CHAPITRE II : La glorieuse incertitude du droit anglais
Section 1. L’incertitude de la loi commune
B. Une loi dépourvue de rationale
« Les bonnes lois sont celles pour lesquelles il y’ a de bonnes raisons a assigner»659.
Ces raisons doivent être données dans ce que Jeremy Bentham appelle le
rationale660. C’est l’innovation majeure proposée par le réformateur utilitariste. Elle constitue l’une des pièces maîtresses parmi les armes fourbies pour triompher de l’inaccessibilité du droit anglais. Pour notre
auteur, il ne saurait y avoir de loi qui ne soit assortie d’un rationale,
c’est-à-dire d’un commentaire justificatif. C’est la clef de voûte de toute la théorie de la législation benthamienne car il doit permettre d’apporter la compréhension du droit au plus grand nombre afin que la loi remplisse son office de servir de guide aux citoyens vers le bonheur.
« Le grand office des lois, le seul qui soit évidemment et incontestablement nécessaire, est d’empêcher de détruire, dans la recherche de leur bonheur, une quantité plus grand de bonheur d’autrui »661.
Aux critères classiques de définition de la loi, organique et formel,
Jeremy Bentham en ajoute un nouveau, le rationale. Ce « commentaire
raisonné » a pour vocation d’éclairer la loi et d’atteindre l’objectif
658 Jeremy BENTHAM, Œuvres, tome I, Traités de législation civile et pénale précité, p. 44.
659 Jeremy BENTHAM, Œuvres, tome I, Promulgation des Lois, in Traités de législation civile et pénale précité, p. 269.Voir sur ce point F. OST, Codification et temporalité dans la pensée juridique de Jeremy Bentham, in L’actualité de la pensée uridique de Jeremy Bentham précité, p. 188.
660Cf. infra, p. 259 et s.
661 Jeremy BENTHAM, Œuvres, tome I, Promulgation des Lois, in Traités de législation civile et pénale précité, p. 273. Voir M. EL SHAKANKIRI, op. cit., p. 235 : « C’est en cela que réside le vrai bonheur, c'est-à-dire le vrai plaisir individuel et social ».
157
d’intelligibilité qu’il regarde comme une des conditions sine qua non de
l’accessibilité du droit662.
De ce point de vue, le droit anglais ne laisse d’autre ressource que de dresser un constat de carence. Rien, ni directement, ni indirectement, ni de
loin, ni de près, n’y est comparable au rationale. Selon le père de la doctrine
positiviste du droit, la vérité est que le législateur anglais fait fi de ce qu’il
dénomme « la justifiabilité de la loi »663. A l’opposé, par le rationale « ces
raisons (de la loi) même deviennent une espèce de guide pour les cas où la loi serait ignorée : on peut préjuger ses dispositions, et par la connaissance acquise des principes du législateur, se mettre en sa place, le deviner ou conjecturer ses volontés, comme on présume celles d’une personne raisonnable avec laquelle on a vécu et dont on connaît les maximes »664.
Selon le réformateur anglais, ce commentaire présente un double intérêt pour l’application de la loi par les juges en aval, mais aussi en amont, pour son élaboration par le législateur.
S’agissant de la mise en œuvre de la loi, Jeremy Bentham considère que le rationale servira de guide aux magistrats, mais également aux organismes
publics en charge de son application : « le commentaire raisonné sera d’une
utilité sensible dans l’application des lois. C’est une boussole pour les juges et pour tous les employés du gouvernement »665. Dans l’esprit de notre auteur, cela doit réduire considérablement les erreurs judiciaires, notamment
celles découlant de l’interprétation de la loi : « La raison énoncée ramène
sans cesse au but du législateur ceux qui aurait pu s’en écarter. Une interprétation fausse ne pourrait pas cadrer avec cette raison»666.
Au surplus, le rationale constitue une véritable garantie contre
l’arbitraire des juges. Grâce au commentaire justificatif de la loi, les juges ne peuvent plus se cacher derrière quelconque obscurité ou du silence de la loi pour s’en écarter, voire usurper purement et simplement la fonction du
662 Jeremy BENTHAM, Œuvres, tome I, Promulgation des Lois, in Traités de législation civile et pénale précité, p. 267.
663Ibid., p. 269.
