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Longueurs caractéristiques

H L

(a) (b) (c)

Figure 4.1: Un lamelle élastique, de longueur L, est plongée dans un liquide à un niveau H. Trois cas de figure sont illustrés : (a) la lamelle est complètement rigide et ne se déforme pas. (b) la lamelle se déforme avec une courbure repartie de manière quasi uniforme. (c) la lamelle se déforme avec une courbure concentrée en un point.

Considérons une lamelle élastique à section rectangulaire, de longueur L, d’épaisseur e et de largeur w. On note E son module de Young et I le moment quadratique de la section. Imaginons que la lamelle flotte à la surface de l’eau, et qu’on cherche à la plonger verticalement à l’intérieur du liquide : que se passe-t-il ? La figure4.1 montre trois différents cas de figure. Limitons-nous, pour simplifier, à considérer une lamelle qui est plongée à un niveau H ∼ L. Si la lamelle est complètement rigide, cas (a), elle plonge dans l’eau sans se déformer : l’énergie d’un tel système est purement hydrostatique et vaut E(a) ∼ ρg LH2w ∼ ρg L3w. Le cas opposé est celui d’un

système où l’eau n’est pas déplacée et où la seule énergie en jeu est élastique. La configuration (c) représente cette limite : ici toute l’énergie élastique est concentré en un point. Ce cas est difficilement exploitable du point de vue de l’analyse dimensionnelle. On montre alors en (b) une approximation où l’énergie élastique est uniformément repartie le long de la lamelle. Si on néglige le volume d’eau déplacé, l’énergie du système s’écrit E(b)∼ EI L/L2 ∼ EI/L.

4.2. Longueurs caractéristiques 61 Si on compare l’énergie du cas (a) avec celle du cas (b) on peut trouver une longueur carac-téristique :

 EI

ρg w

1/4

= Lref (4.1)

Cette longueur de référence Lref, qui compare la charge hydrostatique à la rigidité du système, sera appelée dans la suite longueur élasto-hydrostatique, et notée Leh. Cette longueur apparait déjà dans le travail de H. Hertz sur la déformation des plaques flottantes, et elle est reprise par A. Föppl dans son traité de mécanique des plaques (Hertz,1884;Föppl,1897).

On comprends alors qu’une lamelle de longueur L ≫ Leh sera facilement déformée par la pression hydrostatique, alors qu’une lamelle de longueur L ≪ Leh sera très peu déformée par la pression hydrostatique. On peut facilement relier Leh à d’autres longueurs caractéristiques déjà introduites : Leh= EI ρg 1/4 = EI γ γ ρg 1/4 =L2ecL2gc1/4=qLecLgc . (4.2) Cette définition de la longueur élasto-hydrostatique est moins précise que celle de la longueur élasto-capillaire. En effet au premier chapitre (dans la figure 1.4) on avait facilement distingué deux états pour lesquels l’énergie était purement capillaire ou purement élastique. Ici, dans le cas (b) de la figure 4.1 l’énergie du système n’est pas purement élastique, car on a négligé le volume liquide déplacé.

γ γ

ρg ρg

Figure 4.2: Une lamelle élastique plongée dans un liquide. Elle est déformée par l’action de la tension de surface, γ, et par l’action de la pression du liquide, proportionnelle à ρg.

On ajoute maintenant la contribution de l’énergie de surface dans l’analyse dimensionnelle. Imaginons encore une fois une lamelle qui est plongée dans un liquide (figure 4.2) : quelle force est responsable de sa déformation ? On vient de voir que le rôle de la force hydrostatique dans la déformation est gouverné par le rapport L/Leh. D’un autre côté, on a déjà vu dans les chapitres précédents que l’importance de la force capillaire sur une structure allongée est gouvernée par le rapport L/Lec. On peut en conclure que le rapport de force entre pression hydrostatique et tension de surface est gouverné par le rapport Leh/Lec. On pose Leh/Lec = ζ et on a que :

si ζ ≫ 1γ domine

4.3 Le dispositif expérimental

4.3.1 Une cellule de Hele-Shaw

Nous avons réalisé toutes les expériences à l’intérieur d’un réservoir rigide dont les dimensions rappellent celles d’une cellule de Hele-Shaw. Le réservoir est constitué de deux plaques carrées en verre, de 25 cm de côté, séparées par un joint de caoutchouc d’épaisseur 5 mm (figure4.3).

