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La loi du 17 août 1960 ayant pour objet l’organisation des Musées de l’État

CHAPITRE II : L’État comme gestionnaire de la culture (1945-1969)

II.2. Le volet étatique : déclarations gouvernementales et textes législatifs

II.2.2. La loi du 17 août 1960 ayant pour objet l’organisation des Musées de l’État

Le 12 juillet 1960, la Chambre des députés vote une loi « ayant pour objet l’organisation des musées de l’État », qui est admise avec 51 voix et une abstention.108 Or, plusieurs années de préparation ont précédé ce vote. Un premier projet de loi est déposé en janvier 1957 conjointement par le ministre de l’Éducation nationale (Pierre Frieden) et le ministre des Finances (Pierre Werner, CSV), proposant une réorganisation surtout au niveau personnel et structurel du Musée d’Histoire et d’Archéologie ainsi que du Musée d’Histoire naturelle. Il s’agit de « conférer un statut légal »

103 Loi du 5 décembre 1958 ayant pour objet l’organisation de la Bibliothèque Nationale et des Archives de l’État ; in : Mémorial A n° 27 (1958), p. 1551.

104 Cf. Loi du 12 mai 1958 concernant le Budget des recettes et des dépenses de l'État pour l’exercice 1958 ; in : Mémorial A n° 28 (1959), p. 644.

105 Cf. Loi du 26 juin 1959 concernant le Budget des recettes et des dépenses de l’État pour l’exercice 1959 ; in : Mémorial A n° 28 (1959), p. 646.

106 Cf. Loi du 12 mai 1958 concernant le Budget des recettes et des dépenses de l'État pour l’exercice 1958 ; in : Mémorial A n° 28 (1959), p. 643 et Loi du 26 juin 1959 concernant le Budget des recettes et des dépenses de l’État pour l’exercice 1959 ; in : Mémorial A n° 28 (1959), p. 646

107 Cf. Loi du 14 mai 1956 concernant le Budget des recettes et des dépenses de l’État pour l’exercice 1956 ; in : Mémorial A n° 28 (1956), pp. 697-698 et Loi du 24 mai 1957 concernant le Budget des recettes et des dépenses de l’État pour l’exercice 1957 ; in : Mémorial A n° 30 (1957), pp. 709-710.

108 Cette abstention n’est d’ailleurs pas motivée par le contenu de la loi (Cf. Chambre des députés, Compte-rendu de la session ordinaire de 1959-1960, 65e séance (12 juillet 1960), pp. 2911-1912).

40 aux Musées de l’État, comme dans le cas de la loi du 5 décembre 1958.109 Dans l’historique qui précède le texte législatif même, les auteurs insistent également sur le nombre de visites et d’expositions organisées depuis 1945, mais ne donnent aucune précision sur la démographie de ces visiteurs (âge, nationalité, résidents ou non-résidents).110

L’exposé des motifs met en évidence le rôle important des musées « dans notre vie culturelle », en raison de la conservation du patrimoine matériel, mais aussi du savoir transmis au public. La « qualité » et la « variété » de leurs collections leur permettraient de « fournir une haute valeur scientifique et éducative à la formation du public luxembourgeois de tous les âges. » Les deux ministres insistent fortement sur l’aspect de l’éducation, tout en se limitant à un public national. Ils considèrent que les musées font partie d’une société civilisée, se caractérisant par un respect pour un « long passé », mais aussi l’intérêt, voire la « curiosité », apportée aux « choses anciennes ».111

Allant au-delà des frontières nationales, comme dans l’exposé des motifs du projet de loi sur la Bibliothèque nationale et les Archives de l’État, les auteurs remarquent la place importante de « nos Musées » dans les « relations culturelles internationales », en raison des expositions étrangères qui y sont organisées dans le cadre des accords culturels bilatéraux. Il s’ensuit des propos des deux ministres que les musées deviennent un instrument de renforcement d’une coopération avec l’étranger.112

Le projet de loi, outre des dispositions qui concernent le recrutement du personnel, prévoit la séparation des deux Musées avec leur direction propre : le « Musée d’Archéologie et d’Histoire », ainsi que le « Musée d’Histoire Naturelle ». Ces musées auraient le droit d’accepter des dons et d’agrandir leurs collections, mais aussi d’assumer « la surveillance générale des musées privés, locaux, régionaux ou autres ». L’État, par le biais de ces musées, aurait donc un certain contrôle

109 Chambre des députés, Annexe du compte-rendu de la session ordinaire de 1957-1958, Projet de loi n° 76 (712) ayant pour objet l’organisation des Musées de l’État, p. 778.

