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Essai 2. Origine migratoire et performance scolaire:

III. L’ EFFICIENCE DE LA PRODUCTION EDUCATIONNELLE

2. Littérature

Les considérations d’efficience ont été introduites dans la littérature économique à la fin des années 50 (FARELL, 1957). Alors que l’efficacité est une mesure de résultat, l’efficience productive d’une industrie représente une mesure des moyens mis en œuvre (les inputs) pour atteindre un certain niveau de production (l’output). D’un point de vue méthodologique, diverses stratégies empiriques ont été développées pour estimer des frontières de production permettant de mesurer l’efficience. D’une part, les techniques paramétriques qui utilisent une approche statistique ou économétrique afin d’estimer les modèles de frontières stochastiques (AIGNER, LOVELL et SCHMIDT, 1977). D’autre part, les méthodes non paramétriques telles que l’analyse d’enveloppement de données (CHARNES, COOPER et RHODES, 1978;

FÄRE et LOVELL, 1978; BANKER, CHARNES et COOPER, 1984).

En éducation, les recherches utilisant le DEA se sont développées aux Etats-Unis à partir du début des années 1980 (CHARNES,COOPER et RHODES, 1981; BESSENT, BESSENT, KENNINGTON et REAGAN, 1982 et BESSENT, BESSENT,ELAM et LONG, 1984). Celles-ci ont été réalisées sur l’ensemble du système éducatif à savoir du niveau primaire (MACEBON et MAR MOLINERO, 2000) jusqu’au niveau de l’éducation supérieure (JOHNES, 2006). Les sujets couverts concernent aussi bien la relation entre la performance et la taille de l’école (BARNETT et al., 2002), que celle entre le degré de compétition entre les écoles et l’efficience (BRADLEY et al., 2001) ou encore le lien entre l’efficience et la neutralité fiscale (CHALOS et CHERIAN, 1995).

Si la méthodologie du DEA présente certains avantages comme la possibilité de tenir compte du caractère multidimensionnel de l’éducation en utilisant plusieurs outputs et inputs, celle-ci a également été la cible de diverses critiques. Par exemple, certaines recherches ont montré que la performance du DEA peut être altérée en présence d’erreurs de mesure ou dans le cas de données complexes typiques au contexte de l’éducation (BIFULCO et BRETSCHNEIDER, 2001 et 2003; RUGGIERO, 2003). Pourtant, il semblerait que l’agrégation des données peut avoir un effet de lissage sur la production avec une erreur de mesure, suggérant que les analyses d’efficience sont plus fiables qu’initialement supposé (RUGGIERO, 2006). D’autres relèvent le caractère relatif des scores d’efficience obtenus avec le DEA. Il est vrai que la capacité du DEA à mesurer l’efficience est dépendante de la nature de la production observée. C’est peut être ce qui explique que plusieurs études se sont intéressées à la comparaison entre l’analyse DEA et celle de régression (THANASSOULIS, 1993; BATES, 1997; PEDRAJA -CHAPARRO et al., 1999; MIZALA et al., 2002).

Il ressort des différentes recherches que les préoccupations de politiques publiques sont souvent au cœur des analyses empiriques. Dans le domaine de l’éducation, la généralisation des études tend d’ailleurs à prouver combien l’évaluation des systèmes scolaires est devenu un enjeu de société et donc implicitement un sujet important de recherche. Dans la mesure où le système scolaire mobilise d’importantes ressources, la mise en place d’une politique d’éducation suppose une évaluation appropriée de l’institution scolaire. La détermination de l’efficience a généralement pour objectif l’élaboration de réformes ou la volonté d’appréhender l’impact de celles déjà existantes. Par exemple, l’étude de PRIMONT et DOMAZLICKY (2006) s’inscrit dans le cadre de la loi “Aucun enfant laissé pour compte” (No Child Left Behind) introduite aux Etats-Unis en 2002. Cette loi vise à améliorer la performance académique de tous les élèves des écoles publiques et met l’accent sur l’acquisition de compétences en mathématiques et en lecture. Elle propose de tester le niveau des établissements dans le but de permettre aux écoles obtenant de faibles résultats de bénéficier d’aides financières. Les sanctions et récompenses découlant de ces mesures font cependant l’objet de vives critiques (KANE et STAIGER, 2002). On trouve d’autres exemples en Grande-Bretagne (JESSON, MAYSTON et SMITH, 1987; BATES, 1997), en Espagne (MANCEBON et BANDRES, 1999) ou au Chili (MIZALA et al., 2002).

La figure suivante présente un cadre conceptuel du processus inputs-outputs. Les inputs généralement utilisés peuvent être regroupés en trois catégories: les inputs de capital humain, les inputs de capital physique et les inputs relatifs à la législation du système éducatif. Concernant les outputs, même si la majorité des études utilise une mesure des acquis cognitifs telle que les résultats à des tests, certains auteurs utilisent également des mesures des acquis non cognitifs ou des outputs post-scolaires.

