• Aucun résultat trouvé

CHAPITRE IV. RESISTANCE A L’OXYDATION

IV.2. b. Taille des grains

IV.2.b.i) Essais d’oxydation

La taille de grains constitue un autre paramètre souvent déterminant dans la croissance de couches d’oxydes à haute température. Dans le cas des phases MAX alumino-formeuses, plusieurs études ont mis en évidence une diffusion externe de l’aluminium le long des joints de grains et donc une influence non négligeable du nombre de joints de grains / de la taille de grains, comme le montrent les travaux menés par Li et al. sur Cr2AlC (S.B.LI,CHEN, ET AL.2013). Pour évaluer l’impact de ce facteur sur les propriétés de la phase MAX Ti3AlC2, des échantillons élaborés par frittage réactif par compression isostatique à chaud (CIC) ont été utilisés. La microstructure obtenue par cette méthode présente des grains de longueur moyenne comprise entre 60 et 100 µm et de largeur comprise entre 10 et 40 µm (voir en Figure IV-24). Des intermétalliques TixAly ont par ailleurs été observés aux joints de grains. Plus de détails sur la synthèse et la microstructure de ces échantillons sont donnés par Bei (BEI 2011).

Figure IV-24 : Micrographie en électrons rétrodiffusés d’un échantillon de Ti3AlC2 élaboré par frittage réactif en CIC à 1450°C pendant 2h et 50 MPa pendant 1h (BEI 2011)

Les échantillons élaborés par CIC présentent des grains dont les dimensions sont environ dix fois plus importantes que celles observées dans les lots de matière densifiés par frittage flash. Le gain de masse

183

des échantillons élaborés par CIC et oxydés sous air sec jusqu’à environ 90h entre 800 et 1050°C est donné en Figure IV-25.

Figure IV-25 : Evolution du gain de masse par unité de surface d'échantillons de Ti3AlC2 élaborés par CIC testés en oxydation isotherme sous air sec entre 800 et 1050°C

Les gains de masses obtenus lors de l’oxydation d’échantillons produits par CIC sont beaucoup plus élevés que ceux mis en évidence pour les échantillons produits par frittage flash (voir Figure IV-25 et Figure IV-19). En effet, pour ces derniers, les gains de masses les plus élevés ne dépassent pas 4 g/m² après 100h de traitement thermique alors que ces valeurs sont atteintes après seulement 5h de traitement thermique à 800°C dans le cas de l’oxydation d’échantillons à gros grains. Pour les premières heures d’oxydation, les valeurs de coefficients n caractérisant les cinétiques d’oxydation indiquent des cinétiques linéaires. Pour les températures plus élevées (> 800°C), une transition de cinétiques s’opère et la tendance devient parabolique entre 850°C et 1050°C (1,3 < n < 1,8). Les constantes paraboliques déterminées à l’issue des premiers stades d’oxydation sont renseignées en Figure IV-25. Les constantes paraboliques obtenues lors de l’oxydation isotherme de Ti3AlC2 à microstructure gros grains sous air sec entre 800 et 1050°C sont comparables à celles obtenues pour la solution solide Ti3(Al1-xSnx)C2 testée dans les mêmes conditions. Ainsi, une augmentation de taille de grains conduit à un abaissement de la résistance à l’oxydation de la phase MAX Ti3AlC2. Pour expliquer ce phénomène, des observations MEB ont été réalisées sur l’échantillon oxydé pendant 30h à 950 °C (voir Figure IV-26).

184

Figure IV-26 : Observations en électrons rétrodiffusés d’une coupe transverse d’échantillon de Ti3AlC2 à gros grains oxydé sous air sec pendant 30h à 950°C – a) couche d’oxyde formée en surface de l’échantillon – b) observation d’un pore au sein

de la phase MAX et à proximité de la couche d’oxyde – la flèche rouge en pointillés indique une microfissure et les flèches pleines bleues indiquent des joints de grains, lieux privilégiés de la diffusion ionique – c) Schématisation de la couche

d’oxyde formée

L’image MEB présentée en Figure IV-26-a indique la formation d’une couche d’oxydes épaisse en surface de la phase MAX. Celle-ci a une épaisseur d’environ 100 µm et peut atteindre 170 µm par endroits. Elle est constituée de TiO2 (oxyde clair) et d’Al2O3 (oxyde foncé) et s’organise sous forme d’une couche externe de TiO2, d’une couche sous-jacente d’alumine semblant diffuser dans la couche externe, et enfin d’une couche interne constituée d’un mélange d’alumine et de dioxyde de titane, ce dernier étant majoritaire (voir Figure IV-26-c). Cette structure est semblable à celle observée précédemment pour une microstructure à grains fins (voir Figure IV-4-b) après 499h de traitement thermique à 800°C sous air ambiant lorsqu’une oxydation catastrophique est constatée.