110 Cf. Chambre des députés, Annexe du compte-rendu de la session ordinaire de 1957-1958, Projet de loi n° 76 (712) ayant pour objet l’organisation des Musées de l’État, pp. 776-777. On retrace aussi l’histoire de ces deux musées et des détails quant à leurs collections.

111 Chambre des députés, Annexe du compte-rendu de la session ordinaire de 1957-1958, Projet de loi n° 76 (712) ayant pour objet l’organisation des Musées de l’État, p. 778.

112 Chambre des députés, Annexe du compte-rendu de la session ordinaire de 1957-1958, Projet de loi n° 76 (712) ayant pour objet l’organisation des Musées de l’État, p. 778.

41 sur les autres musées du pays qui lui échappent : la décentralisation semble être tolérée, mais elle ne doit pas se soustraire aux autorités. Le texte prévoit également la création de commissions de surveillance, dont les buts et fonctions seront fixés par un règlement d’administration publique. Ces commissions permettront au gouvernement de surveiller le fonctionnement des musées.113 Dans son avis, le Conseil d’État propose plusieurs modifications, dont la création d’une direction commune des deux musées. Pour le Conseil, une séparation « ne semble pas heureuse » en raison de la petite taille du pays. La dénomination des deux musées changerait en Musée d’Art et d’Histoire et Musée d’Histoire Naturelle.

Le projet de loi est soumis à la Chambre des députés le 15 juillet 1959 pour un premier vote. Les articles sont admis, avec plusieurs changements portant sur le nombre de fonctionnaires et la direction des musées. Abens, au nom du parti socialiste, salue le projet de loi. Il souhaite également une visite plus fréquente des musées par les élèves et un meilleur équipement des musées régionaux dans les localités touristiques. Le ministre Grégoire, répondant à cette dernière remarque, explique que cette loi permettrait d’avoir des experts à la disposition, afin de s’occuper des musées régionaux et locaux. Les objets trouvés dans les fouilles dans certaines régions pourraient également trouver leur place dans ces musées. Quant aux visites, Grégoire met en avant l’augmentation des visiteurs, en majorité des élèves et écoliers. Lorsqu’il annonce de « continuer notre propagande en faveur de nos musées », il ne fait aucune référence au tourisme,114 contrairement à Abens. Ainsi, pour le gouvernement, le but des musées se limite au cadre national : éduquer et informer la population, valoriser l’histoire du pays, présenter des faits réels, des ‘vérités’, sans pour autant vouloir stimuler l’esprit critique ou soulever de nouvelles questions.

113 Arrêté grand-ducal du 2 décembre 1960 déterminant la composition et les attributions des Commissions de surveillance des Musées de l’État ; in : Mémorial A n° 66, pp. 1498-1499. Ce texte établit, entre autres, la nomination des membres et des présidents des deux commissions (une pour chaque musée) par le ministre des Arts et Sciences. Ces commissions se prononcent sur des questions d’organisation, d’administration et de fonctionnement du Musée. 114 Chambre des députés, Compte-rendu de la session ordinaire de 1958-1959, 33e séance (15 juillet 1959), pp. 1925-1926.

42 Finalement, le 12 juillet 1960, le projet de loi est voté à la Chambre des députés, avec les modifications proposées par le Conseil d’État (en ce qui concerne p.ex. la direction assurée par un conservateur), ainsi que par la section centrale (une direction pour chacun des deux musées).115 L’impact de la Loi du 17 août 1960 ayant pour objet l’organisation des Musées de l’État sur le budget de l’État est considérable. Alors qu’en 1960, le montant prévu pour le chapitre « A. – Musée de l’État » s’élève encore à 3.654.000 LUF, il atteint en 1961 5.786.000 LUF. L’évolution de l’article « Traitements des fonctionnaires » explique une grande partie de cette hausse : les dépenses passent de 348.000 en 1960 à 1.814.000 en 1961.116 À partir de 1967, le chapitre « A. – Musées de l’État » est divisé en trois parties : « Crédits communs », « Musée d’histoire naturelle » ainsi que « Musée d’histoire et d’art », reflétant ainsi la nouvelle organisation créée par la loi du 17 août 1960 – avec quelques années de retard.117

II.2.3. La loi du 21 mars 1966 concernant a) les fouilles d’intérêt historique, préhistorique,