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2.3.1 Récepteurs cellulaires des virus Influenza A

Le spectre cellulaire des VIA est notamment défini par la HA. Les virus Influenza A peuvent infecter efficacement des cellules exprimant des récepteurs cellulaires riches en groupements acides sialiques (SA) (Medina and García-Sastre, 2011). Les VIA aviaires ont une spécificité pour les récepteurs possédant des groupements α-2,3-SA. On retrouve ces récepteurs principalement dans les tractus respiratoire et digestif des oiseaux, organes cibles de la réplication virale chez ces hôtes. Les VIA d’origine humaine ont une spécificité pour les récepteurs possédant des groupements α-2,6-SA. Ces récepteurs sont présents le long de l’arbre respiratoire de l’Homme (Nasopharynx, trachée bronches et alvéoles pulmonaires) (Nicholls et al., 2007).Cette spécificité de récepteurs est une première barrière dans le passage des virus aviaires à l’Homme. En effet, les virus aviaires se fixent préférentiellement sur les récepteurs α-2,3-SA. Néanmoins, il a été montré que l’Homme possède également des récepteurs α-2,3-SA dans la partie basse de son arbre respiratoire rendant l’infection possible par des virus aviaires (Shinya et al., 2006).

Chez le porc, les deux types de groupements SA sont retrouvés à la surface des cellules épithéliales de la trachée, expliquant leur susceptibilité élevée aux virus tant aviaires qu’humains.

C’est ainsi que de nouvelles souches de VIA infectant l’Homme ont pu émerger telles que les souches de H5N1 et H7N9, déjà citées (cf. 2.2.1). Cependant ces virus ne sont pas adaptés à l’Homme puisque les cas de transmission interhumaine sont rares voire inexistants. En revanche, l’étude des virus pandémiques du XXème siècle (H1N1 de 1918, H2N2 de 1957 et H3N2 de 1968 (Figure 8)) permet de mieux comprendre l’implication de l’Hémagglutinine dans l’adaptation des virus aviaires à l’Homme leur conférant un pouvoir pandémique (Horimoto and Kawaoka, 2005). Les acides aminés déterminant la spécificité aux groupements α-2,6-SA ou α-2,3-SA diffèrent selon le sous-type de la HA. Ainsi, la HA H3 (A/Aichi/2/1968 (H3N2)) possède une Leucine en position 226 (HA humaine) en lieu et place d’une Glutamine (HA aviaire) ce qui la rend spécifique des groupements α-2,6-SA (Connor et al., 1994). La HA H1 (A/H1N1pdm) possède quant à elle un acide aspartique en position 190 (HA Humaine et porcine) à la place d’un acide glutamique (HA aviaire) lui conférant une spécificité pour les récepteurs de mammifères (Matrosovich et al., 2000).

Les sous-types H5 et H7 quant à eux, ont une très faible affinité pour les groupements SA humains. Cependant, il a été montré par génétique inverse, in vitro, qu’une mutation de la HA (Glutamine remplacée par une Arginine en position 190) permet d’obtenir une affinité de celle-ci pour les groupements α-2,6-SA humains. Le modèle d’infection expérimentale de furets par ce virus mutant montre qu’une transmission par contact direct (Fèces) est possible, contrairement au virus H5N1 sauvage, mais pas par voie aéroportée. En revanche, un virus réassortant possédant une Neuraminidase N2 et les autres gènes du virus mutant précédemment décrit, peut être partiellement transmis par voie aéroportée entre furets (Chen et al., 2012). D’autres mutations de la HA, conférant au virus H5N1 la capacité d’une transmission aéroportée ont également été identifiées. Un virus réassortant dérivé du virus pandémique H1N1 de 2009 possédant une HA H5 est capable de se transmettre par voie aéroportée entre furets avec seulement quatre mutations (Imai et al., 2012).

Ces modifications montrent des changements modestes du mécanisme de transmission mais soulignent l’implication des glycoprotéines de surface HA et NA dans les mécanismes d’adaptation. Néanmoins une voire même deux modifications des protéines de surface du virus ne sont pas suffisantes pour rendre sa transmission interhumaine possible.

L’émergence d’une nouvelle souche de H5N1 pandémique nécessiterait donc plusieurs autres modifications à l’échelle moléculaire (Herfst et al., 2012).