La Figure IV-26-b représente un pore situé à proximité de la surface oxydée et présentant lui aussi un début d’oxydation sur ses parois manifesté par la présence d’alumine. Une explication possible concernant l’oxydation de ce pore est de le considérer comme débouchant en surface (ici la surface polie) et donc en contact avec une pression partielle d’oxygène non négligeable. La présence d’autres pores non débouchant à proximité des surfaces et ne présentant pas de signes d’oxydation corrobore cette hypothèse. Par ailleurs, certains joints de grains aux contrastes plus clairs semblent indiquer une différence de chimie par rapport à la phase MAX environnante (flèches bleues en Figure IV-26-b). Des cartographies chimiques réalisées dans ces zones ont montré qu’un appauvrissement en aluminium

185

aux joints de grains est à l’origine de ces contrastes plus clairs. Les joints de grains constituent donc un chemin de diffusion privilégié pour l’aluminium permettant la formation d’alumine sur les parois des pores. Compte tenu de la faible épaisseur de la couche d’oxydes en surface de ces pores, celle-ci est très probablement majoritairement constituée d’alumine. Ces différences de contrastes ne sont pas observées dans le cas des microstructures à grains fins. Une diminution de la taille des grains permet donc de multiplier les joints de grains et ainsi les chemins de diffusion d’aluminium sans engendrer d’appauvrissement significatif de cet élément aux joints de grains.

Un diagramme d’Arrhénius intégrant les essais d’oxydation réalisés sur le lot de matière synthétisé par CIC est donné en Figure IV-27 et comparé aux données de la littérature.

Figure IV-27 : Diagramme d’Arrhénius obtenu à partir des essais d’oxydation isotherme sous air sec de Ti3AlC2 à microstructure gros grains synthétisé par CIC. Comparaison avec les données d’oxydation de Ti3SiC2, Cr2AlC et Ti3AlC2 de la

littérature

Les valeurs de kp obtenues lors de l’oxydation d’un lot de Ti3AlC2 synthétisé par CIC sont comparables à celles de Ti3SiC2 identifiées dans la littérature ainsi qu’à celles de Ti3(Al1-xSnx)C2 précédemment étudié attestant d’une faible résistance à l’oxydation. Son énergie d’activation demeure cependant plus faible indiquant un impact moins marqué de la température sur les cinétiques d’oxydation.

186

IV.2.b.ii) Discussion sur l’influence de la taille de grains

Les résultats obtenus à partir d’échantillons synthétisés par CIC et caractérisés par des grains de l’ordre de 10 à 40 µm de largeur et de 60 à 100 µm de longueur indiquent l’effet délétère d’une augmentation de la taille de grains sur la résistance à l’oxydation de la phase MAX Ti3AlC2. Ainsi, les joints de grains représentent des chemins de diffusion privilégiés participant majoritairement au transport d’aluminium à l’interface Ti3AlC2 / oxyde. Cet effet néfaste n’a pas pu être mis en évidence pour la phase MAX Cr2AlC pour laquelle les gains de masse les plus importants sont obtenus pour la microstructure grains fins (grains de 2 µm contre environ 60 µm pour la microstructure gros grains) en oxydation isotherme à 1100 et 1200°C (S.B.LI,CHEN, ET AL.2013). Cependant, les conclusions tirées sont en bon accord avec les observations réalisées ici pour Ti3AlC2. En effet, les auteurs mettent en évidence la propension de Cr2AlC à microstructure gros grains à former au cours des deux premières heures une couche de Cr7C3 séparant la couche d’oxyde de la phase MAX. Cette couche de carbures n’est pas retrouvée pour la microstructure grains fins et / ou après un temps de maintien plus long. Ainsi, le transport d’aluminium vers la couche d’oxyde s’avère plus lent lorsque la taille de grain est plus importante. Par ailleurs, seul l’oxyde d’aluminium est formé au cours de l’oxydation de Cr2AlC quelle que soit la microstructure mise en œuvre. En conséquence, la prise de masse plus importante constatée pour les grains fins est relative à un meilleur transport d’aluminium favorisant la formation d’une couche dense et épaisse d’alumine. Pour Ti3AlC2, cependant, deux oxydes sont susceptibles d’être formés : le rutile et l’alumine α, c’est pourquoi un transport moins efficace d’aluminium à l’interface matériau / oxyde combiné à une diffusion externe de titane et une diffusion interne d’oxygène favorise la formation de rutile inhibant ainsi la formation d’une couche d’alumine protectrice. Dans le cas de l’oxydation de Ti3SiC2, deux oxydes se forment en surface de la phase MAX, SiO2 et TiO2, et ce quelle que soit la microstructure mise en œuvre. C’est pourquoi les prises de masse observées et les cinétiques d’échantillons gros grains (50-200 µm) et grains fins (4 µm) sont comparables voire légèrement supérieures pour cette dernière microstructure comme mis en évidence par Barsoum et al. sur Ti3SiC2 pour des essais d’oxydation menés sous air ambiant à 1000 et 1200°C (BARSOUM ET AL.2003).

IV.2.c. Porosité et rugosité