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La caldera de Long Valley, située dans la Sierra Nevada californienne, est une grande dépression elliptique de 17 km en nord-sud par 32 km en est-ouest. Elle est localisée à la terminaison nord du graben d'Owens Valley de direction NNW-SSE (Fig. 1.9). Il s'agit d'un système en transtension associé à la zone de cisaillement Est-californienne (ECSZ), en bordure ouest du système extensif des Basin and Range.

Le volcanisme autour de Long Valley a débuté aux alentours de 3,6 Ma. Entre 2,1 et 0,8 Ma, des éruptions de laves rhyolitiques ont édifié la Glass Mountain, aujourd’hui localisée sur la bordure nord-est de la caldera (Fig. 1.10 ; Bailey, 1989). La formation de la caldera de Long Valley a un âge estimé à 760 000 ans (Van den Bogaard et Schirnick, 1995) et résulte de l’éruption de 600 km3 de magma rhyolitique ayant constitué le Bishop Tuff. Ces dépôts ont recouvert une surface de 1500 km2, avec une épaisseur approchant les 200 m par endroits (Bailey et al., 1976; Bailey, 1989). On peut retrouver des retombées pliniennes continues liées à cette éruption jusqu’à plus de 1000 km à l’est de la caldera. Certaines coulées de cendres déversées à l’intérieur de la caldera ont accumulé une épaisseur de dépôts allant jusqu’à 1500 m d'après les données de forage (Smith et Rex, 1977; Gambill, 1981).

Figure 1.9: Carte topographique à la limite Californie (CA)-Nevada (NV) et contexte tectonique général de la caldera de Long Valley (LVC) et de la chaîne volcanique des Mono-Inyo (MIVC), d'après Hill (2006). Les lignes noires indiquent les failles quaternaires majeures. En rouge est indiquée la ligne de rupture relative au séisme de 1872 (M=7.2). Les flèches blanches indiquent le sens de déplacement de part et d'autre des bandes de cisaillement: ECSZ = Eastern California Shear Zone, MD = Mina Deflection, WL = Walker Lane. Encart: localisation générale de la carte, faille de San Andres (SAF) et système d'extension des Basin and Range.

Pendant des dizaines de milliers d’années après sa formation, les éruptions ont continué à l’intérieur d’une caldera de 2 à 3 km de profondeur. Les éruptions pyroclastiques de la période post-caldera précoce ont formé une séquence épaisse de tufs lités. Elles furent suivies par l’extrusion de coulées fluides d’obsidienne connues sous le nom de rhyolites précoces. Dans le même temps, un soulèvement arqué du plancher de la caldera a formé un dôme résurgent d'environ 10 km de diamètre et 500 m de haut (Figs. 1.10, 1.11 ; Smith et Bailey, 1968 ; Bailey, 1989). Au niveau de ce dôme, les rhyolites précoces à l'affleurement présentent un pendage vers l'extérieur atteignant 30°.

Figure 1.10: Carte générale de Long Valley et des structures adjacentes, d'après Hildreth (2004), adaptée de Bailey (1989). Limites topographiques de la caldera en tiretés, faille circulaire en pointillés (RFZ), et limite structurale du dôme résurgent (RD) en tiretés-pointillés. ML=Mammoth lakes downtown. Failles : ACF=faille d'Alpers Canyon, BMF=faille de Black Mountain, FLF=faille de Fern Lake, HCF=faille de Hilton Creek, HSF=faille de Hartley spring, SLF=faille de Silver Lake. L'encadré rouge se réfère à la figure 1.11.

