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I.4. Problématique des micropolluants dans les STEU

I.4.2. Elimination des micropolluants dans les STEU : mécanismes impliqués

I.4.2.2. Mécanismes d’élimination

Comme dans les STEU dites classiques, trois processus peuvent intervenir dans les FPR: la solubilisation, les interactions de surface (sorption et désorption) et les réactions chimiques et biologiques ([Figure I.15). La volatilisation et la sorption consistent à un transfert du micropolluant du compartiment dissous aux compartiments gazeux ou solide, alors que la biodégradation implique une élimination (totale ou partielle si transformation en métabolites) du micropolluant de la phase dissoute ou solide. Plus particulièrement, des premiers éléments sur la sorption des micropolluants sur les boues des STEU ont été abordés (Coquery et al., 2011; Lachassagne, 2015a; Soulier et al., 2011; Verlicchi & Zambello, 2015). Pour certaines de ces études, l’intérêt de prendre en compte la matrice « boue » est de pouvoir distinguer les substances stockées dans les boues de celles transformées lors des traitements (Coquery et al., 2011; Soulier et al., 2011; Vulliet et al., 2014) ou encore de pouvoir évaluer l’aptitude des boues à être valorisées en épandage sur les sols agricoles (Lachassagne et al., 2013).

[Figure I.15] Schéma des mécanismes régissant le devenir des micropolluants (Pomiés et al., 2013).

Dans le cadre de cette thèse, les travaux ont principalement porté sur la couche de boue de surface. Ainsi dans les mécanismes décrits ci-après, une attention plus particulière sera portée sur les mécanismes mettant en jeu directement la phase solide que constitue ce dépôt de surface.

I.4.2.2.1. Adsorption sur la matrice solide

L’adsorption résulte tout d’abord de l’interaction d’une espèce chimique en solution dans un fluide avec la surface d’une particule solide. Dans les FPR, l’adsorption des polluants peut avoir lieu sur les matières en suspension (particules, flocs) contenues dans les eaux usées (Matamaros et al., 2005). Les espèces adsorbées sont alors retenues à la surface du massif filtrant avec les particules support. L’adsorption peut également s’opérer lors de la percolation des eaux usées au travers de la couche de boues puis du milieu filtrant. Le phénomène est généralement réversible et un équilibre tend à s’établir entre adsorption et désorption. L’adsorption s’opère par plusieurs phénomènes, tels que les interactions hydrophobes ou électrostatiques (Helali et al., 2009; Verlicchi & Zambello, 2014). Ce processus contrôle la mobilité des solutés dans les milieux poreux où la phase fluide (généralement de l’eau) est mobile et la phase solide statique.

Cas des ETM

Dans le cas des ETM, la précipitation, la biosorption et la bioaccumulation peuvent s’opérer.

La précipitation est un des principaux mécanismes de rétention des métaux dans les boues. La solubilité des métaux est à l’origine de leur passage de la phase soluble vers la phase particulaire. De plus, selon leur solubilité et leur concentration, les métaux vont être présents de manière plus ou moins importante dans la fraction soluble de l’eau usée et de la boue.

Les métaux peuvent se retrouver impliqués dans des complexes de « sphère externe » ou de « sphère interne ». Dans le cas des « complexes de sphère externe », l’adsorption des métaux ne se fait pas directement avec la surface des particules de la matrice, mais ils sont présents dans une sphère de molécules d’eau enrobant les particules, appelée couche d’hydratation. Dans le cas des « complexes de sphère interne », l’adsorption fait intervenir une liaison chimique forte, sans molécules d’eau interposées. Elle peut se produire entre un ion métallique et un ligand organique et inorganique. On appelle ligand un groupe fonctionnel, un atome ou un ion lié à un groupe central d’atomes ou d’ions. On parle alors de complexation ou de chélation.

La biosorption est un processus qui consiste en la rétention des ions métalliques sur les matériaux solides d’origine biologique (Pagnanelli et al., 2009; Yuncu et al., 2006).

La bioaccumulation peut également intervenir mais de manière moins significative dans la rétention des métaux (Guibaud et al., 2005). Il s’agit de l’interaction active entre les cellules et les ions métalliques qui peuvent pénétrer à l’intérieur de celles-ci.

Cas des micropolluants organiques

Pour évaluer la sensibilité de ces composés à se sorber, deux paramètres peuvent être utilisés : Kow et Kd. Le Kow est le coefficient de partage octanol-eau, généralement utilisé sous forme de son log. Il exprime le caractère hydrophobe d’une substance et est un indicateur de sa propension à être adsorbée sur des matières organiques (Rogers, 1996). Plus la valeur du log Kow est grande, plus la substance possède une affinité avec l’octanol, affinité supposée de même nature que celle impliquée dans les interactions hydrophobes micropolluants / POM (Tableau I.8). Les équilibres d’adsorption dépendent des caractéristiques des surfaces solides, de l’espèce considérée, ainsi que des conditions de milieu (pH, Eh, etc.) qui peuvent modifier l’état des surfaces ou du soluté. Par exemple, le pH peut modifier l’état d’ionisation de certains groupes atomiques (acides ou amines notamment) et ainsi modifier l’affinité d’une substance donnée avec l’eau d’une part et avec la POM d’autre part.

