1.2 Mod´elisation
1.2.2 Loi de Darcy
Sous l’action d’un gradient de pression, les phases fluides peuvent percoler `a travers les pores.
On note Ωf l’espace poreux rempli par un fluide unique. L’´ecoulement de ce dernier est r´egi par les ´equations de Navier-Stokes :
ρv˙ = gradp+ grad(ηdivv) +µ∆v+f sur Ωf (1.8a)
v= 0 sur∂Ωf (1.8b)
La vitesse v et la pression p sont les inconnues du probl`eme tandis que f, force ext´erieure appliqu´ee sur le fluide par unit´e de volume est la donn´ee. 1.8a est le bilan de quantit´e de mouvement, et 1.8b traduit la condition de non glissement du fluide sur la surface des parois de la matrice solide.
L’ensemble des ´evolutions est suppos´e quasi-statique et le fluide est postul´e incompressible.
[169] propose une formulation variationnelle de ce probl`eme. On y suppose que le milieu poreux est spatialement Y-p´eriodique ; chaque p´eriode ´etant constitu´ee d’une partie fluide Yf et d’une partie solide Ys. L’union de l’ensemble des Yf, de mˆeme que celui des Ys est connect´e.
Yf
Y
Y Y
YS1
S3 S4
S2
YS1UYS2UYS3UYS4 YS=
Fig. 1.3. Cellule p´eriodique d’un milieu poreux - Image inspir´ee de [169]
Pour chaque p´eriodeY, la vitesse moyenne du fluide est li´ee `a la pression et aux efforts appliqu´es par :
1
|Y| Z
Y
v0j = Kij
µ
fi−∂p0
∂xi
(1.9) Il s’agit de la loi de Darcy : pour chaque direction j, la vitesse moyenne v0j du fluide est proportionnelle au terme (f − ∂p∂x0) par l’interm´ediaire d’un tenseur K ne d´ependant que de la g´eom´etrie de la p´eriode Y. K[m2] est le tenseur de perm´eabilit´e intrins`eque ; il est d´efini, positif et sym´etrique. Il s’agit du param`etre primordial dans la caract´erisation des propri´et´es de transfert hydrique dans les milieux poreux. Dans la suite, nous allons nous int´eresser aux diff´erentes m´ethodes utilis´ees afin de d´eterminer ce coefficient.
1.2.3 Calcul du coefficient de perm´eabilit´e d’un milieu poreux non d´eformable
Plusieurs m´ethodes ont ´et´e mises au point afin de d´eterminer le coefficient de perm´eabilit´e intrins`eque du milieu. Elles se basent sur la loi de Darcy et utilisent des descriptions g´eom´etriques simplifi´ees afin d’identifier le tenseur K.
1.2.3.1 Mod`ele de Kozeny-Carman
Dans ce mod`ele, Carman suppose que la perm´eabilit´e intrins`eque (mesur´ee enm2) est ´equivalente au carr´e d’une longueur caract´eristique du milieu poreux. Cette longueur est le rayon hydraulique et est li´ee aux caract´eristiques g´eom´etriques du milieu. Kozeny et Carman expriment la perm´eabilit´e dans la direction de l’´ecoulement en fonction de l’aire sp´ecifique du milieu poreux AS et de la porosit´e ν :
kK−Carman=c ν3
AS2 (1.10)
• c : constante d´etermin´ee exp´erimentalement et qui d´epend de la g´eom´etrie du milieu poreux.
1. Comportement hydrique du b´eton
Si on tient compte de la tortuosit´e τ du mat´eriau : kK−Carman =c ν3
A2Sτ2 (1.11)
Carman red´emontre ainsi les r´esultats obtenus par Kozeny qui lui, avait mod´elis´e le r´eseau poreux par un assemblage de capillaires.
Le coefficient c introduit dans les relations 1.10 et 1.11 est d´etermin´e de fa¸con empirique [171]
ou alors grˆace `a la r´esolution des ´equations de Navier-Stokes sur une repr´esentation simplifi´ee de la structure.
1.2.3.2 Le milieu poreux en tant que r´eseau de capillaires
Les ´equations de la m´ecanique des fluides utilis´ees dans le cas d’une g´eom´etrie simple ne sont pas applicables `a la structure complexe du milieu poreux. Les mod`eles g´eom´etriques des milieux poreux visent `a repr´esenter simplement le r´eseau afin d’appliquer les r´esultats usuels de la m´ecanique des fluides. Ces r´esultats permettent de lier le param`etre de perm´eabilit´e aux caract´eristiques g´eom´etriques du domaine.
Une premi`ere approche vise `a repr´esenter la g´eom´etrie du milieu poreux non fissur´e par un r´eseau de tubes capillaires. L’´ecoulement dans la maille ´el´ementaire correspond alors `a un ´ecoulement de fluide `a travers un tube cylindrique :
Ecoulement au sein d’un capillaire´ L’´ecoulement d’un fluide visqueux soumis `a un gradient de pression grad(p) est d´etermin´e par l’´equation de Navier-Stokes 1.8a.
On suppose que le fluide est incompressible et n’est soumis `a aucune force volumique ext´erieure.
On suppose de plus que l’on est en r´egime stationnaire et on n´eglige les termes convectifs. L’´equation s’´ecrit alors en coordonn´ees cylindriques selon l’axe d’´ecoulement unidirectionnel Ox :
−∂p(x, t)
Vx(r) ´etant la composante de la vitesse du fluide suivant Ox.