La mise en place des rhyolites précoces et la formation du dôme résurgent se sont faites rapidement. En effet, ces rhyolites présentent un âge compris entre 0,73 et 0,63 Ma, et la mise en place de rhyolites tardives autour du dôme, considérées comme post-résurgence, a débuté aux alentours de 0,51 Ma (Bailey et al., 1976). Le dôme est affecté par un ensemble de failles

parallèles aux structures régionales (graben d'Owens Valley, zone de cisaillement Est-californienne) formant un graben longitudinal d'environ 4 km de large et un deuxième graben plus petit à l’est (Figs. 1.10, 1.11; Bailey, 1989). Le tracé de ces failles en surface est souligné par une altération importante et la présence de fumerolles et de sources chaudes (Sorey, 1985). Les contours du dôme sont aujourd’hui masqués par d'importants dépôts volcaniques et sédimentaires (lacustres) mis en place postérieurement. Les données de forages présentées par McConnell et al. (1995) ont, par ailleurs, mis en évidence la présence d’intrusions (au moins quatre différentes) de chimie rhyolitique, sous le dôme, au sein du Bishop Tuff entre 700 et 1500 m de profondeur sous la surface actuelle. Le rôle de ces intrusions dans la mise ne place de la résurgence est fortement suspecté.

Figure 1.11: Carte topographique, géologique et structurale du dôme résurgent de Long Valley, extraite de Bailey (1989). Les limites de la carte sont indiquées sur la figure précédente. En pointillés, les limites de la caldera, en traits pleins, les failles affectant le dôme résurgent.

Les rhyolites tardives, riches en cristaux, se sont mises en place à partir de trois groupes d'évents en périphérie du dôme résurgent et sont datées aux environs de 500 000, 300 000 et 100 000 ans BP. Plus récente, la chaine volcanique des Mono-Inyo Craters traverse la partie ouest de la caldera, elle se situe le long d'un système étroit de fractures de direction nord-sud s'étendant du sud de Mammoth Mountain jusqu'à 45 km au nord (rive Nord de Mono Lake). La formation de Mammoth Mountain, chevauchant la bordure sud-ouest de la caldera, résulte de l'extrusion d'au moins douze dômes et coulées de rhyolite entre 110 000 et 56 000 ans BP (Bailey, 2004). La chaîne des Mono-Inyo craters s’est ensuite formée à partir de 40 000 ans BP. Elle concentre l'activité récente, avec des éruptions tous les 250 à 700 ans au cours des trois derniers millénaires.

Après 40 ans de pause, l’année 1978 marque un retour de l’activité sismique aux abords de la caldera, avec notamment un événement de magnitude 5.8 le 4 Octobre à Wheeler Crest, au sud-est de la caldera. En Mai 1980, un essaim sismique relativement fort (comportant des événements de magnitude 6) affecte la marge sud de la caldera. Des essaims sismiques vont ensuite se produire régulièrement au cours des années 80-90. Cette reprise d'activité se traduit également par un soulèvement du dôme résurgent, des changements dans le système hydrothermal superficiel et une émission accrue de CO2 d'origine magmatique à proximité de Mammoth mountain (Hill, 2006). Toute la complexité de cette activité réside dans l'existence de sources multiples, possiblement interdépendantes, sous le dôme résurgent, sous Mammoth mountain, et au sud de la caldera. En raison des enjeux humains et économiques de la région, un effort très important de surveillance a été mené par l'USGS par l'intermédiaire du Long Valley Observatory.

La déformation au sein de la caldera a pu être appréhendée grâce à la répétition de profils de nivellement et de trilatération, auxquels sont venues s'ajouter les données GPS et InSAR au début des années 90. Les mesures de nivellement le long d'un profil traversant la caldera (Fig. 1.12) ont montré un soulèvement centré sur le dôme résurgent de 25 cm entre 1975 et 1980, alors que pratiquement aucun déplacement n'avait été mesuré entre 1932 et 1975 (Dzurisin, 2006). Ce soulèvement s'est poursuivi jusqu'en 1988, date à laquelle un arrêt des déplacements verticaux et même une légère subsidence ont été constatés. Le soulèvement a ensuite repris au début des années 90 pour s'arrêter de nouveau aux alentours de 1998, atteignant une valeur cumulée d'environ 75 cm depuis 1975 (Fig. 1.12, 1.13 ; Hill, 2006 ; Tizzani et al., 2009). La conservation de la forme générale des courbes de soulèvement suggère une conservation de la forme de la source de déformation au cours du temps. Par