Par ailleurs, le coefficient Kd est également un coefficient important pour exprimer la sorption d’une substance (Pomiés, 2013). Il est le rapport entre la concentration en micropolluant retenu sur la phase particulaire et celle subsistant en phase dissoute à l’équilibre.

Kd= Cs

Caq (Eq. 3)

Avec : à l’équilibre, Cs : concentration du composé adsorbé (µg.g-1) et Caq : concentration du composé en phase aqueuse (µg.L-1).

Comme le log Kow, il a été déterminé des gammes de valeur pour le Kd afin d’exprimer le potentiel de sorption du composé (Tableau I.8).

La composition de la matière organique est aussi très importante dans la sorption des polluants. La nature et le nombre des groupements fonctionnels à sa surface, dont l’état est lié au pH, contrôlent la sorption. Dans le cas de la MO d’origine naturelle, les composés carboxyliques et phénoliques sont généralement majoritaires. La capacité d’adsorption de la MO est ainsi liée au nombre de groupements fonctionnels porteurs d’atomes d’oxygène. Enfin, le degré d’aromaticité de la MO peut également influencer l’adsorption des composés hydrophobes à sa surface (Xing, 1997 ).

I.4.2.2.2. Autres phénomènes mis en jeu

Certains composés peuvent subir une volatilisation, ou être transformés en produits volatils. Ils peuvent alors être exportés du milieu par transport de matière vers la phase gazeuse Lorsque le composé est initialement en solution, l’équilibre avec la phase gazeuse est régi par la loi de Henry. Plus la constante de Henry est élevée, plus le transfert en phase gazeuse sera favorisé (Tableau I.8). D’une manière générale, ce processus est cependant marginal par rapport aux autres phénomènes (Nikolaou et al., 2007).

des cas, les concentrations en micropolluants sont trop faibles et la dégradation s’opère alors par cométabolisme par des communautés microbiennes non spécifiques (Pomiès et al., 2013). La biodégradation peut être totale ou ultime (on parle alors de minéralisation), ou partielle avec libération de métabolites, qui restent également un enjeu majeur dans l’élimination des micropolluants (Dordio & Carvalho, 2013; Li et al., 2014). En effet, ils peuvent être plus toxiques que le composé initial.

La biodégradation des micropolluants est essentiellement observée en conditions aérobies, en présence simultanée de carbone biodégradable et d’azote ammoniacal, mais elle peut s’opérer en conditions anaérobies pour certains composés (Li et al., 2014). La biodégradabilité des micropolluants est favorisée s’ils se trouvent dans la phase dissoute (Pomiès, 2013). En outre, ces composés avec une structure simple et une solubilité importante dans l’eau seront plus enclins à la dégradation par les microorganismes, du fait de leur biodisponibilité et éventuellement de la similarité de ces composés avec ceux utilisés naturellement par les microorganismes comme source d’énergie. Cependant, les résidus médicamenteux sont des molécules souvent complexes et parfois toxiques et seront dégradés de manière plus lente (Dua et al., 2002). Dans le cas des détergents, la biodégradation primaire fait perdre à la molécule sa tensioactivité mais ne l’élimine pas totalement du milieu (Yazid, 2010). Pour évaluer la biodégradabilité d’un composé, Suarez et al. (2008) ont défini une échelle basée sur la constante cinétique de biodégradation kbiol (Tableau I.8).

Les phénomènes de biodégradation et de volatilisation sont susceptibles de se produire exclusivement pour les micropolluants organiques.

Tableau I.8 : Prépondérance relative de différents processus selon les valeurs de certaines constantes caractéristiques

Transfert gazeux BIODEDEGRADATION ADSORPTION

Constante de

Henry (H) biodégradation (kbiol) Constante de

Log Kow Log Kd Kd

atm.m-3.mol-1 (L.gMES-1.j-1) L.kg-1

Faible potentiel <10-4 (1) <0,1(2) <2,5(1) <2(3) <300(5) < 2.67(4) < 500(4) Fort potentiel >10-4 (1) >10(2) >4(1) >4(3) >2,67(4) >500(4) (1)Rogers, 1996

(2)Suarez et al., 2008 ; Joss et al., 2006 (3)Clara et al., 2004

(4)Ternes & Joss, 2006 (5)Joss et al., 2005

Enfin, il faut noter que le degré de contribution de ces mécanismes dépend de nombreuses variables telles que des caractéristiques des eaux usées entrantes (pH, MO dissoute), des conditions opératoires (temps de séjour des eaux, aération, mode d’alimentation, etc.) et environnementales (température, humidité, etc.) (Bo et al., 2015; Dordio & Carvalho, 2013; Lachassagne et al., 2015) ou encore des propriétés physicochimiques des polluants (structure moléculaire, polarité, pKa, solubilité dans l’eau, log Kow, volatilité et stabilité chimique) (Dordio & Carvalho, 2013; Lachassagne, 2015a).

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