664 Ibid., p. 271.
665 Ibid., p. 272.
158 législateur en édictant des règles de conduite, comme c’est le cas dans le système anglais.
Le rationale doit également permettre aux justiciables d’effectuer un
contrôle plus efficace sur leurs décisions : « les prévarications ne pourraient
plus se cacher. La route de la loi est éclairée dans toute son étendue, et les citoyens sont les juges des juges »667.
Quant à l’élaboration de la loi, le rationale doit servir de guide,
c'est-à-dire d’instrument de contrôle du législateur sur son propre travail. Pour notre auteur, l’exposé des raisons d’une loi est un moyen pour le législateur de savoir si la loi est bonne ou mauvaise selon le principe de l’utilité. Le
rationale a une fonction de test668 : une bonne loi trouve facilement des justifications et prouve sans difficulté son utilité. Le législateur est conduit ainsi à peser gravement le pour et le contre avant d’établir une loi. Si le législateur s’est lui-même convaincu des bonnes raisons de la loi,
c’est-à-dire de sa pertinence (fitness dans le texte, dans le sens de suitability)669,
autrement dit de son utilité, tout individu raisonnable y adhérera. Dans la
667 Jeremy BENTHAM, Œuvres, tome I, Promulgation des Lois, in Traités de législation civile et pénale précité, p. 272.
668 Jeremy BENTHAM, The Works (éd. Bowring), Papers relative to codification and Public Instruction précité, vol. IV, Edinburgh, 1843, Lettre IV, I. p., I, p. 454 : « This appendage, or component part, — call it which you please, — this perpetual commentary of reasons, is what I will venture to propose as a test ; as a test, and the only test, by which, either of the absolute fitness or unfitness of any one proposed body of laws taken by itself, or of the comparative fitness of each one of any number of bodies of law, standing in competition with each other, and proposed as capable of serving for the same division in the field of legislation, any satisfactory indication can be afforded ; — a test, to which, by a predetermined and pre-announced resolution, every such composition ought accordingly to be subjected ».
669 Jeremy BENTHAM, The Works (éd. Bowring), Papers relative to codification and Public Instruction précité, p. 159: « For writing laws, it is enough to know how to write: for establishing them, it is only accessary to possess power. The difficulty consists in establishing good laws. Now good laws are those for which good reasons are assignable: but it is one thing to have established good laws justifiable by good reasons; another thing to have discovered those reasons, and to have presented them to view in the most advantageous light. A third problem, yet more difficult of solution, is to find a common base for all the laws : one unique and clear principle ; to shew their harmony with it; to dispose them in the best order; to give them the greatest simplicity and the greatest clearness of which they are susceptible: to find one isolated reason for a law, is to do nothing. A comparative balance for and against is desirable, since we cannot relie with confidence upon a reason, unless we can be assured that there is nothing stronger to oppose to it in a contrary direction », ».
159 théorie benthamienne de législation, le commentaire justificatif est un
moyen pour « le perfectionnement des loi »670.
Plus précisément, d’un côté, la rédaction de ce rationale –un exposé
des raisons de la loi– est un moyen de contraindre le législateur à donner à la loi un objet clair et déterminé, c'est-à-dire à réduire la question en des
termes simples : « Voilà la loi, voilà la raison assignée à la loi. Cette raison
est-elle bonne ? Est-elle mauvaise ? »671. Autrement dit, les débats ne porteront que sur l’utilité ou non de la loi. Subsidiairement un remède est apporté de la sorte au problème récurrent de la longueur interminable des débats parlementaires.
« Ceux qui ont suivi le progrès des querelles politiques savent que l’objet des chefs est surtout d’éviter ce fatal écueil, cet examen de l’utilité. Les personnalités, les antiquités, le droit naturel, le droit des gens, et mille autre moyens, ne sont que des ressources inventées contre cette manière d’abréger et de résoudre les controverses »672.
