γ ( m N/m ) ln[SDS] 31 32 33 34 35 36 37 38 39 40 41 -7 -6 -5 -4 -3 -2 -1 0 γ ( m N/m ) ln[SDS] (a) (b) (c)

mM dans l’eau pure. La mesure de la CMC par conductimétrie devient impossible pour une proportion de 20 % en volume de THF. Les mêmes auteurs observent aussi une augmentation de la CMC du CTAB en ajoutant du THF dans de l’eau.

Pan et al. expliquent que pour une proportion dans l’eau en THF supérieure à 10 % volumique, la micellisation du SDS est rendue impossible par la formation d’hydrates de THF12. Les auteurs mettent en évidence la présence des hydrates par conductimétrie. Sous l’effet du champ électrique produit lors des mesures, ils observent en effet une augmentation anormale de la conductivité molaire des échantillons. Selon eux, ce phénomène traduit les sauts des ions laurylsulfates d’hydrate en hydrate (figure 6). Par la suite, ils réalisent des analyses en SANS qui semblent confirmer leur hypothèse.

Figure 6. Sauts d’ions laurylsuftates (DS-) d’hydrate en hydrate induits par un champ électrique.

En outre, le THF est un additif organique de classe II selon la classification de Rosen, tout comme le DMSO. En effet, la constante diélectrique du milieu diminue en présence de THF (dans l’eau pure ε = 80,4, dans un mélange THF/eau ε = 68,2 pour un ratio 1:6, ε = 64,6 pour un ratio 1:4 et ε = 60,4 pour un ratio 1:2)25. D’autre part, le paramètre de solubilité du milieu diminue, celui du THF (19,5 (J/cm3)1/2)2 étant inférieur à celui de l’eau (48,1 (J/cm3)1/2). La présence de DMSO retarde la micellisation du SDS. La présence de THF ‒ au-delà d’une certaine proportion (1012 à 2013 % vol.) ‒ ne permet pas l’organisation du SDS sous forme de micelles.