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Dans le document presse plateformes IA systémique (Page 80-86)

Dans la deuxième partie, sont décrites « les grandes ten-dances à l’œuvre dans le monde de la création, susceptibles de façonner la scène artistique de demain ». Si l’autopro-duction se développe progressivement, elle n’équilibre en rien les rapports de force entre les créateurs et les plateformes de diffusion avec lesquelles ils travaillent, ni leurs relations avec les acteurs de l’aval.

Le rapport insiste sur l’urgence de renforcer collective-ment la place des créateurs et la nécessité de les rassurer en établissant au préalable « une meilleure reconnaissance de leur professionnalité ». Il manque un statut pour l’artiste-auteur professionnel. La mission préconise, entre autres, d’organiser des « élections professionnelles dans chaque secteur de création artistique afin de doter les artistes-auteurs d’organisations représentatives, financées par les organismes de gestion collective ». Elle recommande également de créer un Conseil national pour mettre fin au morcellement de la représentativité des créateurs, Conseil national au sein duquel seraient présents les organismes de gestion collective et les représentants des producteurs, éditeurs et diffuseurs.

En outre, le rapport suggère que soit désormais établi un contrat de commande tenant compte des spécificités du travail de création en remplacement du tradi tionnel à-valoir – l’avance faite sur les droits d'auteur. Il pourrait être demandé aux organismes de gestion collective de « réserver une part de leurs crédits d’action culturelle aux aides bénéficiant directe-ment aux artistes-auteurs », tout comme il devrait également être facile de conditionner l’octroi d’une aide publique « au respect des droits des artistes-auteurs ».

Le ministre entend-il la colère des quelque 270 000 écrivains, auteurs de BD et de livres, scénaristes, gra-phistes, monteurs, chorégraphes, plasticiens, designers et photographes, qui cotisent actuellement en tant qu’artistes-auteurs au régime général et qui sont les victimes d'une précarité économique, depuis long-temps dénoncée à l’unanimité mais nullement prise en compte par les gouvernements successifs ?

J-A F S

Immersion dans le modèle Amazon

– Impunité fiscale, sociale, environnementale, Attac France, Les Amis de la Terre,

l’Union syndicale Solidaires, novembre 2019

« Une rationalisation totale de l’exécution du travail où chaque mouvement est pensé pour un maximum d’"efficacité" et de "vitesse" »

Ce rapport met en lumière les pratiques d’Amazon et, chiffres à l’appui, dénonce son impunité à la fois fiscale, sociale et environnementale. L’entreprise,

capitalisée 865 milliards de dollars et dirigée par Jeff Bezos, « dissimule 57 % de son chiffre d’affaires réalisé en France » où « elle a détruit en 2018 trois millions de produits neufs, invendus ». Aux États-Unis, « pour un emploi créé par Amazon, deux disparaissent ».

Les auteurs ont analysé en toute rigueur les dérives du leader mondial du commerce en ligne en s’intéressant tout d’abord à ses pratiques d’évasion fiscale, qui sont

« en quelque sorte dans l’ADN de la multinationale ». Aux États-Unis, pays où est établi son siège social, « son taux d’imposition s’est élevé en moyenne à environ 3 %, loin des 35 % ou, depuis 2017, des 21 % de taux "nominaux"

d’imposition des bénéfices des sociétés ». En Europe, l’en-treprise procède à des montages fiscaux transitant par le Luxembourg, lui permettant ainsi de s’exonérer de près des trois quarts de son impôt sur les bénéfices réalisés en Europe. Une autre pratique d’évasion fiscale consiste à s’auto-facturer l’utilisation de la marque Amazon pour effacer les bénéfices imposables d’un pays vers une filiale à la fiscalité moins contraignante.