D’un autre côté, le commentaire raisonné est pour le législateur un moyen de s’assurer que la loi est en mesure d’emporter l’adhésion du public
et, par voie de conséquence, de « désarmer les frondeurs et les fanatiques,
parce que c’est donner à toutes les discussions sur les lois un objet clair et déterminé »673. Mieux encore, avec des lois justifiées, le législateur est en mesure de satisfaire au jugement du public et le convaincre d’obéir aux lois « non par un principe passif, non par une crainte aveugle, mais par le concours des volontés mêmes »674. C’est l’un des plus grands avantages du
rationale.
D’une manière générale, le commentaire justificatif constitue une véritable sauvegarde contre les changements précipités des lois par le législateur, c'est-à-dire un véritable rempart contre l’insécurité juridique. Il
670 Jeremy BENTHAM, Œuvres, tome I, Promulgation des Lois, in Traités de législation civile et pénale précité, p. 272.
671Ibid., p. 271.
672 Ibid.
673 Ibid.
160 est vu par Jeremy Bentham comme un antidote de l’incertitude de la loi anglaise.
« La force de la raison devient la force de la loi. C’est comme un ancre qui empêche le vaisseau de flotter au gré des vents, ou de dériver insensiblement par la force d’un courant invisible »675.
Et la moindre de ses vertus n’est de contraindre le législateur à
conserver à l’esprit en permanence que les lois : « sont faites pour des
siècles, (elles) doivent être au-dessus des petites passions. Elles doivent commander et instruire »676.
Evidemment, pour instruire, le rationale doit répondre aux exigences
de la cognoscibility. Par de-là la simplicité, la clarté et la précision, il doit, à
l’instar du statute law comme de l’ensemble du système juridique677, être
dépourvu de toutes les fictions inventées par les lawyers et autres créations
artificielles sans rapport avec la réalité. Elles jetteraient la confusion dans l’esprit des citoyens. Il est clair que dans la pensée du père de la doctrine
positiviste du droit « la fiction sape la partie morale (l’inclinaison vers le
plus grand bonheur du plus grand nombre) de la structure mentale de tous ceux qui en font usage. La fiction sape la partie intellectuelle de la structure mentale de tous ceux à qui elle est appliquée et par lesquels le mensonge, proféré à la place d’une raison, est accepté comme constituant une raison suffisante ; et lorsqu’elle est employée par un fonctionnaire judiciaire, le mal est fortement aggravé »678. Introduire des fictions dans le rationale
serait reprendre les errements du législateur anglais et, sur le modèle de ses
lois, jeter « l’obscurité, la confusion ou l’absurde »679. La loi continuerait à
souffrir d’une grave imperfection, son inintelligibilité.
675 Jeremy BENTHAM, Œuvres, tome I, Promulgation des Lois, in Traités de législation civile et pénale précité, p. 272.
676 Ibid.
677 Enrique MARI, Jeremy Bentham : Du souffle pestilentiel de la fiction dans le droit, à la théorie du droit comme fiction, in L’actualité de la pensée juridique de Jeremy Bentham précité, pp. 351 et s.
678 Jeremy BENTHAM, The Works (éd. Bowring), Constitutional Code précité, p. 59. Voir G. TUSSEAU, Jeremy Bentham, La guerre des mots précité,p. 83.
679 Enrique MARI, Jeremy Bentham : Du souffle pestilentiel de la fiction dans le droit, à la théorie du droit comme fiction, in L’actualité de la pensée juridique de Jeremy Bentham précité, p. 353.
161
§2.Le statute law disqualifié pour manque d’intelligibilité
Comme pour la common law, Jeremy Bentham considère que, du fait de
ses caractéristiques formelles, le statute law ne peut prétendre à la qualité de
loi. Si notre auteur considère que les statute laws ont une existence
« réellement assignable »680, puisqu’ils sont écrits, contrairement à la
common law681, ils pèchent singulièrement par leur style de rédaction. Dans
la théorie benthamienne de législation, le discours critique sur les tatute law
est fondé sur deux défauts touchant à son style de rédaction.
Ecrire la loi ne suffit pas. Il faut que celle-ci soit comprise par les
citoyens. Jeremy Bentham veut donner une forme « utile » à la loi pour
porter le droit à la connaissance de tous682. De ce point de vue, une nouvelle
fois, les statute laws anglais n’échappent pas à la critique.