ailleurs, Hill (2006) constate une bonne corrélation entre l'activité sismique dans la caldera et le soulèvement mesuré (Fig. 1.13). Il observe que l'accélération de la déformation précède systématiquement le regain d'activité sismique de quelques semaines, et en déduit que l'activité sismique est une conséquence du processus d'inflation du dôme résurgent.

Figure 1.12: (A) Réseau de nivellement à l'intérieur et autour de la caldera de Long Valley. La ligne de mesures en distancemétrie présentée sur la figure 1.13 entre les stations Casa Diablo = C et Krakatoa = K est également indiquée. (B) Mesures du déplacement vertical le long du profil de nivellement 1 (autoroute 395) entre Lee Vining et Tom's Place. Figure d'après Dzurisin (2006) et Tizzani et al. (2009).

La densité des réseaux de mesures de déformation et la couverture globale permise par l'InSAR ont apporté une bonne connaissance du champ de déplacement horizontal et vertical au sein de la caldera : ils ont permis de bien contraindre les modèles de déformation. Plusieurs

types de modèles ont été proposés. En 2003, Langbein considère des modèles de déplacements le long de surfaces de dislocation et des sources d'inflation dans un milieu élastique. À partir des données de distancemétrie, nivellement et GPS, il conclut à l'existence de deux sources, l'une sous le dôme résurgent et l'autre sous la partie sud de la caldera. Sous le dôme, la source aurait une forme de cigare allongé verticalement et localisé entre 5 et 8 km de profondeur. Newman et al. (2006) proposent une source similaire mais entourée d'une «coque viscoélastique» permettant de produire le même déplacement avec des pressions moindres. Battaglia et Vasco (2006) proposent des formes plus complexes, illustrant la non-unicité du problème inverse en déformation.

Figure 1.13: Traits fins : nombre cumulé de séismes de magnitude supérieure à 3 enregistrés dans la caldera et dans la Sierra Nevada entre 1978 et 2004. Points : déplacements verticaux au centre du dôme. Courbe en gras: variations de distance entre les stations Casa Diablo et Krakatoa (localisées sur la Figure 1.12), d'après Hill (2006).

Une forte contrainte sur la source des déformations est apportée par les mesures micro-gravimétriques de Battaglia et al. (2003). En 1982 et 1999, on enregistre des variations sensibles de la gravité à l'intérieur de la caldera centrées sur le dôme résurgent (Fig. 1.14). Les travaux de Battaglia et al. (2003) et, plus récemment, ceux de Tizzani et al. (2009) couplent les données de déformation aux données gravimétriques. Par l'inversion couplée des données de distancemétrie et InSAR, et en considérant un milieu élastique, Tizzani et al. (2009) déterminent une source de géométrie allongée, orientée à environ 60° de l'axe horizontal et de

masse volumique ~2500 kg/m3 (ou du moins comprise entre 2200 et 3600 kg/m3). Ils concluent à une intrusion magmatique.

Figure 1.14: (a) Soulèvement mesuré dans la caldera entre 1982 et 1999 (mm). (b) Variations de la gravité observées au cours de la même période (après corrections). La courbe blanche indique la localisation du dôme résurgent. Figure d'après Battaglia et al. (2003).

