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CHAPITRE I. ETAT DE L’ART

I.3. b. Lois cinétiques

A l’image de la diversité des couches d’oxydes formées à la surface des phases MAX étudiées, les cinétiques d’oxydation font l’objet de nombreuses discussions. Celles-ci sont évaluées à partir de la mesure de l’épaisseur de la couche d’oxyde formée en surface ou encore par le gain (ou la perte) de masse en fonction du temps d’exposition. Cette évolution de la masse traduit d’une part, la consommation d’oxygène par les éléments du matériau en cours d’oxydation (gain de masse) mais aussi, l’évaporation d’espèces gazeuses sous forme de phénomènes diffus, à l’image de l’oxydation du carbone conduisant à la formation de CO ou CO2 gazeux diffusant au travers de la couche d’oxyde (perte de masse). Une faible adhérence de la couche d’oxyde en surface du matériau initial peut enfin conduire à un écaillage qui se traduit par une perte de masse subite de l’échantillon.

Les cinétiques d’oxydation doivent être interprétées avec précaution afin de définir précisément les mécanismes régissant le phénomène d’oxydation pour être en mesure de le contrôler. Ainsi, suivant les domaines de températures, la nature des échantillons étudiés ou encore la durée d’oxydation, des cinétiques paraboliques mais aussi cubiques et linéaires, détaillées ci-après, ont pu être mises en évidence et confrontées.

I.3.b.i) Cinétique parabolique

Les cinétiques d’oxydation isotherme des phases MAX sont généralement considérées comme étant paraboliques ou sub-paraboliques. Une cinétique est parabolique lorsqu’elle suit la théorie de Wagner, c’est-à-dire lorsque la vitesse de croissance de la couche d’oxyde est régie par la diffusion de cations et / ou d’anions à travers la couche d’oxyde (BIRKS,MEIER, AND PETTIT 2006). Plusieurs hypothèses doivent être vérifiées pour que la théorie de Wagner soit applicable :

 La couche d’oxyde doit être compacte et parfaitement adhérente.

 La migration des ions ou des électrons à travers la couche d’oxyde contrôle la cinétique d’oxydation.

 L’équilibre thermodynamique est établi à l’interface phase MAX – couche d’oxyde ainsi qu’à l’interface couche d’oxyde – gaz.

 La couche d’oxyde ne présente que de faibles écarts à la stœchiométrie de telle manière que les flux ioniques ne soient pas dépendants de la position dans la couche d’oxyde.

 L’équilibre thermodynamique est atteint localement en tout point de la couche d’oxyde.  L’épaisseur de la couche d’oxyde est assez importante pour ne pas tenir compte des effets de

charges locales aux interfaces.

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Si toutes ces hypothèses sont vérifiées, la vitesse d’oxydation peut être exprimée par l’équation : 𝑑 (∆𝑚)

𝑑𝑡 =

𝑘𝑝. 𝐴² 2. ∆𝑚

avec Δm la prise de masse de l’échantillon, A la surface de l’échantillon et kp la constante d’oxydation parabolique tenant compte des caractéristiques de diffusion à savoir de la charge des cations et anions, de leur coefficient d’autodiffusion ainsi que de l’activité de l’oxygène aux interfaces. Ainsi, en considérant une prise de masse initiale nulle, on obtient l’équation de la cinétique parabolique suivante :

(∆𝑚 𝐴 )

2

= 𝑘𝑝. 𝑡

Les premiers travaux mettant en œuvre l’oxydation des phases MAX étudiées ici ont souvent mis en avant des cinétiques d’oxydation paraboliques traduisant la diffusion interne d’ions O2- et la diffusion externe de cations métalliques à travers la couche d’oxyde.

Ainsi, des cinétiques d’oxydation paraboliques ont été identifiées pour des échantillons de Ti3SiC2

oxydés entre 500 et 1000°C pendant quelques heures (SUN,ZHOU, AND LI 2001;LIU ET AL.2009;H.B. ZHANG ET AL.2006) et ce jusqu’à plusieurs centaines d’heures (BARSOUM ET AL.2003;LEE AND PARK 2007B). Au-delà de 1000°C, une transition de cinétique a été identifiée : la cinétique parabolique observée aux premières heures d’oxydation devient linéaire après une dizaine d’heures (BARSOUM ET AL.2003;LEE AND PARK 2007B;S.B.LI,CHENG, AND ZHANG 2003).