Figure 1: Un cadre conceptuel du processus inputs-outputs (adapté de LEVACIC et VIGNOLES, 2002) DENSEIGNEMENT PAR ANNÉE,

TAILLE DES CLASSES

OUTPUTS

CARACTERISTIQUES DU QUARTIER, DE LA COMMUNE (EXTERNALITÉS DE PROXIMITE)

L’impact des effets de pairs sur la performance a été mise en évidence dans la littérature EPF (educational production function) qui trouve un effet significatif de la composition de la classe et/ou de l’école sur la réalisation éducationnelle des élèves (SUMMERS et WOLFE, 1977; HENDERSON, MIESZKOWSKI et SAUVAGEAU, 1978; DYNARSKI, SCHWAB et ZAMPELLI, 1989). Dans la littérature des mesures d’efficience, les effets de pairs sont parfois utilisés dans le DEA. En effet, certains auteurs considèrent que dans la mesure ou l’environnement joue un rôle dans le processus éducationnel, il est dès lors normal d’en tenir compte. En revanche, d’autres recherches estiment que dans la mesure où les inputs non discrétionnaires ne sont pas contrôlés par l’école, il est préférable d’utiliser cette information dans une seconde étape (un modèle de régression) afin d’expliquer les différences de scores d’efficience entre les écoles.

Concernant l’environnement de l’école au niveau du quartier ou de la commune, les résultats empiriques sont peu nombreux. RAY (1991) combine une analyse DEA avec un modèle de régression pour estimer l’efficience relative de districts d’écoles publiques du Connecticut. Le DEA est réalisé uniquement avec des inputs discrétionnaires et les scores sont ensuite reliés à des facteurs socioéconomiques dans un modèle de régression. Ses résultats indiquent que l’efficience varie systématiquement avec les caractéristiques socio-économiques des villes. KIRJAVAINEN et LOIKANNEN (1998) étudient les différences d’efficience entre les écoles secondaires Finlandaises avec le DEA et expliquent le degré d’inefficience par un modèle statistique Tobit dans une seconde étape. Les auteurs utilisent à la fois des caractéristiques de l’école (notamment la taille de la classe et celle de l’école) et des caractéristiques de la commune (la densité et le fait qu’il s’agisse d’une communauté rurale ou urbaine). BRADLEY et al. (2001) utilisent à la fois des caractéristiques de l’école (comme la composition de genre de l’école) ainsi que certaines caractéristiques de la communauté (la densité de population afin de capturer l’effet rural-urbain sur l’efficience technique). WALDO

(2001) utilise également des caractéristiques locales (pour plus de détails, voir tableau A0 en annexe).

La littérature qui s’intéresse au processus de choix résidentiel propose un cadre analytique théorique intéressant. L’éducation y est considérée à la fois comme un investissement privé, un bien public fourni au niveau national financé par les taxes sur lesquelles les agents votent et également dans de nombreux aspects un bien public local affecté de manière significative par la composition du groupe (BENABOU, 1993). En effet, si les ménages aux caractéristiques identiques choisissent de se regrouper (TIEBOUT, 1956), les individus hautement qualifiés (i.e avec de hauts salaires) vont vivre dans des régions différentes des individus peu qualifiés (i.e. avec de bas salaires).

Cette ségrégation spatiale est alors entretenue par des différences dans le prix des logements (BENABOU, 1993 et 1995) et peut agir sur l’efficience à travers 3 principaux canaux.

Le premier canal concerne le financement de l’éducation (lien entre environnement et inputs). Il est possible que par un phénomène électoral, les individus de la commune riche consacrent davantage de ressources à l’éducation que les individus de la commune pauvre. Selon TIEBOUT (1956),

la décentralisation d’un bien public local, qu’il soit éducatif ou non éducatif, tend à accroître le degré de ségrégation socio-économique entre les communes. BENABOU (1995) va même plus loin en précisant que la décentralisation d’un bien public local d’apparence bénigne (c’est-à-dire n’entrant en rien dans la formation du capital humain) entraîne une ségrégation qui peut à son tour amener à des disparités potentiellement considérables entre les niveaux des inputs éducatifs non marchand de capital social. On peut raisonnablement s’attendre à ce qu’il y ait un financement des écoles plus important dans les communes riches (sur-investissement) que dans les communes pauvres (sous-investissement).

Le second canal concerne la productivité de l’investissement éducatif (lien entre environnement et outputs). Si le niveau moyen de capital humain de la commune riche est plus élevé que celui de la commune pauvre, la productivité des dépenses éducatives sera alors supérieure dans la commune riche pour un même niveau de dépenses. Ces externalités de proximité pourraient avoir des implications en terme de politique publique car une augmentation des dépenses dans la commune défavorisée sera peu payante du fait que la productivité des dépenses y est faible (DURANTON, 1997).

Finalement, le dernier canal concerne le lien entre l’environnement et les pairs. La composition de la commune aura des répercussions sur la composition des individus des écoles et il est vraisemblable qu’il y ait une forte corrélation entre les caractéristiques des élèves de l’école de la commune avec les caractéristiques des parents qui habitent cette même commune. Les effets de pairs et les effets d’externalité de proximité devraient donc être corrélés. Cependant, si la mobilité est élevée, il est possible que les élèves qui habitent une commune aillent étudier dans l’école de la commune voisine et que les élèves de la commune proviennent en partie des communes voisines.

L’environnement aura donc des répercussions à la fois sur les inputs, les écoles (à travers les effets de pairs) et les outputs. Ne se limiter qu’aux effets de pairs ne permet pas, a priori, de prendre en considération les effets indirects pouvant avoir un impact sur l’efficience des écoles.