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Partie I. La densité : entre évolutions législatives et stagnation des perceptions

B. La loi SRU : un changement de paradigme

La loi SRU – pour « Solidarité et Renouvellement Urbain » – du 13 décembre 2000 est probablement l’une des lois ayant trait à l’urbanisme et à l’aménagement du territoire les plus connues du grand public. Elle doit avant tout sa médiatisation à son article 55, qui impose aux communes de plus de 3500 habitants (1500 en Ile-de-France) de disposer d’au moins 20% de logements sociaux.56

Si on touche ici au « S » de « Solidarité », n’oublions pas que cette loi, vaste et complexe, comporte aussi les lettres « R » et « U » de Renouvellement Urbain ». Pour mémoire, le renouvellement urbain est un concept impliquant la reconstruction de la ville sur elle-même dans l’optique, entre autres, de limiter la consommation d’espace. La définition détaillée de la notion de renouvellement urbain peut s’avérer complexe, polysémique, sujette à débat, et ne présente pas un intérêt majeur dans le cadre de cette analyse. Néanmoins, dans un mémoire réalisé en 201257, Noémie Thomas écrit à propos du renouvellement urbain : « A travers l'idée de « reconstruire la ville sur elle-même », l'objectif est de limiter l’étalement urbain dans les périphéries mais aussi de remodeler le tissu urbain existant pour tenter de solutionner certains problèmes sociaux ».

En s’appuyant sur ces éléments de définition, il est logique d’attendre de la loi SRU une prise en compte des enjeux liés à l’étalement urbain, constatés notamment au cours des décennies 80 et 90. Quelles sont donc les dispositions qui y sont liées ?

En terme de planification urbaine tout d’abord, la loi SRU crée deux documents d’urbanisme majeurs encore utilisés à l’heure actuelle : le SCoT et le PLU. Les MARNU deviennent également des cartes communales (leur appellation actuelle), un document d’urbanisme pensé pour les communes de petite taille, doté d’une validité permanente et approuvé après enquête publique.

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Loi 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, legifrance

57 N.Thomas, D. VYE dir., Eléments de diagnostic sur le renouvellement urbain en Poitou-Charentes, Université de la Rochelle, 2012

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Le SCoT (Schéma de Cohérence Territoriale) vient se substituer aux SDAU (déjà rebaptisés « Schémas d’Aménagement » en 1983). Il vise la même organisation et la même mise en valeur du patrimoine naturel et du bâti, en mettant l’accent sur les éléments qui vont donner une cohérence au groupement ainsi constitué, notamment à partir d'une analyse du territoire sous toutes ses composantes.58 Elaboré sur un périmètre impliquant plusieurs EPCI, le SCOT reprend cinq principes énoncés dans le code de l’urbanisme59 :

• Le principe d'équilibre

• Le principe de renouvellement urbain • Le principe de gestion économe des sols • Le principe de mixité sociale

• Le principe de préservation de l'environnement.

Le PLU (Plan Local d’Urbanisme) vient pour sa part se substituer aux POS. C’est désormais à travers lui que s’exprimeront des éléments tels que le COS.

Ces deux dispositions peuvent sembler relativement déconnectées des préoccupations de densification et de lutte contre l’étalement urbain (si ce n’est à travers des principes du SCoT tels que le renouvellement urbain ou la préservation de l’environnement) mais les évolutions législatives vont par la suite leur donner une importance croissante dans ces domaines, comme nous le verrons par la suite.

Plus proche des enjeux de densification, la loi SRU inscrit dans l’article L121-1 du code de l’urbanisme les principes suivants :

« Les schémas de cohérence territoriale, les plans locaux d'urbanisme et les cartes communales déterminent les conditions permettant d'assurer, dans le respect des objectifs du développement durable :

1° L'équilibre entre :

a) Le renouvellement urbain, le développement urbain maîtrisé, la restructuration des espaces urbanisés, la revitalisation des centres urbains et ruraux ;

b) L'utilisation économe des espaces naturels, la préservation des espaces affectés aux

activités agricoles et forestières, et la protection des sites, des milieux et paysages naturels ;

c) La sauvegarde des ensembles urbains et du patrimoine bâti remarquables ; d) Les besoins en matière de mobilité. »

La notion d’économie d’espace et de maîtrise du développement urbain fait ici explicitement son apparition.