Les conclusions établies à l’issue des études menées sur l’oxydation de Cr2AlC divergent. En effet, les cinétiques d’oxydation ont souvent été considérées comme paraboliques entre 700°C et 1200°C (LEE AND PARK 2007A;TIAN ET AL.2008; LIN ET AL.2007) présentant, dans certains cas, une phase initiale transitoire (LEE,NGUYEN, AND PARK 2012) ou encore une dérive pour des durées d’oxydation plus longues

(LEE AND PARK 2007A). Cependant, de récentes études ont mis en évidence le bon accord entre les résultats d’oxydation obtenus et une cinétique cubique (S.B.LI,CHEN, ET AL.2013) ou encore sub-parabolique entre 900°C et 1200°C (S.B.LI,XIAO, ET AL.2013;TALLMAN,ANASORI, AND BARSOUM 2013; SMIALEK 2015B).

Les premiers travaux réalisés par Barsoum et al. sur l’oxydation de Ti2AlC à haute température ont souligné l’existence de cinétiques paraboliques au-delà de 1000°C et de cinétiques intermédiaires entre parabolique et linéaire à 900°C (BARSOUM ET AL.2001). Des cinétiques sub-paraboliques ont, par la suite été identifiées et décrites par un polynôme du second degré à haute température (1100°C – 1300°C) (SMIALEK 2015A) ou encore par un polynôme de degré 4 aux températures intermédiaires

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(700°C–900°C) (X. H. WANG AND ZHOU 2002A) afin de déterminer des constantes paraboliques instantanées kp,i traduisant les cinétiques de diffusion à un instant donné du processus d’oxydation. Enfin, l’oxydation d’échantillons de Ti2AlC a mené à l’obtention d’une majorité de cinétiques cubiques entre 600 et 1300°C dans le cas d’oxydation isotherme (X.H.WANG AND ZHOU 2003A;LIN ET AL.2008; TALLMAN,ANASORI, AND BARSOUM 2013) et d’oxydation cyclique (H.P.ZHU ET AL.2015).

Dans le cas de Ti3AlC2, de nombreuses études ont montré le caractère parabolique (ou assimilé à parabolique) des cinétiques d’oxydation isotherme entre 700 et 1400°C (X.H.WANG AND ZHOU 2003D; XU,LI,MEI, ET AL.2006;X.H.WANG ET AL.2012;X.H.WANG AND ZHOU 2003C) et cyclique entre 1000 et 1300°C (X.K.QIAN ET AL.2011). Cependant, une fois encore, les résultats sont controversés puisque des cinétiques cubiques ont pu être identifiées en oxydation cyclique à 1000°C (T.AI 2012) comme en oxydation isotherme, et ce jusqu’à atteindre un régime linéaire générant une oxydation catastrophique du matériau (X.LI ET AL.2016).

Les constantes paraboliques obtenues dans la littérature dans le cadre de l’oxydation des phases MAX Ti3SiC2, Cr2AlC et Ti3AlC2 sont représentées sous la forme d’un diagramme d’Arrhénius ln (kp) = f (1/T) en Figure I-17. La phase MAX Ti2AlC n’est pas représentée ici, la majorité des cinétiques identifiées étant cubiques.

Figure I-17 : Représentation des constantes paraboliques kp en fonction de l’inverse de la température d’après des données d’oxydation de Ti3SiC2, Cr2AlC, et Ti3AlC2 de la littérature

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Une représentation type Arrhénius comme observée en Figure I-17 permet de remonter aux énergies d’activation apparentes caractéristiques de l’oxydation via la relation :

𝑘𝑝= 𝐴. 𝑒

−𝐸𝑎 𝑎𝑝𝑝 𝑅𝑇

avec A un facteur pré-exponentiel, Ea app l’énergie d’activation apparente, R la constante des gaz parfaits, et T la température

Les constantes paraboliques obtenues pour Ti3SiC2 sont élevées à toutes les températures traduisant la formation simultanée de TiO2 et SiO2 en surface du matériau. Les cinétiques d’oxydation de Cr2AlC et de Ti3AlC2 sont lentes comme l’attestent les faibles kp obtenus. De plus, leurs énergies d’activation apparentes sont relativement basses comparées à celles obtenues pour Ti3SiC2. Ces deux paramètres sont à relier à la diffusion rapide d’aluminium et à la possible formation d’une couche d’alumine α dense et protectrice dès les premiers instants de l’oxydation.

