La statistique des s´ eismes
2.1 Lois d’´ echelle
Il existe un certain nombre de lois d’´echelle en sismologie. Elles permettent de caract´eriser une population de s´eismes peu importe leur taille ou leur puissance. Nous pr´esentons ici celles que nous utiliserons dans cette th`ese.
2.1.1 La loi d’Omori-Utsu
A la fin du XIXiemesi`ecle, Fusakichi Omori, sismologue japonais, ´etudia les r´epliques g´en´er´ees par le s´eisme de Nobi (Mino-Owari), qui se produisit au centre du Japon, en 1891. Il observa que la fr´equence du taux de r´epliques diminuait de jours en jours, et de mois en mois (Omori, 1894). Il exprima alors ses observations selon une loi exprimant le nombre de r´epliques n au cours du temps t :
n(t) = κ
(t+c) (2.1)
dans laquelle κ etcsont des termes constants et repr´esentent respectivement la productivit´e et le temps `a partir duquel il est possible de d´enombrer les r´epliques. Cette formule d’Omori fut appliqu´ee avec succ`es `a d’autres s´eismes : le s´eisme de Nankai de 1854 ; celui de Nemuro-Oki en 1894 ; de Formosa en 1904 ; Zenkoji en 1847 ; Kyoto en 1830 ; Anegawa en 1909 ; Avezzano en 1915 ; Shimabara en 1922 ; Kanto en 1923 ; Tango en 1927 ; ou encore Sanriku en 1933 (Utsu et al., 1995).
Cependant, Utsu (1957) montra que la d´ecroissance des r´epliques de plusieurs autres s´eismes
´etait plus rapide que celle d´ecrite dans la loi d’Omori. Il modifia alors cette loi, appel´ee main-tenant la ”loi d’Omori-Utsu”, en :
n(t) = κ
(t+c)p (2.2)
o`upest une constante d´ecrivant la d´ecroissance temporelle qu’il trouva environ ´egale `a 1.4 dans ses ´etudes. Apr`es plusieurs autres observations, ce param`etre est plutˆot ´evalu´e comme ´etant 38
2.1 Lois d’´echelle compris entre [0.3 2], mais plus pr´ecis´ement entre [0.8 1.2] dans les environnements tectoniques.
2.1.2 La relation de Gutenberg-Richter
La loi d’´echelle la plus connue en sismologie est probablement la ”loi de Gutenberg Richter”
(”G-R law”). Cette loi est une formule empirique d´etermin´ee par Gutenberg et Richter (1944), qui ´enonce le lien entre les fr´equences d’occurrences des s´eismes et les magnitudes de ceux-ci selon :
log10N(M) =a−bM (2.3)
o`u N(M) repr´esente le nombre d’´ev´enements qui poss`edent des magnitudes sup´erieures `aM. Grˆace `a cette loi, on peut estimer le nombre moyen de s´eismes durant une p´eriode et dans une r´egion donn´ee. Dans cette loi, a et b sont des constantes qui d´ependent de la r´egion choisie, bien que b soit une valeur admise autour de 1, mais tous les catalogues sismiques suivent cette loi logarithmique reliant le nombre de s´eismes et l’´energie lib´er´ee.
En utilisant un catalogue plus r´ecent, comme celui du Japon entre 1990 et 2015, on retrouve bien cette relation de Gutenberg-Richter (voir Figure2.1). Cependant cette loi n’est valable qu’`a partir d’une magnitudeMc. En effet, avant cette magnitude, on observe une lacune d’observation dans la sismicit´e, qui est li´ee au r´eseau sismologique. Selon la densit´e et/ou la sensibilit´e des sismom`etres, le seuil limite de d´etection des s´eismes sera diff´erent. Cette magnitude Mc d´efinie alors la magnitude minimale `a partir de laquelle la quasi-totalit´e des ´ev´enements sismiques sera d´etect´ee.
Magnitude
Number of events
N(m)∞10
-bmMC
Figure 2.1 – Loi de Gutenberg-Richter (en vert) pour le catalogue de sismicit´e du JMA pour la zone du Japon entre 1990 et 2015. Dans ce cas, le nombre N(m) varie avec b= 0.75.
LA STATISTIQUE DES S´EISMES
2.1.3 La loi de productivit´ e
La loi de productivit´e permet de d´efinir le nombre de r´epliques qui sera g´en´er´e pour un s´eisme de magnitude m. Elle s’´ecrit :
κ=κ0eα(m−MC) (2.4)
avecκ0 etα des constantes.κ0 d´epend de la r´egion donn´ee tandis queαtypiquement de l’ordre de 2 (Hainzl et Marsan, 2008;Helmstetter,2003; Helmstetter et al., 2005).
2.1.4 Relation entre moment sismique M
0, d´ eplacement moyen D et chute de contrainte Δσ.
Eshelby(1957) s’int´eressa `a la propagation d’une fracture dans un milieu ´elastique isotrope.
