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Partie I : Rappels et généralités

II. Ablation laser

II.3 Mécanismes de formation de particules

Suite à l’ablation laser, la matière ablatée est éjectée sous forme de particules. La taille des particules est un facteur fondamental déterminant l’efficacité de transport ainsi que l’efficacité d’atomisation, dans le cas d’un couplage avec un ICP pour l’analyse de la matière ablatée [51]. La granulométrie de ces particules dépend des paramètres du laser (longueur d’onde, durée d’impulsion, l’énergie, …), de l’environnement autour de l’échantillon (nature de gaz, pression, débit…) et également des paramètres physico-chimiques des matériaux [51, 52]. Deux grandes familles de particules sont générées après ablation laser : les agrégats de particules et les particules individuelles.

II.3.1 Mécanismes de formation des agrégats

Avant de décrire les différentes étapes de formation des particules, nous définissons les deux termes suivants : agrégats et agglomérats. Un agrégat ou « hard agglomerates » est une entité hétérogène formée par des chaines de petites particules liées par des liaisons covalentes ou ioniques. La taille d’un agrégat peut atteindre quelques centaines de nanomètre. L’agglomérat ou « soft agglomerates » est un enchainement de particules liées entre elles par des forces faibles (Van de Walls, de tension de surface…) facilement dissociables [35, 53]. Le mécanisme de formation des agrégats/agglomérats comporte une succession de quatre étapes :

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la nucléation, la condensation, la coagulation avec coalescence et enfin l’agglomération [51, 54]. Ces étapes sont décrites ci-dessous :

1-La nucléation : suite au chauffage du matériau par une impulsion laser à une température supérieure à son point de fusion, un bain liquide se forme. Ensuite, la matière est vaporisée à partir de cette couche et se retrouve dans un panache de "vapeur". Les particules primaires issues de cette nucléation, appelées "nucléi", sont les premières particules solides de l’aérosol. 2-La condensation : les espèces gazeuses dans le panache de vapeur réagissent à la surface des nucléi et s’y incorporent. Ceci aboutit à la formation de fines particules de forme quasi- sphérique et dont la taille est de quelques nanomètres.

3-La coagulation avec coalescence : par des mouvements de collision, les particules fusionnent et coagulent pour former des particules sphériques de tailles plus importantes de quelques dizaines de nanomètre. On parle d’une coagulation thermique ou brownienne. A ce stade, ces particules sont nommées les particules primaires de l’agrégat.

4-L’agglomération : lorsque la température du panache n’est plus suffisante pour le phénomène de coagulation, les particules primaires commencent à se lier entre elles par des liaisons chimiques. En fonction de la nature des liaisons on distingue les agrégats et les agglomérats.

II.3.2 Mécanismes de formation des particules individuelles

La deuxième famille de particules générées par ablation laser est la famille des particules individuelles. Ces particules, de taille plutôt micrométrique, sont issues de l’éjection de la couche fondue sur la surface du matériau par d’autres mécanismes. Elles se présentent sous formes de gouttelettes liquides, des fragments solides, des particules sphériques… Les mécanismes mis en jeu sont les suivants :

Projection de gouttelettes liquides (hydrodynamic sputtering) : ce phénomène intervient à l’interface liquide-solide entre le bain liquide et la surface de l’échantillon chauffé. La pression de recul du panache de vapeur déforme et expulse le liquide sous forme de gouttelettes sphériques. La taille de ces gouttelettes varie entre 50 et 200 nm. La taille des particules dépend de l’épaisseur de la couche fondue, de la longueur d’onde du laser et de la température [54, 55].

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Décollement de particules solides (solid exfoliation) : sous l’effet de l’expansion thermique et des contraintes mécaniques exercées sur le matériau, ce dernier est « fracturé » et les particules sont éjectées sous forme solide et irrégulière. Ce type d’éjection engendre des particules de taille de l’ordre du micromètre.

Eclatement de matériau (spallation sputtering) : ce phénomène est similaire au décollement de particules solides, mais dans ce cas le décollement a pour origine la couche liquide et pas la phase solide du matériau. Le panache de matière exerce une pression de recul importante sur la couche liquide (effet de piston). Cette pression est effectuée vers le bas et latéralement du centre vers les bords de la couche liquide. Lorsque la pression exercée est plus importante que la tension de surface, il en résulte une rupture de l’interface liquide-solide et une éjection des gouttelettes liquides vers les bords. Les particules éjectées présentent une forme sphérique et une taille micrométrique dépendante de l’épaisseur de la couche fondue. Après éjection de particules et refroidissement du matériau, le cratère obtenu est assimilé à la forme d’un volcan caractéristique de ce phénomène.