Figure 4.3: Photographie du montage expérimental. Le réservoir est constitué de deux plaques en verre, séparées par un joint en caoutchouc. Une lamelle est encastrée dans le joint et est posée sur l’interface eau-air. A l’aide d’une seringue on peut choisir la hauteur de l’interface par rapport à l’encastrement.

Une coupure est réalisée dans le caoutchouc de manière à constituer un encastrement. Le réservoir est ouvert en haut, et rempli d’eau jusqu’au niveau de l’encastrement. Une lamelle est ensuite fixée dans l’encastrement et posée à l’interface eau-air, de manière à être complètement horizontale. Ensuite, à l’aide d’une seringue, on aspire l’eau du réservoir de façon quasi-statique. Le niveau d’eau descend, mais le point de contact entre l’interface et la lamelle reste accroché à l’extrémité de la lamelle si celle-ci est fabriquée avec un matériau hydrophobe. On observe alors la formation d’un ménisque capillaire à l’extrémité de la lamelle.

La figure4.4 clarifie les notations employées dans la suite. On introduit un repère cartésien centré sur l’encastrement : l’axe X est orthogonal à l’encastrement et l’axe Y est orienté selon la direction verticale. La lamelle a une longueur L, une largeur w et une épaisseur e. Le réservoir a une largeur d et une longueur D, avec d ≪ D (cellule de Hele-Shaw). D est en général beaucoup plus grand que L, ce qui permet de considérer l’interface eau-air loin de la lamelle comme semi-infinie. La différence entre le niveau de l’encastrement, Y = 0, et le niveau de l’interface eau-air (loin de l’encastrement) est noté H.

4.3.2 Les matériaux employés

On a employé deux matériaux différents pour construire les lamelles. On a d’abord utilisé des feuilles de polyéthylène téréphtalate (PET, un polymère connu aussi sous le nom commercial de Mylar). Les lamelles ont été découpées directement à partir des rouleaux disponibles en commerce avec différentes épaisseurs.

4.3. Le dispositif expérimental 63 L X Y Z d H w D

Figure 4.4: Schéma du dispositif expérimental, montré dans la figure 4.3, qui clarifie les notations employées. La lamelle a une longueur L et une largeur w. La hauteur totale du ménisque élasto-capillaire est notée H.

généralement comme moule dans les applications odontologiques. Ce matériau est obtenu par réticulation à partir du polymère liquide et d’un agent réticulant. Pour notre application, on laisse le mélange se solidifier à l’intérieur de deux plaques rigides, parallèles et espacées de façon à contrôler précisément l’épaisseur de la feuille polymérisée qui se solidifie entre les plaques. La lamelle est ensuite découpée dans la feuille avec un scalpel.

Toutes les expériences présentées dans la suite se réfèrent à trois types de lamelles, qu’on désigne par commodité par : Mylar fin, Mylar épais et PVS.

Pour mesurer les propriétés physiques des lamelles, on procède de la manière suivante. On fabrique une feuille carrée de 10 cm de côté qu’on pèse sur une balance de précision : le rapport entre la masse et l’aire de la feuille représente la masse surfacique de la feuille, ρse. On coupe

ensuite une lamelle directement sur cette feuille.

Afin de mesurer le module de rigidité, on réalise une épreuve de vibration : on place la lamelle dans une configuration encastré-libre et on l’excite de façon impulsionnelle. On mesure, à partir d’une vidéo avec la caméra rapide, la fréquence f de vibration de la lamelle. Cette fréquence est liée aux propriétés du système par la relation (Landau & Lifshitz,1970) :

f = 3.52

2πL2

s

EI

ρsew (4.3)

On peut alors inverser cette relation pour obtenir la valeur de EI. Cette technique permet d’obtenir le module de rigidité EI sans avoir à mesurer directement l’épaisseur de la lamelle.

Le tableau 4.1 résume les caractéristiques des trois lamelles qui sont utilisées dans le reste du chapitre.

Matériau ρse (kg/m2) EI/w (Nm) Lec (mm) Leh (mm) ζ

Mylar épais 0.486 1.76 · 10−2 494.3 36.6 0.07 Mylar fin 0.104 1.71 · 10−4 48.7 11.5 0.24

PVS 0.661 1.74 · 10−5 15.5 6.5 0.48

Table 4.1: Tableau récapitulatif des propriétés physiques et des longueurs caractéristiques (par rapport à l’eau) des trois lamelles employées dans les expériences.