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Chapitre I : Etat de l’art

IV- Frittage de poudres en phase solide

IV.1. Mécanisme de frittage sans fusion

Le frittage naturel92,93 consiste à consolider et à densifier un matériau sous l’effet de la température uniquement. Les phénomènes physiques pour aboutir à un matériau dense sont activés thermiquement, il s’agit de phénomènes de diffusion de la matière. Le processus de frittage est contrôlé par la diffusion de matière, et sa vitesse est limitée par les atomes ayant le coefficient de diffusion le plus faible (dans UO2, l’uranium est l’atome qui a le coefficient de

diffusion le plus faible). Quatre types de diffusion de matière sont possibles, l’apport de matière peut provenir soit du grain lui-même (diffusion en surface ou superficielle, en volume ou par évaporation condensation), ou bien du joint de grain (diffusion aux joints de grains ou en volume). Les phénomènes de diffusion lorsque la matière provient du grain lui-même, sont consolidant mais pas densifiant, en revanche, lorsque la matière provient du joint de grain, une consolidation et une densification ont lieu.

La Figure 18 présente les trois grandes étapes qui caractérisent la densification d’une céramique par frittage en fonction de la densification relative. A l’instant initial, les pièces à

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cru ont une densité relative comprise entre 0,4 et 0,694. Industriellement, les crus UOX et MOX sont obtenus par pressage uniaxial (150-500 MPa)95. Cette étape a une influence sur le processus de frittage. La morphologie de la poudre influe sur le taux de compaction. Une distribution granulaire favorable à un bon empilement va favoriser la première étape du frittage, ainsi que la densification et le grossissement granulaire.

Figure 18. Modélisation de l’évolution de la densité relative au cours des étapes de frittage92

La première étape du frittage est caractérisée par la formation et la consolidation de ponts solides entre les grains (futurs joints de grains). Cette étape non-densifiante s’effectue par des mécanismes de transport de matière tels que la diffusion en phase gazeuse (processus d’évaporation-condensation) ou par diffusion superficielle (Figure 19). Lors de cette étape, la résistance mécanique du compact va augmenter mais pas sa densification (absence de retrait). L’étape de formation des joints de grains est terminée pour une densité relative d’environ 0,65 à 0,70, qui peut même dans certains cas être obtenue dès la compaction initiale (comprimé). Dans le cas d’UO2, lors de la formation des ponts, la matière provient de la surface des grains

et le transport de matière des grains vers le pont se fait préférentiellement par diffusion superficielle (flèche 2). Les grains se soudent, la densité n’évolue pas mais la taille des pores augmente car la matière en provient.

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Figure 19. Différents types de diffusions lors de la formation des joints de grains avec apport de matière par la surface des grains. Diffusion gazeuse par évaporation condensation (1), par diffusion en surface (diffusion superficielle) (2) et diffusion

en volume du grain vers le joint de grain (3)

La seconde étape consiste à la densification (l’élimination de la porosité ouverte). Dans cette étape, la densification est en compétition avec la consolidation, la prédominance de l’un ou l’autre des phénomènes est définie par des coefficients de diffusion aux joints de grains, (pour les phénomènes densifiants : diffusion en volume et éventuellement écoulement visqueux et pour les phénomènes non-densifiants : diffusion en surface et par évaporation condensation) et de la courbure de la surface libre des particules. Lors de la densification, la matière via la diffusion en volume principalement, est transférée au contact entre deux particules à partir du centre du grain en formation (Figure 20, flèche 5) donc les barycentres des particules initiales se rapprochent. A l’inverse la diffusion en surface transfère de la matière le long de la surface de particules sans rapprochement des particules (diffusion depuis le joint de grains via la surface Figure 20 flèche 4). Le grossissement des ponts engendre la réduction des pores et un rapprochement des particules conduisant ainsi à la densification du matériau. Cette étape est aussi celle de l’initiation de la croissance granulaire (fusion des joints de grains). A la suite de cette étape, le réseau tridimensionnel de pores n’existe plus, seuls des pores isolés demeurent (idéalement à l’intersection de grains, mais possiblement au cœur d’un grain lorsqu’il y a séparation entre le joint de grains et le pore). A ce stade, la densité relative est de l’ordre de 92 %. Cette étape de densification peut être vue comme l’étape déterminante du frittage, elle est fortement dépendante de la pureté de la poudre à densifier (ancrages et limitation de la diffusion dus à des impuretés) mais aussi de l’atmosphère du four qui peut induire un frittage réactif.

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Figure 20. Diffusion aux joints de grains (4) et diffusion en volume (depuis les joints de grains) (5)

Le dernier stade du frittage consiste en l’élimination de la porosité résiduelle et de la fin de la croissance granulaire. Cette étape est contrôlée par la diffusion en volume ou aux joints de grains. Lors de l’élimination de la porosité, les pores sont localisés aux joints de grains, ils exercent une force sur les joints de grains. Cette force tend à déplacer les pores dans le sens de déplacement du joint de grain96. Plus les pores sont petits, plus ils vont être mobiles. Lorsque

les pores et les joints de grains ont des vitesses de déplacement différentes, des pores intragranulaires sont formés. La diffusion en volume est plus lente que la diffusion aux joints de grain, de ce fait, la porosité intragranulaire est difficilement résorbable. En cas de vitesse de déplacement identique, des pores vont rentrer en collision et s’assembler en même temps que la croissance des grains (Figure 21) impliquant la résorption de celle-ci et une croissance granulaire. L’existence d’un rayon de courbure entre un petit grain et un gros grain (dans le joint de grain), implique une mise en compression de la matière du côté du petit grain (déformation plastique souvent appelée écoulement visqueux). Ce gradient de contraintes induit un flux de matière du petit grain vers le gros, le petit grain disparait au profit du plus gros grain.

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Hansen et al97 ont développé un modèle permettant de décrire l’ensemble de la densification en prenant en compte les trois étapes décrites précédemment en une seule équation : 𝑑𝜌 𝑑𝑡 1 3𝜌= 𝛾𝛺 𝑘𝑇( 𝛤𝑣𝐷𝑣 𝑑3 + 𝛤𝑏𝛿𝐷𝑏 𝑑4 )

Où 𝜌 est la densification relative, Ω le volume atomique, K la constante de Boltzmann,

ɣ l’énergie de surface, d la taille moyenne des grains, et Dv et Db, les coefficients de diffusion

en volume et aux joints de grains respectivement. Γ sont des constantes qui relient les coefficients de diffusion au matériau.

Su et al98 ont déterminé une équation reliant la vitesse de densification instantanée dans

le cas d’un mécanisme de diffusion prédominant.

𝑑𝜌 3 𝜌𝑑𝑡=

𝛾𝛺(𝛤(𝜌))𝐷0

𝐾𝑇(𝑑(𝜌))𝑛 𝑒−𝑄/𝑅𝑇

Où Q est l’énergie d’activation, R la constante des gaz parfaits, D0 = (Dv)0 et n = 3 pour

la diffusion en volume et D0 = (δDb)0 avec n = 4 lors de la diffusion aux joints de grain. Dans

cette dernière équation, on suppose que d et Γ dépendent uniquement de la densité. Cette dernière équation permet de déterminer l’énergie d’activation pour une valeur de ρ par méthode graphique.