I.3.b.ii) Cinétique cubique

Comme précédemment évoqué, de nombreux travaux contestent le caractère parabolique des cinétiques au profit de cinétiques cubiques. Ces cinétiques sont majoritairement observées dans le cas des phases MAX alumino-formeuses (SMIALEK 2015A). Elles caractérisent la croissance des grains

d’alumine α formant une couche dense et protectrice en surface au cours du traitement thermique. En effet, plusieurs études ont montré que les joints de grains d’alumine représentent un chemin de diffusion préférentiel pour la diffusion externe des cations métalliques ainsi que pour la diffusion interne de O2-(H.J.YANG,PEI, AND DE HOSSON 2013;LEE,NGUYEN, AND PARK 2012;X.H.WANG ET AL.2012; S.B.LI,CHEN, ET AL.2013;X.H.WANG AND ZHOU 2003A). De tels chemins de diffusion sont observables à l’issue de traitements de recuit à 1100°C sur une coupe d’un échantillon de Cr2AlC oxydé au préalable 140 h à 1100°C (Figure I-18).

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Figure I-18 : Observations MEB en coupe montrant les nouvelles rides d’oxyde aux joints de grains de la couche d’alumine initiale formée sur Cr2AlC après 140 h d’oxydation à 1100°C a) après 10 min et b) après 30 min de recuit à 1100°C – la région B correspond à des grains d’alumine colonnaires et la région C à des grains d’alumine équiaxes (H.J.YANG,PEI, AND DE

HOSSON 2013)

Ainsi, la croissance des grains d’alumine au sein de la couche d’oxyde limite le nombre de joints de grains et donc de chemins de diffusion. Les phénomènes de diffusion sont alors ralentis expliquant ainsi le passage d’une cinétique parabolique à une cinétique cubique.

L’épaisseur mais aussi la morphologie de la couche d’oxyde (grains pouvant être équiaxes à l’extérieur et colonnaires au contact avec la phase MAX) et la taille des grains d’Al2O3 jouent donc un rôle primordial dans les cinétiques de croissance de la couche d’oxyde. Ainsi, la constante d’oxydation, cubique ou parabolique instantanée (les mécanismes régissant la croissance de la couche d’oxyde demeurant des mécanismes diffusionnels), dépend directement de la diffusivité de l’oxygène, de l’activité de l’aluminium, de la taille de grains et de la différence de pression entre la surface de la couche d’oxyde et l’interface oxyde / phase MAX, ces paramètres étant tous dépendants de la température appliquée. De telles cinétiques ont par ailleurs été mises en évidence pour des alliages Fe-Cr-Al (SMIALEK 2015A;TALLMAN ET AL.2012;SMIALEK 2015B).

I.3.b.iii) Cinétique linéaire

Les mécanismes mis en jeu dans le cas de cinétiques linéaires diffèrent de ceux précédemment mis en évidence pour les cinétiques paraboliques et cubiques. En effet, ces dernières sont contrôlées par la diffusion des ions à travers la couche d’oxyde. En revanche, pour la loi linéaire, dernier type de

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cinétique observé pour les phases MAX, la diffusion devient assez rapide pour ne plus constituer le processus limitant : la cinétique est alors contrôlée par les réactions d’interface. Ces interfaces peuvent se manifester sous forme de pores dont les dimensions sont élevées comparées au chemin de diffusion moyen des molécules gazeuses.

Les cinétiques linéaires correspondent à un régime favorisant une oxydation rapide et parfois catastrophique du matériau. Elles sont notamment observées lors de l’oxydation isotherme ou cyclique aux températures intermédiaires (500-700°C) des phases MAX comportant du titane en site M et susceptibles de former conjointement de l’anatase et du rutile (H.P.ZHU ET AL.2015;X.K.QIAN ET AL.2010;X.H.WANG AND ZHOU 2003C). La différence de coefficient de dilatation entre ces deux formes allotropiques se traduit par la formation de microfissures au sein de la couche d’oxydes, multipliant les chemins de diffusion des ions. Ces cinétiques sont par ailleurs observées dans le cas d’écaillage ou à l’issue d’oxydation parabolique ayant conduit à l’obtention d’une forte concentration de pores, de microfissures ou à une consommation trop importante de l’aluminium contenu dans l’échantillon (S. B.LI,CHENG, AND ZHANG 2003;LEE AND PARK 2007A;X.LI ET AL.2016). De plus, un chargement mécanique externe peut favoriser cette cinétique par l’intermédiaire de la création de microfissures et de cavités

(CALVARIN-AMIRI,HUNTZ, AND MOLINS 2001;C.H.ZHOU,MA, AND WANG 2010).