c) Yellowstone

À l’ouest des Etats-Unis, le plateau de Yellowstone s’étend dans la prolongation nord-est de la plaine de Snake River (SRP). Cette plaine, de 700 km de long par 90 km de large et orientée NE-SW, est considérée comme la trace en surface du passage de la plaque Nord-Américaine au-dessus d'un point chaud depuis environ 16 Ma (Fig. 1.15a). La déformation crustale associée à ce point chaud est soulignée par l’existence d’une parabole sismique autour de la SRP et centrée sur Yellowstone (Anders et al., 1989). La téphrochronologie des retombées de cendres a permis d'identifier plus de 140 super-éruptions associées à la plaine de Yellowstone-Snake River (Perkins et Nash, 2002). L’origine de ce point chaud est controversée : l’hypothèse d’un diapir mantellique de source profonde, d’une part, s’oppose à celle d’une anomalie thermique mantellique d’origine superficielle liée à l’interaction entre convection du manteau supérieur et tectonique lithosphérique régionale, d’autre part.

Localisée sous Yellowstone depuis environ 2 Ma, l'activité du point chaud se surimpose à une tectonique générale en extension considérée comme le résultat de l'effondrement gravitaire d'une lithosphère épaissie (système tectonique des Basin and Range; Fig. 1.15b).

Figure 1.15: A) Trace en surface du point chaud de Yellowstone (Y) montrant la succession chronologique des centres volcaniques siliceux de la plaine de Snake River, d'après Smith et al., 2009. La flèche indique le mouvement actuel de la plaque Nord-Américaine. Les points sont les épicentres des séismes historiques. B) Carte structurale du plateau de Yellowstone, montrant) les trois calderas successives, les deux dômes résurgents de caldera actuelle (ML : Mallard lake, SC : Sour Creek) et les grandes zones de failles (GTFZ: Grand Teton fault zone, HLFZ: Hebgen Lake fault zone, SFZ: Sheridan fault zone, NMC: Norris-Mammoth Corridor), d’après Girard et Stix, 2010.

Au cours des 2 derniers millions d’années, on répertorie trois calderas majeures formées suite à la vidange de larges corps magmatiques rhyolitiques dans la croûte superficielle il y a 2,0 Ma, 1,3 Ma et 0,64 Ma (Fig. 1.15b ; Christiansen, 2001). La dernière caldera, toujours en activité à ce jour, mesure environ 40 km par 60 km. Elle résulterait d'une éruption de 1000 km3 de cendres constituant les dépôts du Lava Creek Tuff. Peu de temps après cette dernière éruption majeure, l'activité dans la caldera a repris sous la forme d'une résurgence structurale formant les dômes de Mallard Lake et Sour Creek, et d'un volcanisme rhyolitique. Mallard Lake et Sour Creek sont chacun au centre d'un lobe de la caldera (Fig. 1.15b). Ils présentent un allongement similaire et parallèle aux structures extensives régionales, suggérant un contrôle de celles-ci sur la formation des dômes. Cet allongement est également souligné par la présence de structures extensives apicales (Fig. 1.16). Le dôme de Sour Creek représente

une structure de 13 km par 21 km et ses flancs ont un pendage d'environ 15°. Correspondant à la déformation du Lava Creek Tuff et de roches antérieures, le dôme de Sour Creek se serait formé très précocement au cours de l'histoire post-effondrement. Il est notamment recouvert par des laves datées à 480 ka (Gansecki et al., 1996; Christiansen 2001). Ses contours sont difficiles à délimiter, un peu à la manière du dôme résurgent de Long Valley (Figs. 1.11, 1.16). Le dôme de Mallard Lake, bien individualisé, est légèrement plus petit et mesure 11 km par 19 km. Affectant des formations de laves rhyolitiques (Mallard Lake member) datées aux alentours de 161 000 ans, ce dôme est manifestement beaucoup plus tardif. Quelques indices suggèrent toutefois que la résurgence a pu commencer antérieurement. Les laves postérieures recouvrant le dôme de Mallard Lake (Central Plateau member), datées aux alentours de 153 000 ans, suggèrent une croissance très rapide de ce dernier.

Figure 1.16: Dômes résurgents de Mallard Lake (gauche) et Sour Creek (droite), d'après Christiansen (2001).