2.3.2 Le complexe polymérase

Les glycoprotéines de surfaces ne sont pas les seuls facteurs viraux responsables de l’adaptation de virus aviaires à l’Homme. Au cours du cycle viral, le virus interagit avec un grand nombre de protéines cellulaires indispensables à sa réplication. Le complexe polymérase, comprenant PB1 (Polymerase Basic 1), PB2 (Polymerase Basic 2) et PA (Polymerase Acid) est considéré comme un facteur essentiel dans la virulence ainsi que la transmission inter-espèce des VIA (Li et al., 2009). Par exemple, parmi les segments codant pour les protéines internes des VIA (PB1, PB2, PA, NP, M et NS), le segment codant pour PB1 est le seul d’origine aviaire chez les virus réassortants pandémiques H2N2 (1957) et H3N2 (1968) (Horimoto and Kawaoka, 2005). En parallèle, une mutation de la protéine PB2 a été identifiée comme étant suffisante et nécessaire à la réplication de VIA aviaires chez un hôte mammifère. Cette mutation est l’apparition d’une lysine en position 627 (région C-terminale) à la place d’un glutamate (E627K) (Subbarao et al., 1993). Cette mutation confère à la polymérase une activité accrue à des températures plus faibles (33-35°C), températures du tractus respiratoire supérieur humain par opposition aux températures du système digestif aviaire (38-40°C). Elle apporte également un avantage lors de la formation des RNP virales : l’appariement des protéines et de l’ARN viral d’origine aviaires est défectueux en cellules humaines. En revanche la présence de la mutation permet une formation correcte des RNP en cellules humaines. De plus, PB2 est impliquée dans le transport du matériel génétique viral vers le noyau en interagissant avec les importines cellulaires. La PB2 aviaire interagit avec les

importines -3 tandis que la PB2 d’origine humaine interagit avec les importines -7. La mutation

E627K permet à une PB2 d’origine aviaire d’interagir avec les importines -7 chez la souris

entrainant une réplication et une virulence accrues (Mänz et al., 2013).

Enfin, des études ont montré que certaines sous-unités de polymérases virales d’origine humaine ne sont pas entièrement compatibles avec d’autres provenant de souches aviaires. Cependant si l’on combine par génétique inverse une PB1 d’origine aviaire et une PB2 d’origine humaine, le

virus qui en résulte aura une très forte activité polymérase (Figure 11). Une activité polymérase

robuste est un facteur crucial pour la création de mutations adaptatives (glissement antigénique,

cf. 2.1.1) surtout dans des conditions de pression sélective telles que l’infection d’un hôte

Néanmoins, la transmission inter-espèce ainsi que l’adaptation des VIA sont multifactorielles. Elles ne dépendent pas uniquement de la séquence protéique des protéines virales mais également de la composition des protéines cellulaires de l’hôte qu’ils infectent.

Figure 11: Effets de la combinaison PB1/PB2 d’origines différentes et selon la température

A : Aviaire (VIA H5N1 A/Indonesia/05/2005) M : Mammifère (VIA H1N1 humain A/WSN/1933). Mesure de l’activité polymérase des RNP virales recombinantes (obtenues par génétique inverse) en cellules humaine (HEK293T) par un système de “Luciferase reporter assay”. D’après (Li et al., 2009)

2.3.3 Les protéines non structurales

Le segment 8 du génome des VIA code pour deux protéines non structurales NEP (Nuclear Export Protein ou NS2) et NS1 (Non structural protein) non-essentielles. Non présentes dans le virion, elles sont exprimées durant la réplication du virus dans la cellule. Le rôle majeur de la protéine NS1 est d’inhiber la réponse immunitaire innée de l’hôte. Elle bloque en particulier la réponse interféron (IFN de types I et II) ainsi que la réponse antivirale des protéines activées par l’IFN (Hale et al., 2008). La protéine NS1 interagit avec de nombreuses protéines cellulaires et par conséquent a de multiples fonctions au cours du cycle viral qui seront détaillées en partie 3 de l’introduction. En ce qui concerne NEP, des travaux récents suggèrent qu’elle joue un rôle important dans l’adaptation des VIA notamment H5N1. En effet, des mutations isolées retrouvées dans la séquence de NEP de VIA H5N1 isolés chez l’Homme semblent suffisantes pour stimuler la synthèse de l’ARN viral par une polymérase d’origine aviaire et ce en cellules humaines. Ce mécanisme a été observé en particulier dans les virus ne possédant pas la mutation E627K de PB2 précédemment décrite (PB2 aviaire) (Joseph et al., 2017; Mänz et al., 2013).

3 La protéine NS1 : un acteur de l’adaptabilité des VIA

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