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Un grand nombre de matériaux ont été utilisés en modélisation analogique (Koyi, 1997) pour leurs propriétés rhéologiques ainsi que pour leur aspects pratiques (transparence, etc.). Les expériences d'Holohan et al. (2005), de Roche et al. (2000) et d'Acocella et al. (2000, 2001,

160 2003), déjà évoquées dans le premier chapitre de ce manuscrit, utilisent du sable sec comme matériau analogue pour simuler le comportement fragile de la croûte supérieure (Fig. 3.30). Le sable est un matériau granulaire dont le comportement peut être considéré comme plastique. La déformation plastique s'opère par glissements grain à grain et la déformation se concentre dans des bandes de cisaillement fines qu'on peut assimiler à des failles. La répartition de ces bandes de cisaillement montre que la déformation du sable obéit à une loi de type Mohr-Coulomb avec un angle de frottement interne de 30°, critère qu'on utilise également pour approximer la rupture des roches de la croûte supérieure (Hubbert, 1951). Pour simuler le comportement visqueux d'un magma non solidifié, les auteurs utilisent des fluides visqueux newtoniens, les silicones.

Figure 3.30: Exemple de modèle de dôme résurgent réalisé à partir d'une intrusion de silicone dans du sable, vu de haut (a) et en coupe (b). On met en évidence des failles inverses à pendage vers l'intérieur et des failles normales à pendage vers l'extérieur. Figure d'après Acocella et al., 2000.

Il est intéressant de noter que le sable et la silicone sont aussi couramment utilisés pour simuler les déformations à une autre échelle: celle de la croûte. En effet, la silicone est un bon analogue pour reproduire les déformations de la coûte inférieure qui peut, sur des grandes échelles de temps, être considérée comme un matériel visqueux (e.g. Davy et Cobbold, 1991; Brun et al., 1994; Michon et Merle, 2003; Fig. 3.31).

Figure 3.31 : d'après Brun et al., 1994. Résultat d'une expérience d'extension dans un analogue de croûte représentée initialement par des couches de sable reposant horizontalement sur une couche de silicone.

161 Dans le domaine restreint de la modélisation des intrusions crustales, d'autres matériaux peuvent également être utilisés. Pour la croûte superieure ou les édifices volcaniques, on utilise notamment des poudres (farine, Walter et Troll, 2001; poudre de silice, Galland et al., 2009; poudre d'alumine, Marti et al., 1994) ou de la gélatine, qui présente l'avantage d'être transparente (e.g. Chanceaux et Menand, 2014). Le fluide visqueux est, lui aussi, variable. Certaines études utilisent des huiles, notamment pour étudier des problématiques de solidification. Certaines études utilisent tout simplement de l'air ou de l'eau injectés dans une enveloppe déformable (Fig. 3.32).

Figure 3.32: Cycles d'inflations et de déflations d'une chambre magmatique représentée par un ballon glonflé et dégonflé par injection et évacuation d'eau, d'après Walter et Troll (2001).

Application

Afin de modéliser la formation des dômes résurgents sous l'effet d'une intrusion magmatique, nous avons uilisé un fluide visqueux newtonien (silicone) comme analogue du magma et un mélange de sable et de plâtre secs pour reproduire le comportement fragile de la croûte. Ce

162 mélange en proportions 92% - 8% (en masse) permet d'obtenir un milieu granulaire faiblement cohésif. En effet, sauf dans le cas de contraintes très faibles, une cohésion non nulle semble plus représentative du comportement de la croûte (Byerlee, 1978). Cette cohésion doit être relativement faible pour respecter l'équilibre des forces en présence (Schellart, 2000). Le comportement du mélange sable-plâtre reste proche de celui du sable pulvérulent obéissant à une loi de Mohr-Coulomb. De la même manière, on peut estimer son angle de frottement interne via l'angle de talus: ϕ = 35° ± 1,5. La cohésion peut être évaluée par la méthode proposée en Annexe A des travaux de Merle et al. (2001). Cette méthode utilise la valeur maximale H de la hauteur des parois verticales que l'on peut générer dans le matériau (Fig. 3.33).