On note R le rayon du cylindre. La r´esolution de cette ´equation donne en r´egime permanent le profil de vitesse suivant (relation de Hagen-Poiseuille) [137] :
Vx(r) =−R2 La vitesse moyenne ¯Vx et le d´ebit volumique q sont tels que [137, 171] :
|V¯x|=−R2
Capillaires en parall`ele On consid`ere ici des tubes cylindriques suppos´es tous d´ebouchants et parall`eles. Leur diam`etre est choisi de fa¸con `a ˆetre fid`ele `a la distribution de la taille des pores dans le milieu poreux repr´esent´e. On note la densit´e de canaux par unit´e de surface ; la relation entre et la porosit´e du milieu r´eel est alors donn´ee par la relation [137] :
ν=πR2. (1.15)
La vitesse moyenne du fluide est la mˆeme que dans 1.14 tandis que le d´ebit devient : πR2· R2
8µ dp
dx (1.16)
Par identification avec la loi de Darcy, la perm´eabilit´e s’´ecrit : kparallele=R2ν
8 (1.17)
Capillaires en s´erie Le r´eseau est ici d´efini comme l’association en s´erie de tubes compos´es de capillaires de rayons variables. En limitant au nombre de deux le nombre de capillaires en s´erie formant un seul tube, on note R le rayon du capillaire le plus gros etα Rle rayon du capillaire de taille inf´erieure. La porosit´e et la perm´eabilit´e du milieu sont exprim´ees par les relations suivantes [137] :
ν = πR2
2L2(1 +α2) (1.18)
kserie= R2 2
να4
(1 +α4)(1 +α2) (1.19)
Ce mod`ele a pour avantage de tenir compte grˆace `a α, du caract`ere obstru´e ou non obstru´e des canaux transportant le fluide.
Mod`ele de Saffman Les pr´ec´edents mod`eles n’autorisaient qu’un ´ecoulement unidirection-nel. Saffman propose un mod`ele plus r´ealiste en repr´esentant un milieu poreux homog`ene isotrope par un r´eseau de capillaires d’orientation quelconque [166]. En utilisant une repr´esentation statis-tique de l’orientation des pores et de la r´epartition de pression au sein de ces derniers, Saffman parvient `a un facteur de perm´eabilit´e ´egal au tiers de la valeur obtenue dans le cas d’un mod`ele
`a capillaires parall`eles. En effet, dans son mod`ele, il ne prend en compte que les capillaires jouant un rˆole dans l’´ecoulement unidirectionnel de fluide `a travers le milieu poreux. Seul un tiers des capillaires sont parall`eles `a l’´ecoulement, la perm´eabilit´e 1.17 est donc elle aussi divis´ee par trois.
kSaf f man = R2ν
24 (1.20)
1. Comportement hydrique du b´eton
1.2.3.3 Treillis de Boltzmann
Les mod`eles de type capillaires sont des mod`eles p´eriodiques utilisant des propri´et´es de sym´etries inexistantes dans la plupart des milieux poreux r´eels. Les descriptions de type Boltzmann sont donc de plus en plus utilis´ees [31, 183] afin de g´en´erer un sch´ema al´eatoire du milieu poreux. Ce der-nier est repr´esent´e par un assemblage d’obstacles et la condition de non glissement `a la surface des solides est remplac´ee par une condition de r´eflexion des particules de fluide. Les ´equations de Navier-Stokes sont r´esolues sur ce syst`eme complexe, ce qui permet d’identifier les coefficients de l’´equation de Kozeny-Carman.
1.2.3.4 Mod`ele de percolation
[199] mod´elise les disparit´es de la taille des pores de mat´eriaux de construction. Il d´ecrit le milieu poreux en superposant plusieurs r´eseaux d’´echelles diff´erentes. Les calculs des propri´et´es de transport sont men´es par it´erations successives : `a chaque pas de calcul la perm´eabilit´e du milieu est d´etermin´ee grˆace aux lois de percolations et le passage `a l’´echelle sup´erieure se fait grˆace `a une m´ethode de renormalisation.
Des calculs de perm´eabilit´e ont ´et´e men´es sur un groupe de mat´eriaux. Les r´esultats, compar´es
`a l’exp´erience, pr´esentent des valeurs satisfaisantes. Cependant, elles se basent sur certaines ap-proximations quant `a la r´epartition r´eelle de la taille des pores qui est mesur´ee par porosim´etrie mercure. Cette m´ethode reste donc difficilement applicable sans une am´elioration des techniques de porosim´etrie qui ne donnent d’information que sur un intervalle restreint de taille de pores.
1.2.3.5 Limites
Dans la plupart de ces descriptions (cf. §1.2.3.1, §1.2.3.2 et §1.2.3.3), `a porosit´e et surface sp´ecifique ´egales, tous les r´eseaux poreux ont la mˆeme perm´eabilit´e, ce qui est peu fid`ele `a la r´ealit´e.
Il a de plus ´et´e montr´e que les relations de Carman et Kozeny n’´etaient pas applicables dans le cas de mat´eriaux cimenteux [31, 75, 142]. Les relations similaires de type Katz-Thompson qui introduisent la notion de taille critique de pores sont de mˆeme peu satisfaisantes : elles donnent des r´esultats coh´erents pour des mat´eriaux de porosit´e ´elev´ee tels que les gr`es et les roches [192], mais pas pour les mat´eriaux cimenteux tels que le b´eton.
Enfin les mod`eles pr´esent´es sont inappropri´es pour la d´etermination de la perm´eabilit´e dans le cas d’un milieu poreux fissur´e : ces discontinuit´es qui ont une faible influence sur les param`etres structuraux tels que la porosit´e ou la surface sp´ecifique dirigent le ph´enom`ene de perm´eabilit´e, mais ne sont pas pris en compte dans ce type de mod`eles [171, 44].