« Les défauts du style peuvent donc se rapporter à quatre chefs : proposition inintelligible, proposition équivoque, proposition trop étendue, proposition restreinte »683.
Autant dire que le législateur d’Angleterre n’avait tiré aucun profit du
chapitre XVII du livre XXIX de l’Esprit des lois (1748) intitulé « Choses à
observer dans la composition des lois ». En effet, Montesquieu avait rédigé
un véritable vade-mecum pour les législateurs. L’impératrice Catherine II de
Russie avait retenu la leçon : « les lois sont faites pour tous les hommes en
général. Tous sont obligés de s’y conformer ; il faut donc que tous puissent les comprendre »684. Dans son commentaire du Nakaz, ses Observations sur
680 F. OST, Codification et temporalité dans la pensée de J. Bentham,in L’actualité de la pensée juridique de Jeremy Bentham précité, p. 182.
681 Jeremy BENTHAM, The Works (éd. Bowring), Of Law in General précité, p. 185. Voir également René SEVE, Bentham le Grec? Bentham le moderne ?, in l’Actualité de la pensée juridique de Jeremy Bentham précité, p. 307.
682 Enrique MARI, Jeremy Bentham, du souffle pestilentiel de la fiction dans le droit, à la théorie du droit comme fiction, in l’Actualité de la pensée juridique de Jeremy Bentham précité, p. 353.
683 Jeremy BENTHAM, Œuvres, tome I, Promulgation des Lois, in Traités de législation civile et pénale précité, p. 368.
684 Instruction de Sa Majesté Impératrice Catherine II pour la commission chargée de dresser le projet d’un nouveau code de loix, Saint-Pétersbourg, Imprimerie de l’Académie des sciences, 1769, art. 458, p. 125.
162
l’Instruction de l’Impératrice de Russie aux députés pour la confection des lois (1774),Denis Diderot n’avait pas manqué de préciser à propos des lois
en général et des codes en particulier que « ce n’est pas assez que tous
puissent les comprendre : il faut que tous puissent les connaître »685. Aussi
bien l’Encyclopédie porte-t-elle : « Toute loi qui n’est pas claire, nette,
précise, est vicieuse »686. Dans cette perspective, au milieu du XVIIIème siècle, Prévost de la Jannès (1695-1749) fait des ordonnances du Chancelier
Daguesseau le modèle législatif par excellence687. Ces considérations
trouvent un écho très favorable auprès des révolutionnaires français et les
rédacteurs du Code civil de 1804688. En effet, dès 1796, le Consul
Cambacérès (1753-1824), le rédacteur des trois projets de code civil sous la Révolution, rappelle à quel point il est nécessaire que la rédaction du code
tende à faciliter l’accessibilité ainsi que l’intelligibilité du droit689. Quelques
temps plus tard, Lahary, membre du Tribunat, fait chorus. Ce dernier insiste
sur « la clarté et la limpidité nécessaires pour que tous les citoyens puissent
en saisir facilement le sens »690.
De ce point de vue, Jeremy Bentham s’inscrit pleinement dans la lignée des Lumières au point de reproduire quasi mot pour mot le sentiment de Denis Diderot. D’après lui, connaître la loi ne suffit pas pour la rendre
accessible, encore faut-il qu’elle soit comprise691. Il consacre un chapitre
complet dans son traité Vue générale d’un corps complet de législation au
685 DIDEROT, Observations sur l’Instruction de l’Impératrice de Russie aux députés pour la confection des lois précité (éd. L. Versini), §123, p. 566.
686 V° Loi (droit naturel) par le chevalier de Jaucourt.
687 Michel PREVOST DE LA JANNES, Les principes de la jurisprudence française, Paris, 1759, tome I, pp. xxiv-xxv.
688 PORTALIS, Discours préliminaire, Recueil complet des travaux préparatoires du Code civil, Fenet, Recueil complet des travaux préparatoires du Code civil, 24 thermidor an VIII, pp. 170-175.