Figure 3.33 : Distribution de σ3 en fonction de la hauteur au niveau d'une falaise verticale, d'après Merle et al., 2001.

Au point H/2, la contrainte σ3 est nulle, on déduit du critère de Mohr-Coulomb que :

I 2 < o1 + sin —1 − sin ϕ = 12 ¡ ¢ £

On en déduit donc une cohesion C = 40 Pa par le calcul suivant:

< =14 ¡ ¢ £ o1 − sin ϕ1 + sin ϕ

La silicone est considérée comme un fluide newtonien de densité 1150 kg.m-3 et de viscosité 2,4 × 104 Pa.s. Le dispositif expérimental (Fig. 3.34) est composé d'un réservoir de silicone rectangulaire compressible par le dessous. Cette compression latérale, réalisée symmétriquement par deux parties mobiles actionnées par des vérins, est entièrement

163 transformée en mouvement vertical de la silicone par la géométrie du dispositif. La largeur du réservoir de silicone est variable mais sa longueur est fixe (25 cm). Avant chaque expérience le réservoir est entièrement rempli. La silicone doit reposer plusieurs heures afin que son niveau soit parfaitement plan et pour que les bulles d'air éventuelles aient le temps de s'évacuer. La partie supérieure du dispositif (au dessus du réservoir) peut alors être remplie d'une épaisseur constante de mélange sable-plâtre déposé en couches régulières de 5 mm pour les observations ultérieures. Un appareil photographique aquiert des clichés toutes les 15 minutes en vue du dessus pour suivre l'évolution de la morphologie de surface, et la déformation finale est observée en coupe à la fin de chaque expérience.

Figure 3.34: Photographie et schéma du dispositif expérimental utilisé en modélisation analogique

Le sytème peut être décrit par onze paramètres indépendants. Il s’agit en premier lieu de quatre distances (en m) : l’épaisseur initiale de matériel intrudé (h), et la longueur (RL), la largeur (RW), et la hauteur du dôme résurgent (RH). Il faut ensuite considérer l’angle de frottement interne (ϕ), la densité (ρe en kg.m-3) et la cohésion (C en Pa ou kg.m-1.s-2) du matériel intrudé, ainsi que la densité (ρi en kg.m-3) et la viscosité (µ en Pa.s ou kg.m-1.s-1) du matériel intrusif. Enfin, les valeurs d’accélération de la pesanteur (g en m.s-2) et la durée de la déformation (t en s) complètent cette liste de paramètres. Le nombre de dimensions est donc de trois (longueur, masse, temps) : il faut, d’après le théorème Pi, huit nombres sans dimension indépendants pour garantir la similitude entre l'expérience et le phénomène réel (e.g. Tibaldi, 1995; Merle et Borgia, 1996).

Trois de ces nombres sont des rapports géométriques :

˜ 44¤

¥ ; ˜ 4

¥ ; ˜L 44§

164 Les autres nombres sans dimension doivent décrire l'équilibre des forces dans le système. L'angle de frottement du matériel intrudé est, lui aussi, directement un nombre sans dimension:

˜ ϕ

Il faut également considérer le rapport entre la contrainte gravitationnelle et la cohésion dans le matériel intrudé (˜3), le rapport de densités du matériel intrusif et du matériel intrudé (˜(), et le rapport entre la contrainte gravitationnelle et la viscosité dans le matériel intrusif (˜¨).

˜3 ¡| ¢ ℎC ; ˜( ¡ρ|

Z ; ˜¨ ¡N ¢ 4μ § Q

Enfin, il faut considérer le rapport entre forces inertielles et forces visqueuses au sein du fluide intrusif, qui est décrit par le nombre de Reynolds.

˜! ¡Nμ t 4§²

Le nombre de Reynolds décrit le type d'écoulement (laminaire, turbulent). En pratique, il est difficile d'avoir le même nombre de Reynolds dans la nature et les expériences. Cependant, le type d'écoulement doit impérativement être respecté.

Plus d'une vingtaine d'expériences ont été menées en faisant varier la largeur de l'intrusion et l'épaisseur de sable-plâtre. Le détail des paramètres utilisés ainsi que les résultats principaux de cette étude sont présentés en section 2 du chapitre 5.