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Partie 1 : La polyarthrite rhumatoïde

A. Inflammation de la membrane synoviale et populations cellulaires impliquées

2. Les lymphocytes T

Différentes études ont mis en évidence le rôle crucial des lymphocytes T dans la PR (McInnes and Schett, 2011). Chez les patients, la proportion de lymphocytes T auto-réactifs serait plus

élevée que chez les sujets sains. Dans le thymus, les lymphocytes T qui reconnaissent les peptides du soi associés aux molécules du CMH, subissent une délétion clonale par apoptose. Cependant, chez les patients atteints de PR, cette sélection thymique dite négative est altérée, ce qui explique le nombre élevé de lymphocytes T auto-réactifs en périphérie. De plus, dans la synoviale rhumatoïde, le taux de lymphocytes Th1 est particulièrement important.

Les lymphocytes T expriment à leur surface des récepteurs spécifiques, le TCR (T Cell Receptor). Chez l’homme, ces lymphocytes expriment très majoritairement les chaînes α et β du TCR. L’activation des lymphocytes Tαβ par les peptides dont ils sont spécifiques nécessite

l’interaction avec le CMH (« restriction par le CMH »). Une faible proportion de lymphocytes T exprime les chaines γ et δ du TCR. Contrairement aux Tαβ, la reconnaissance des antigènes

par les lymphocytes Tγδ n’est pas restrainte par le CMH. Des études ont mis en évidence le rôle pathologique des lymphocytes Tγδ dans la PR. En effet, les patients atteints de PR ont

beaucoup de Tγδ infiltrés dans leurs membranes synoviales et ont une inflammation tissulaire accrue en comparaison avec des patients ayant peu de ces cellules (Jacobs and Haynes, 1992).

Parmi les lymphocytes Tαβ, on distingue deux sous-populations : celles qui expriment le co-récepteur CD4 et celles qui expriment CD8. Les lymphocytes T CD4+, nommés aussi T auxiliaires (Th), ont pour rôle principal la régulation des autres cellules de l’immunité, soit par contact direct avec ces cellules, soit par sécrétion de cytokines. Les lymphocytes T CD8+ sont des cellules cytotoxiques capables de tuer des cellules cibles, après activation. Des expériences menées sur des modèles animaux ont mis en évidence le rôle majeur des lymphocytes T. Dans un modèle d’arthrite induite par adjuvant, le transfert de cellules T spécifiques entraine le développement de cette maladie chez des animaux naïfs (Cohen et al., 1985).

Les lymphocytes T CD4+ jouent un rôle essentiel dans l’initiation et le contrôle de la réponse immunitaire. Les lymphocytes T CD4+ activés infiltrent fortement la membrane synoviale des patients atteints de PR. Ces lymphocytes orchestrent à la fois l’inflammation locale et

l’infiltration cellulaire desquelles vont découler d’autres événements inflammatoires.

Parmi les lymphocytes T CD4+, on distingue plusieurs sous-populations en fonction du profil

cytokinique qu’elles produisent après activation. Les Th1 se différencient sous l’action de l’IL-12 et elles secrètent des cytokines pro-inflammatoires telles que l’IL-2, l’IFN-γ et la lymphotoxine α (LT-α). Ces cellules se développent préférentiellement au cours d’infections par les bactéries intracellulaires et dans l’hypersensibilité cutanée retardée. Les lymphocytes Th1 ont pour rôle principal l’activation des macrophages qui produisent à leur tour des radicaux oxygénés libres et de l’oxyde nitrique qui sont des éléments essentiels dans la réponse anti-bactérienne. De plus, les Th1 stimulent la fonction de phagocytose et accroissent la capacité des macrophages à présenter l’antigène en augmentant le CMH de classe II.

Dans une PR établie, les Th1 produisent de l’IFN-γ et du TNF-α mais aussi de l’IL-10. Des études ont démontré qu’au stade précoce de la pathologie une corrélation existe entre la fréquence en lymphocytes T producteurs d’IFN-γ et l’activité de la maladie, démontrant ainsi

le rôle essentiel des Th1 dans l’initiation de cette pathologie (Kanik et al., 1998).

Les lymphocytes Th2 sont capables d’activer l’immunité humorale et jouent un rôle dans la protection contre les pathogènes extracellulaires (figure 4). Ils se différencient sous l’action de

l’IL-4 et produisent des cytokines anti-inflammatoires telles que l’IL-4 ou l’IL-10. La différenciation de cette sous population sous l’effet des cytokines implique la transduction de signal via STAT6. En effet, des études in vitro ont démontré que l’activation de STAT6 est nécessaire à la forte expression du gène régulateur des Th2, GATA-3 (Kurata et al., 1999).

Les Th2 prédominent après une infection par certains pathogènes tels que les nématodes gastro-intestinaux et les helminthes. Ces lymphocytes ont un rôle anti-inflammatoire qui passe par la production des cytokines anti-inflammatoires : l’IL-4, l’IL-5, l’IL-13, l’IL-9, l’IL-10,

l’IL-25.

Les Th1 et Th2 se régulent mutuellement. Le facteur de transcription T-bet exprimé par les

Th1 inhibe l’action de GATA-3 par liaison directe, empêchant ainsi la différenciation des Th2 (Hwang et al., 2005). Un effet inverse existe puisque GATA-3 en diminuant la signalisation via STAT-4 et le récepteur β2 à l’IL-12, inhibe la différenciation des Th1 (Usui et al., 2003). Par ailleurs, les Th1 sécrétent de l’IFN-γ qui inhibe la prolifération des Th2. Réciproquement, les cytokines IL-4 et IL-6 agissent sur les T naïfs en bloquaent leurs différentiations en Th1. Dans la PR, les patients développent de faibles réponses Th2. Par conséquent, la réponse Th1

n’est pas modulée au début de la maladie et entraîne sa persistance et une évolution vers une inflammation chronique (Skapenko et al., 1999).

Figure 4 : Effet des cytokines dans la différenciation des lymphocytes Th1 et Th2

l’APC (signal mitogénique transduit par le TCR et reconnaissance des molécules de co-stimulation), peuvent conduire à la différenciation des Th0 en lymphocytes Th1 ou Th2.