Yellowstone est une caldera présentant une activité post-effondrement particulièrement intense. D'une part, on estime que plus de 1000 km3 de rhyolite ont pu être extrudés à l'intérieur de la caldera entre 150 000 et 70 000 ans BP. D'autre part, la caldera concentre aujourd’hui plus de 10 000 geysers, sources chaudes et fumerolles. Au vu de son passé explosif et de son activité hydrothermale exceptionnelle, Yellowstone constitue une des

priorités de la surveillance de l’USGS, en collaboration avec l’Université de l’Utah depuis plusieurs décennies. Le point chaud de Yellowstone est responsable de fortes anomalies du flux thermique conductif avec des valeurs de 150 mW.m-2 en moyenne dans la plaine de Snake river, et 200 mW.m-2 au niveau du plateau de Yellowstone (Fig. 1.17, Blackwell et Richards, 2004). Au sein de la caldera, le flux convectif est estimé à 2000 mW.m-2 (Fournier, 1989), ce qui représente 30 à 40 fois le flux moyen des continents. Le maintien de ce flux nécessiterait la cristallisation d'environ 0,1 km3 de magma par an en profondeur (Chang et al., 2007). Ce même magma est probablement, pour partie, responsable des 45 000 tonnes de CO2 émis par jour par le système (Chu et al., 2010).

Figure 1.17: (a) Flux thermique mesuré au niveau de Yellowstone et de la plaine de Snake River (contours soulignés en noir). (b) Détail du flux au niveau de la caldera de Yellowstone. Figure Smith et al. (2009), d'après Blackwell et Richards (2004).

Plus de 30 000 séismes ont été enregistrés dans le secteur de Yellowstone entre 1973 et 2008, dont 99% ont une magnitude inférieure ou égale à 3.0 (Farrell et al., 2009 ; Fig. 1.18). Des

séismes de forte magnitude surviennent néanmoins régulièrement en dehors de la caldera, en lien avec le système extensif des Basin and Range. C’est notamment le cas du séisme du lac de Hebgen (25 km au nord de la caldera), d’une magnitude de 7.5, qui a fait 28 morts en 1959. Dans la caldera elle-même, la sismicité est caractérisée par de très faibles magnitudes et est dominée par des essaims sismiques (39% de la sismicité totale entre 1984 et 2006). Ces essaims sont définis comme des ensembles d’événements spatialement et temporellement cohérents, de magnitude homogène, et dont aucun ne se démarque par une magnitude plus forte. On les attribue généralement à la migration de fluides magmatiques et hydrothermaux.

Figure 1.18: Séismes dans la région de Yellowstone, de 1976 à 2006, d'après Farrell et al., 2009. Les points rouges représentent les épicentres, les étoiles jaunes marquent les évents post-caldera et les lignes noires soulignent les failles du quaternaire récent. Les limites des trois dernières calderas sont indiquées en orange et les dômes résurgents sont en jaune.

Dans la caldera elle-même, la profondeur des foyers sismiques est limitée, en raison des hautes températures, à la transition fragile-ductile aux alentours de 4-6 km sous la surface (déterminée par l’isotherme 400°C à cette profondeur). Les épicentres forment, dans la caldera et aux alentours, des alignements NNW-SSE parallèles aux alignements d’évents volcaniques post-caldera et dans la direction de failles régionales (Farell et al., 2009). Ces alignements constitueraient la trace en surface d’un grand système de failles normales enfouies sous les coulées rhyolitiques post-caldera. Quatre tomographies sismiques (Benz et

Smith, 1984 ; Lynch, 1999 ; Miller et Smith, 1999; Husen et al., 2004) ont imagé à différentes résolutions une large zone de ralentissement des ondes P sous Yellowstone. L’étude de Miller et Smith (1999) propose l’existence d’une zone peu dense identifiée comme un corps granitique entre 6 et 12 km de profondeur et coïncidant avec le diamètre de la caldera (Fig. 1.19). Dans ce corps considéré comme largement refroidi et cristallisé, ils identifient de possibles zones de fusion partielle à 8 km de profondeur sous les dômes résurgents.