58 Yves Jegouzo, Droit de l'urbanisme : dictionnaire pratique, Le Moniteur, 2011, p. 902 59

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La loi SRU se distingue aussi par des mesures incitatives impliquant notamment la suppression de freins à la densification précédemment établis. Elle marque ainsi la fin du Plafond Légal de Densité, et, du même coup, du versement qui y était associé (VDPLD). La loi SRU vient également limiter la possibilité, héritée des POS, de fixer une taille minimale aux terrains constructibles60. Là où les POS pouvaient auparavant «édicter les règles relatives à l’accès, à la desserte, à l’équipement en réseaux divers et, le cas échéant, aux dimensions et à la surface des terrains »61, les PLU peuvent désormais «fixer une superficie minimale des terrains constructibles lorsque cette règle est justifiée par des contraintes techniques relatives à la réalisation d’un dispositif d’assainissement non collectif62».

Limiter la taille minimale des terrains constructibles devient donc moins aisé.

L’ensemble de ces dispositions tend à desserrer peu à peu les freins à la densification urbaine qui avaient été posés par les lois successives au cours des décennies précédentes. C’est en ce sens que, bien que les mesures soient principalement d’ordre incitatives (pas de contraintes réglementaire telles que l’imposition d’une densité minimale), la loi SRU marque un revirement dans l’approche qui avait été adoptée précédemment. Or, ce revirement intervient dans un contexte national toujours marqué par l’étalement urbain.

Nous l’avons vu, l’évolution de l’étalement urbain et de l’artificialisation des sols entre les années 80 et 2000 était jugée préoccupante. Entre 2000 et 2006, cette tendance se poursuit, avec toutefois un léger ralentissement63. Les résultats des études Corine Land Cover menées sur cette affirment que « les changements d’occupation des sols […] ont affecté environ 620 km2 par an entre 2000 et 2006, contre environ1 120 km2 par an durant la période 1990- 2000 ». 23 Un recul des sols agricoles et des prairies est toujours d’actualité.

60

S. Pérignon, Ecriture du PLU : l’écriture de l’article 5 des règlements de zone, fiche 1, GRIDAUH, 2012 61

Article 19 du décret n° 70-1016 du 28 octobre 1970 relatif aux plans d’occupation des sols 62 Article L. 123-1 du code de l’urbanisme, issu de la loi SRU du 13 décembre 2000

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Commissariat Général au Développement Durable, Le point sur…La France vue par Corine Land Cover, Observation et Statistiques, n°10, avril 2009

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Figure 16 : Evolution de l'artificialisation des sols entre 2000 et 2006

Source : Corine Land Cover

Il est bien entendu prématuré de voir dans le léger recul de l’artificialisation des sols observé entre 2000 et 2006 un effet de la loi SRU, tant les délais sont courts et tant les impacts de mesures réglementaires et juridiques incitatives sur la réalité de l’artificialisation des sols et de l’étalement urbain ne sauraient être aisément mesurés.

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La publication du Commissariat Général au Développement Durable permet surtout de montrer que le chantier entamé par la loi SRU (celui de la lutte contre l’étalement urbain) est toujours d’actualité.

Il rappelle ainsi que « L’artificialisation soutenue des paysages entraîne la destruction d’habitats naturels. La progression rapide des réseaux de transport de large emprise a aussi tendance à fragmenter et cloisonner fortement les milieux naturels. Par ailleurs, l’extension du tissu urbain peu dense et des zones industrielles et commerciales contribue à

l’accroissement des émissions de gaz à effet de serre et de la pollution atmosphérique imputables aux déplacements. »

Devant ce constat, la période 2000 à 2016 est marquée par une multiplication des mesures poursuivant la démarche initiée par la loi SRU et finissant d’affirmer le revirement

institutionnel effectué dans l’approche de la densification.