Explosion de phase : c’est un phénomène qui intervient pour des forts éclairements de la surface du matériau et des durées d’impulsion ultracourtes (cf. partie II.2.2 de ce chapitre). Afin de déterminer la composition élémentaire d’un échantillon à partir de la formation de ce particules, l’ablation laser est couplée le plus souvent soit à la spectroscopie d'émission optique sur plasma induit (LIBS, acronyme anglais pour Laser Induced Breakdown Spectroscopy) [37, 56, 57], soit à une source à plasma induit par haute fréquence couplée à la spectroscopie d'émission optique (ICP-AES, acronyme pour Inductively Coupled Plasma Atomic Emission Spectroscopy) ou à la spectrométrie de masse (ICP-MS, acronyme pour Inductively Coupled Plasma Mass Spectrometry) [49, 58-61].

II.3.3 Caractérisation des particules issues de l’ablation laser

La caractérisation des particules produites par AL a fait l’objet de nombreux travaux afin de comprendre l’influence des paramètres expérimentaux sur la distribution de taille, la forme, la masse de ces particules… [51, 54, 62-66]. Quelques exemples de l’influence de ces paramètres sur le nombre et la taille des particules sont résumés dans le paragraphe suivant : La durée d’impulsion du laser joue un rôle important sur distribution des tailles des particules. L’ablation laser en régime nanoseconde génère deux types de particules : les agrégats (hard agglomerates) constitués de « petites » particules et les particules individuelles. Ces dernières

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présentent des morphologies diverses et des formes irrégulières dont la taille varie de quelques centaines de nanomètre à quelques micromètres. Comme mentionné dans la partie II.2.3, l’efficacité de l’ablation laser en régime nanoseconde peut être améliorée en privilégiant les courtes longueurs d’onde. Sur des matériaux vitreux, il a été montré, que la taille des particules issues d’une ablation nanoseconde à une longueur d’onde de 266 nm, est plus petite (centaines de nm) que celle produite à 1064 nm (1 à 10 µm) [67].

L’ablation laser en régime femtoseconde, quant à elle, génère des agglomérats facilement dissociables et de très fines particules à distribution unimodale, de forme régulière sphérique et de taille allant de quelques dizaines à quelques centaines de nanomètre (10-400 nm) [51, 68, 69].

Par ablation d’un échantillon de laiton avec un laser femtoseconde Ti:Sapphire à 800 nm, Diwakar et al. [62] ont montré que le nombre de particules ablatées croit linéairement avec l’énergie du laser. Dans la même étude, les auteurs montrent que la variation de la durée d’impulsion du laser affecte le nombre de particules ablatées. Pour une durée d’impulsion de 1 ps, le nombre de particules générées était plus important que celui obtenu avec une durée d’impulsion de 40 fs.

En travaillant sur des échantillons métalliques à une longueur d’onde de 266 nm, Gonzalez et al. [51] ont montré une différence significative de la concentration des particules par unité de volume entre une ablation laser en régime nanoseconde (4 ns) et femtoseconde (150 fs). Pour des tailles de particules entre 10 et 400 nm, la concentration de particules générées par laser femtoseconde était largement plus importante que celle générée par laser nanoseconde. Selon les auteurs, étant donné que la mesure des tailles de particules a été réalisée dans la gamme de 10 à 400 nm, il est probable que la majorité des particules ablatées par le laser nanoseconde ait des tailles supérieures à 600 nm.

D’autres études ont porté sur l’influence de la nature, la pression et le débit du gaz environnant dans lequel se déroule l’ablation laser. En comparant deux gaz vecteurs l’hélium et l’argon et durant l’ablation avec un laser nanoseconde, Kuhn et al. [70] ont mis en évidence l’effet de l’hélium sur la réduction des tailles de particules générées. Cependant, Gonzalez et al. [71] ont montré que la nature des gaz environnants n’a pas apporté une influence significative sur la taille de particules émises de l’ablation en régime femtoseconde. En travaillant dans une atmosphère inerte (argon), Pástzi et al. [72] ont montré que la diminution de la pression du gaz (de 10 mbar à 5 mbar) réduit la taille des particules individuelles

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d’argent ablaté de 10 nm à 4 nm environ. D’autres études ont porté sur le débit du gaz environnant : à titre d’exemple, en augmentant le débit d’argon de 1 à 2 L/min, Boulaud et al. [73] montrent une réduction de 200 nm à 80 nm du diamètre des particules de cuivre ablatées avec un laser nanoseconde à 308 nm. Ce comportement a été interprété par un mécanisme d’agglomération défavorisé des particules. Par ablation nanoseconde de couches de peinture déposées sur des substrats en aluminium, Dewalle et al. [35] ont montré qu’en augmentant le débit de l’air dans la cellule, le phénomène d’agglomération de particules est défavorisé. Ceci peut être lié à la dilution du volume dans lequel les particules primaires interagissent pour former les agrégats.

Il est très important de noter, que les exemples donnés dans cette partie ne peuvent pas être généralisés. Comme nous l’avons déjà mentionné, la granulométrie des particules dépend de différents paramètres expérimentaux (laser, matériau, environnement) [51]. La distribution granulométrique des particules ainsi que l’influence des paramètres est spécifique pour chaque essai d’ablation même si de grandes tendances peuvent être dégagées.

II.4 Ablation laser couplée à la spectrométrie de masse à plasma à couplage