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Lutte aux populations de roseau bien établies

Chapitre 4 : Discussion générale et recommandations

4.1 Lutte aux populations de roseau bien établies

Aux États-Unis, où la présence du roseau est bien affirmée dans les milieux humides de la côte est (Chambers et al., 1999), la plante fait l’objet de mesures de gestion depuis plusieurs décennies (Riemer, 1976) et récemment, il a été estimé que les mesures de lutte qui lui sont consacrées coûtent plusieurs millions de dollars annuellement (Martin et Blossey, 2013). Ces mesures de gestion sont typiquement entreprises avec l’épandage d’herbicides (Kettenring et al., 2012; Martin et Blossey, 2013). Cependant, l’utilisation d’herbicides ne fait pas toujours consensus (Teal et Peterson, 2005) et est interdite ou restreinte dans plusieurs contextes, notamment à proximité des milieux humides où se trouve souvent le roseau. Pour la gestion des roselières de grande envergure, l’épandage d’herbicides est néanmoins souvent la seule option qui puisse être considérée au plan opérationnel. La donne est toutefois différente pour les populations de roseau de faible envergure, où l’échelle des interventions pourrait permettre d’envisager l’utilisation d’alternatives autrement trop dispendieuses. Ces alternatives sont cependant peu documentées et comportent le plus souvent d’importantes limites les rendant très onéreuses ou difficilement applicables (Hazelton et al., 2014). La lutte aux petites populations de roseau a toutefois une bien meilleure probabilité d’éradication et devrait être une priorité des gestionnaires (Moody et Mack, 1988), ce qui justifie la recherche de solutions à ce sujet.

Dans ce projet de recherche, le potentiel de quatre méthodes de lutte aux petites populations de roseau bien établies a été étudié : l’excavation avec enfouissement sur place, le bâchage, l’excavation avec enfouissement sur place combinée au bâchage, et la fauche répétée. Une méthode additionnelle a été testée afin de traiter les tiges éparses de roseau après les traitements initiaux, soit le badigeonnage manuel

L’excavation avec enfouissement sur place est une méthode visant à excaver l’ensemble du roseau et à enfouir les résidus sur le site même, sous un remblai de terre saine excavé sous le roseau initialement présent. Basée sur l’excavation mécanique, une approche reconnue comme étant efficace pour l’élimination complète du roseau (Hazelton et al., 2014), cette méthode novatrice a été étudiée afin de déterminer si sa mise en œuvre pouvait mener à l’éradication des populations de roseau visées, tout en éliminant les coûts habituellement liés au transport et au traitement des résidus d’excavation. Les résultats des tests ont donné lieu à une réduction des tiges de roseau d’environ 99 %, ce qui est supérieur ou comparable aux résultats attendus suite à une application d’herbicide par pulvérisation (Derr, 2008b, 2008a; Back et al., 2012). En combinant le traitement avec un suivi efficace sur les repousses de roseau, tout porte à croire que cette méthode a le potentiel de mener à l’éradication des populations traitées. Le bâchage a été testé avec l’application de toiles opaques sur des populations de roseau pendant une période d’environ une année. Les résultats de ce traitement ont montré que la méthode a entraîné une réduction significative de la densité des tiges et du couvert de roseau, sans toutefois permettre d’entrevoir l’éradication de la plante, ce qui est similaire aux résultats obtenus dans d’autres études où le bâchage a été testé (Boone et al., 1987; Kettenring et al., 2013). On peut présumer qu’en appliquant le traitement sur une plus longue période l’effet serait probablement accentué. Ceci représenterait une option d’intérêt aux endroits où les herbicides ne sont pas permis et où l’utilisation de machinerie est compliquée, par exemple près de cours d’eau et de milieux humides. En comparaison à la méthode d’excavation avec enfouissement sur place, après laquelle une revégétalisation immédiate peut être effectuée, le bâchage entraîne par ailleurs un délai considérable dans l’éradication du roseau ainsi que dans les efforts de restauration à effectuer.

La combinaison de l’excavation avec enfouissement sur place avec le bâchage a également été testée. Les résultats ont montré une réduction de la densité des tiges de roseau quelque peu supérieure à celle obtenue suite au traitement d’excavation avec enfouissement sur place sans bâchage. Dans les deux cas, toutefois, la densité des tiges s’est avérée suffisamment basse pour qu’un suivi manuel des repousses soit envisageable. Dans la pratique, compte tenu des efforts additionnels associés au bâchage, l’utilisation de cette méthode n’est donc probablement pas justifiée.

La fauche répétée a également été testée, à raison de cinq fauches par saison de croissance pendant deux années. Les résultats obtenus ont montré une efficacité mitigée du traitement contre le roseau, du moins à court terme. En effet, après la première année, le traitement a entraîné une réduction significative du couvert occupé par le roseau, mais la densité des tiges n’a pas été significativement affectée selon les résultats des tests statistiques, bien que la densité moyenne des tiges suite au traitement s’est avérée

environ trois fois supérieure à celle du témoin. Une grande variabilité dans les résultats explique les conclusions de l’analyse statistique et une hausse de la densité des tiges, à court terme, aurait été prévisible selon les résultats d’études antérieures (Valkama et al., 2008). Après une année de traitement, il est donc difficile d’affirmer que la fauche a eu une quelconque efficacité sur la vitalité des populations traitées. Suite à la seconde année de traitement, la densité des tiges et le recouvrement de roseau ont toutefois diminué, ce qui suggère un certain affaiblissement du roseau. Il est toutefois impossible, avec ces résultats, de dire s’il est envisageable d’éradiquer le roseau ainsi, ou bien de prédire le nombre d’années de traitement qui seraient nécessaires afin de diminuer la dominance de la plante au point où un traitement manuel des repousses soit possible. Quoi qu’il en soit, la méthode représente néanmoins une option permettant de limiter la croissance végétative de la plante tout en réduisant la quantité de semences disséminées vers de nouveaux sites, ce qui pourrait contribuer à maintenir les populations visées sous contrôle (Carlson et al., 2009).

La méthode de badigeonnage manuel d’herbicide a été testée afin d’éradiquer les tiges de roseau éparses tout en réduisant au minimum les risques d’effets hors cible associés à l’utilisation d’herbicides. Les résultats obtenus ont fait état d’une réduction de la densité des tiges traitées de l’ordre de 79 %, ce qui est supérieur ou comparable à d’autres méthodes telle l’application d’herbicide par méchage, l’application d’herbicide par égouttement dans des tiges coupées ou l’arrachage manuel (Kay, 1995; Breen et al., 2014; Coupal, 2014). Cette méthode novatrice représente donc une avenue efficace afin de traiter les repousses de roseau éparses après un traitement initial, et pourrait également être appliquée sur des jeunes populations nouvellement détectées.