Alors qu’Amazon déclarait en 2016 un chiffre d’affaires de 21,6 milliards d’euros en Europe, elle ne payait un impôt sur les sociétés qu’à hauteur de 16,5 millions d’euros. Toutes les techniques sont utilisées pour par-venir à ce résultat : lobbying, promesses puis chantage à l’emploi, procédure juridique systématique pour s’opposer aux décisions administratives, captation d’aides fiscales. Pour les auteurs du rapport, qui ne considèrent pas la taxe Gafa comme efficace, « la mise en place de la taxation unitaire et du reporting pays par pays permettrait d’imposer efficacement Amazon et à la France d’augmenter ses recettes fiscales auprès de l’entre-prise à hauteur de 70 % ».

Le rapport s’intéresse ensuite à l’impact environne-mental des activités d’Amazon, concernant particuliè-rement la fabrication de produits, le transport de marchandises et le stockage de données. Après avoir refusé pendant de nombreuses années de présenter le bilan carbone de ses activités de transport, Amazon a finalement publié en 2019 un document « dont les calculs sont très flous ». Au-delà des effets d’annonce, comme l’approvisionnement de ses installations en énergie renouvelables prévu en 2030, qui ne couvri-raient en réalité que 6 % des entrepôts d’Amazon, le groupe développe en même temps le transport aérien en Europe et aux États-Unis. En juillet 2019, « Amazon a ainsi transporté 29 % de produits en plus par avion » par rapport à 2018.

Les dérives sociales d’Amazon sont à l’image de ses pratiques en matière d’optimisation fiscale et de son désintérêt pour son impact environnemental. Avec

645 000 salariés dans le monde, la société dispose de sites logistiques dans neuf pays européens parmi lesquels l’Allemagne, son premier marché en Europe, suivie par la France. Dans l’Hexagone, Amazon dispose de six sites logistiques et de dix agences de livraison depuis 2017, afin de s’affranchir de La Poste et de ses concurrents, auxquels s’ajoutent deux centres de tri. Partout, l’entreprise fait appel à une main-d’œuvre souvent non qualifiée et recourt massi-vement à l’emploi d’intérimaires. Amazon a ainsi mis sur pied « une rationalisation totale de l’exécution du travail où chaque mouvement est pensé pour un maximum

"d’efficacité" et de "vitesse" », ce qui provoque de nom-breux « syndromes d’épuisement, d’accidents du travail et de licenciements pour inaptitude ». Le management est contrôlé par de « puissants algorithmes visant une amélio-ration perpétuelle de la performance » et destinés à écarter ceux qui ne s’adaptent pas.

La présence d’Amazon a un impact direct sur l’économie locale. Aux États-Unis, « pour un emploi créé par Amazon, deux emplois sont détruits ». Le rapport fait état des mouvements sociaux que l’entreprise génère, notamment en Europe depuis 2015. Des grèves, parfois sauvages, immobilisent certains sites lorsque les employés parviennent à se coordonner pour protester contre leurs conditions de travail trop dures, comme ce fut le cas en Allemagne, en Pologne et en Espagne au cours de l’année 2018. En France, le mouvement des Gilets jaunes a fait d’Amazon une cible privilégiée et de nombreux sites ont été bloqués pour dénoncer à la fois les « évasions fiscales record et la destruction d’emplois ». Dorénavant, élus et habitants, de plus en plus conscients des pratiques de la multina-tionale, n’hésitent pas à s’opposer à ses projets d’im-plantation, « comme à Tremblay-en- France (93), à Nîmes ou à New York où Amazon avait prévu d’installer son nouveau siège ».

J-A F S

Better work in the gig economy, Perera K, Ohrvik-Stott, J and Miller C., Doteveryone, January 2020

« Ces petits boulots qui privent de sécurité financière, de dignité et de tout rêve d'avenir »

Think tank anglais spécialisé dans les technologies dites responsables, Doteveryone dresse un constat amer de la situation des travailleurs de la gig economy en Grande-Bretagne, appelée économie des petits boulots en français. Entre les bas salaires, les coûts cachés, la pression permanente d’être toujours disponible et l’absence totale de perspectives, ces tra-vailleurs se sentent pris « dans des sables mouvants » et abandonnés par l’État.