Il d´etermina la relation suivante entre la propagation d’un d´efaut et la contrainte : Δu(x) = 7π
12 Δσ
G a
1− x2
a2 (2.5)
Dans cette ´equation, Δu repr´esente le d´eplacement (i.e la propagation de la fracture) selon x, Δσ est la chute de contrainte li´ee `a la fracture, G la rigidit´e eta correspond `a la moiti´e de la longueur du d´efaut.
[ Δ u
a L = 2a
Δ σ
chute de contrainte[
constante
[
-a a
σ
Figure 2.2 – Sch´ema repr´esentant l’´evolution des contraintes et des d´ epla-cements lors d’une rupture. Nous voyons que les contraintes aux bords de la rup-ture (-a et a) tendent vers l’infini, puis chutent brutalement g´en´erant une chute de contrainte constante en temps. Le glis-sement associ´e peut ˆetre d´ecrit par l’´ equa-tion :
Δu(x) = 7π12ΔσG a
1− xa22.
Dans cette ´equation, le d´eplacement maximal Δumax est obtenu pour x=0. Nous pouvons par cons´equent ´ecrire :
Δu(0)∝ Δσ
G a (2.6)
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2.1 Lois d’´echelle
En rempla¸cant Δu par le d´eplacement moyen D produit lors du crack et a∝L, on obtient : D∝ Δσ
G L (2.7)
D’autre part, lorsqu’un s´eisme se produit, l’´energie ´emise peut se calculer grˆace `a son moment sismique M0. Cette grandeur s’obtient `a partir de trois param`etres caract´eristiques : la rigidit´e du milieu G, la surface sur laquelle le s´eisme s’est produit L2 et son d´eplacement moyen D.
Ainsi, d’apr`esAki (1966), le moment sismique M0 est ´egal `a :
M0 =G.L2.D (2.8)
Grˆace `a ces ´equations2.7 et 2.8, on observe que :
M0 =G.L2.Δσ
G L⇒M0 ∝ΔσL3 (2.9)
En conclusion, l’´energie ´emise M0 lors d’un s´eisme est alors simplement proportionnelle `a la chute de contrainte Δσ et au cube de la longueur L de la faille qui a jou´e pour ce s´eisme.
2.1.5 La longueur de rupture d’un s´ eisme
En repr´esentant le logarithme du moment sismique M0 en fonction du logarithme de la longueur de la faille, il a ´et´e observ´e que pour une majorit´e des s´eismes, les points d´ecrivent une relation quasi-lin´eaire entre ces deux grandeurs (Figure 2.3). Cette pente est d´elimit´ee par
0 0
0 0
0
Faille
Profondeur (km)
Interplate Intraplate
Δσ = 1 bar
1000 10
100
Log L2 (km2)
Log M0 (N.m)
Figure 2.3 – A gauche : Loi d’´echelle des s´eismes concernant le moment sismique M0 en fonction de la surfaceL2 de la faille (d’apr`esKanamori et Anderson(1975)). A droite : repr´esentation de la loi d’´echelle entre la longueur de rupture et la magnitude des s´eismes.
LA STATISTIQUE DES S´EISMES
deux bornes : 106 Pa et 107 Pa, indiquant la chute de contrainte ∆σ n´ecessaire pour la gen`ese des s´eismes. Cela montre que la chute de contrainte est relativement constante quelque soit la taille du s´eisme et que, par cons´equent :
M0 ∝L3 (2.10)
De plus, la magnitude de moment Mw a ´et´e d´efinie parKanamori (1977) et s’´ecrit comme : Mw = 2
3log10(M0)−10.73 (2.11)
o`u M0 est dans ce cas pr´ecis exprim´e en dyn-cm. Avec ces deux ´equations 2.10 et 2.11, il est possible de retrouver la longueur de rupture en fonction de la magnitude de moment tel que :
L∝1012Mw (2.12)
Cette relation entre la longueur de rupture et la magnitude sera celle que nous utiliserons dans notre mod`ele par la suite.
2.1.6 Distribution spatiale des r´ epliques
Apr`es un s´eisme, la distribution spatiale des r´epliques de celui-ci n’est pas homog`ene. Ainsi, la densit´e lin´eaire long-terme pdes r´epliques `a une distance r du choc principal s’´ecrit :
p(r)∼(r+L)−ξ (2.13)
Ainsi, en champ lointain, i.e., quand r ≫ L, p(r) ∼ r−ξ, la densit´e lin´eaire p d´ecroit en loi puissance avec la distance r. En champ proche, quand r ≪ L, cette relation tend vers une constante p(r) ∼ L−ξ. L’exposant ξ varie selon les ´etudes (Marsan et Lengline, 2010; Felzer et Brodsky, 2006; Helmstetter et Sornette, 2003b; Console et al., 2003; Zhuang et al., 2004).
Dans les mod`eles probabilistes permettant de caract´eriser les r´epliques, ce type de mod`ele est fr´equemment utilis´e mais d’autres existent et pr´edisent des comportement diff´erents en champ proche (Moradpouret al., 2014; Hainzl et al., 2014).
Les lois d’´echelle donnent ainsi des caract´eristiques correspondantes `a la grande majorit´e de la sismicit´e. Cependant, des s´eismes ou des s´equences sismiques ne suivent pas certaines de ces relations.
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