689 Discours préliminaire sur le 3ème projet de Code civil (messidor an IV), Fenet, tome I, p. 140.
690 LAHARY, Tribunat, séance du 21 frimaire an X, Fenet, tome VI, p. 216.
691 Jeremy BENTHAM, Œuvres, Traités de législation civile et pénale précité, chapitre XXXIII, tome I, p. 370.
163
style des lois692. Selon lui, « les paroles de la loi doivent se peser comme
des diamants »693.
Il fait de l’intelligibilité de la loi une condition nécessaire à son accessibilité. Pourquoi y attache-t-il une telle importance ? Il s’en explique
lui-même : « Le but des lois est de diriger la conduite des citoyens. Deux
choses sont nécessaires à l’accomplissement de ce but : «Que la loi soit claire, c'est-à-dire qu’elle fasse naître dans l’esprit une idée qui représente exactement la volonté du législateur ». »694.
Comme à l’accoutumée, il a en vue les statute laws de son temps
auxquels il reproche l’absence d’ordonnancement rationnel des articles (entendre une numérotation continue), la prolixité des dispositions et, plus gravement encore, l’opacité de la langue et la confusion des termes utilisés.
Pour notre auteur, « Les actes du parlement britannique sont encore en
défaut à cet égard (la clarté du style). La division en section et les numéros qui les distinguent dans les éditions courantes, ne sont point authentiques »695. Jeremy Bentham précise que « dans le parchemin original, texte de loi, l’acte entier est d’une seule pièce, sans distinction de paragraphe, sans ponctuation, sans chiffre. (…) C’est pour ainsi dire, une algèbre en sens contraire »696. En l’absence d’une numérotation pour distinguer les articles d’une loi, souligne encore notre auteur, aucun renvoi ne peut être fait. Pour des raisons pratiques de pure commodité, une division numérique s’impose. En réponse à la question de savoir s’il est possible d’amender un article d’une loi anglaise, sa réponse est, là aussi, on ne peut
plus claire : « Comme il est impossible de désigner cet article par un renvoi
numérique, on est réduit à des périphrases et des répétions toujours longues et par conséquent obscures »697. Bentham d’en conclure : « C’est par l’ensemble de tous ces défauts que les statuts anglais acquièrent cette
692 Jeremy BENTHAM, Œuvres, tome III, Du stile des lois, in De l’organisation judiciaire et de la codification précité, précité, pp. 339-342. Voir J-P DUPRAT, La législtique formelle, op. cit.,pp. 19-21.
693 Jeremy BENTHAM, Œuvres, tome III, Du stile des lois, in De l’organisation judiciaire et de la codification précité, p. 341.
694 Ibid., p. 368.
695 Ibid., p. 369.
696 Ibid.
164
prolixité démesurée, et que la loi est offusquée sous le verbiage de la rédaction »698.
Il fait siennes les considérations de Montesquieu sur la rédaction des
lois : « Le style des lois doit être simple et concis, la loi ne doit pas contenir
d’expressions vagues, elle ne doit pas être subtile car elle est faite pour des gens de médiocre entendement. Il faut éviter les exceptions et les limitations, car de pareils détails jettent dans de nouveaux détails ; comme les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires, celles qu’on peut éluder affaiblissent la législation ; une loi doit avoir son effet, il ne faut pas permettre d’y déroger par une convention particulière. Enfin, il ne faut point de changement de lois sans raison suffisante »699. Comme il considère que le citoyen destinataire des lois est une personne d’une intelligence
moyenne, il suggère de recourir à une rédaction brève et claire700.
Les statute laws jouent encore le rôle de repoussoir, elles lui permettent de dresser une liste bien fournie de contre-indications :
« Les phrases incidentes, les parenthèses qui auraient dû faire des articles distincts ;
- La tautologie ;
- La répétition des mots spécifiques, au lieu de mots génériques ;
- La répétition de la définition, au lieu du terme propre qu’il fallait définir une fois pour toutes ;
- Développement des phrases, au lieu de se servir des ellipses usuelles ; - Des détails inutiles »701.
Jeremy Bentham insiste particulièrement sur le défaut de concision des
statute laws. Il considère que, devant de telles lois, il est impossible à un