Les auteurs du rapport se sont penchés sur le sort des travailleurs britanniques de la gig economy. Ils consti-tuent une main-d’œuvre payée à la tâche et gérée via des applications mobiles proposées par des plate-formes numériques. Alors qu’un Britannique sur sept a déjà eu recours à ce type d’emploi, et qu’un sur dix en accepte au moins une fois par semaine, « les services qu'ils fournissent – courses en taxi presque instantanées, nettoyage, manucure ou baby-sitting – sont désormais considérés comme allant de soi par les consommateurs ».

Entre 2016 et 2019, le nombre de travailleurs de la gig economy a doublé en Grande-Bretagne, représentant désormais un marché estimé à 2 milliards de livres (2,35 milliards d’euros).

Loin de se limiter aux chauffeurs Uber et livreurs Deliveroo, la gig economy regroupe aussi « des graphistes et des traducteurs, des masseurs et des esthéticiennes, des bricoleurs et des nettoyeurs », dont certains tirent

d’ailleurs un revenu correct de ce statut. Si ces emplois constituent une opportunité pour certains ayant déjà des compétences et des moyens, ils deviennent en revanche « un piège » pour ceux qui n’en ont pas. Ces petits boulots « les privent de sécurité financière, de dignité et de tout rêve d'avenir ». Ils se sentent pris « comme dans des sables mouvants dont il est très difficile de se sortir » et

« les bas salaires deviennent des salaires non viables une fois les coûts pris en compte ». La promesse de flexibilité n’est qu’une façade, puisqu’ils doivent être « disponibles 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 et se démener pour chaque mission disponible », sous peine de ne plus en recevoir s’ils en refusent une seule. L’attribution des com-mandes, gérée par des algorithmes, les font se sentir

« comme des robots et non des personnes ».

Doteveryone formule trois recommandations en indi-quant pour chacune les évolutions que devraient mettre en œuvre les plateformes responsables de cette économie des petits boulots. La première serait d’offrir à ces travailleurs « une sécurité financière » par la mise en place d’un salaire minimum « qui prenne en compte le coût du travail à la tâche », accompagnée d’une meilleure information aux clients concernant le prix du service

« et la manière dont il est partagé entre le travailleur et la plateforme ». Le rapport cite le témoignage d’un chauffeur à Londres : « Je fais 60 heures [par semaine], je gagne 750 £. Mais il faut ensuite déduire les dépenses, environ 150 £ pour le carburant. Je pourrais gagner 600 £, mais vous devez alors payer l'assurance, la TVA pour les voitures. […] Vous ne faites que gérer vos dépenses et vous ramenez 150 à 200 £ à la maison. »

La deuxième recommandation, intitulée « Dignité », suggère que l’automatisation des tâches au sein des plateformes ne justifie pas de faire l’économie de

« structures de gouvernance » afin de recueillir les

questions ou les remarques des travailleurs concernant le fonctionnement des plateformes, afin notamment de pouvoir demander réparation en cas de litige. Un livreur Deliveroo explique ainsi que « si vous avez un problème et que vous les appelez, ils feront de leur mieux pour ne rien faire. Ils en sont arrivés à un point où ils avaient des centres d'appel aux Philippines, où les gens n'avaient que des scripts [guides de conversation téléphonique à suivre à la lettre avec un client, NDLR] ».

La troisième recommandation, intitulée « Rêves », propose au gouvernement britannique d’adapter le

« programme national de reconversion » (National Retraining Scheme), adopté à l’automne 2017, pour

aider ces travailleurs qui n’y ont pas accès. Les plateformes pourraient leur fournir des « Help Hotspots », services d’aide à la vie quotidienne pour qu’ils puissent se reconvertir. À Birmingham, un microtakster, (personne payée pour la réalisation d’une micro-tâche numérique - voir La rem n°37, p.70), témoigne en ce sens : « Je n'ai pas le temps d'améliorer mes compétences car ma priorité numéro un est de gagner suffisamment pour survivre et être à l’aise ».

Sollicités par l’AFP après la publication du rapport, Deliveroo et Uber n’ont pas répondu.

J-A F S

Dans le document presse plateformes IA systémique (Page 80-86)