Figure 1.19: Coupe interprétative SW-NE, parallèle à l’axe d’allongement de la caldera montrant le modèle de vitesses d’onde P et les sources de déformation crustale déduites de l’inversion des données GPS (Meertens et al., 1993), d'après Miller et Smith (1999).

L’étude de Husen et al. (2004) confirme l’existence d’une zone de ralentissement des ondes P à 8 km sous les deux dômes résurgents et s’étendant plus largement en profondeur. Elle est interprétée comme un corps magmatique avec un taux de fusion partielle compris entre 8% et 15%. Il faut noter que les récents calculs de Chu et al. (2010) suggèrent un taux de fusion partielle bien supérieur, de 32%, au sein de ce corps magmatique (ainsi que la présence de 8% d'eau et de CO2). En outre, les travaux de Husen et al. (2004) identifient au nord-ouest de Yellowstone, à 2 km de profondeur, un corps caractérisé par une forte diminution de la vitesse des ondes P (-10% Vp) doublée d’une diminution significative du rapport Vp/Vs (et -5%). Ce corps est interprété comme une poche de gaz riche en CO2, exsolvée du corps magmatique précédent (Fig. 1.20). Sa localisation coïncide avec la localisation de l'essaim sismique le plus intense enregistré en 1985, ce qui n’est pas sans rappeler les événements de 1989 à Long Valley ou de larges émissions de CO2 avaient détruit un certain nombre d’arbres à Mammoth Mountain à la suite d’une sismicité intense.

Figure 1.20: Vue en 3D des zones imagées par la tomographie sismique, d'après Husen et al., 2004. Les points verts localisent les hypocentres sismiques de l'essaim de 1985; les flèches en pointillés mettent en lumière la possibilité d'une migration de fluides à l'origine de cet essaim.

Il faut noter que l’inégale répartition de sources sismiques et la sismicité relativement faible à l’intérieur de la caldera (attribuée à sa structure thermique) limitent la résolution des modèles tomographiques. De récentes améliorations, notamment liées à l'accroissement du volume de données, suggèrent un corps magmatique beaucoup plus étendu et plus superficiel, avec une profondeur d'environ 5 km (Fig. 1.21 ; Farrell et al., 2014).

Figure 1.21: Coupe NE-SW montrant le modèle de vitesse des ondes P sous le système de Yellowstone, d’après Farrell et al., 2014.

Les cartes d’anomalies de Bouguer observées montrent que la caldera de Yellowstone coïncide avec une anomalie négative dont le minimum (env. -250 mgals) est centré sur la

bordure nord-est (Fig. 1.22). DeNosaquo et al. (2009) proposent un modèle à partir des données filtrées pour des longueurs d’onde entre 40 et 800 km. Dans ce modèle, l’anomalie négative résulte à la fois du remplissage de la caldera (densité de 2500 kg/m3) et de la présence d’une intrusion partiellement fondue (densité de 2520 à 2470 kg/m3 au nord-est de la caldera) au sein de la croûte supérieure (densité de 2670 kg/m3). La profondeur des zones de fusion partielle est donc estimée à environ 10 km, remontant jusqu’à 7 km au nord-est de la caldera (Fig. 1.22). Cependant, les auteurs notent que le filtrage des courtes longueurs d’ondes empêche probablement la détection de zones de fusion partielle à plus faible profondeur.

Figure 1.22: (Gauche) Carte d’anomalies de Bouguer mesurées à Yellowstone. (Droite) Profil d’anomalies de Bouguer et modèle direct associé. En tireté, la localisation de la zone de ralentissement imagée en tomographie sismique. Figure d’après DeNosaquo et al., 2009.