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Chapitre 2 : Rôle des lipoprotéines dans le développement du RAC

2.1 Généralité sur les lipoprotéines

2.1.4 Lipoprotéine(a) [Lp(a)]

2.1.4.1 Structure, fonction et hétérogénéité génétique

La Lp(a) est une lipoprotéine riche en cholestérol qui présente une structure similaire à la particule LDL [275, 276]. Il s’agit d’une particule LDL contenant une glycoprotéine appelée apolipoprotéine (a) [apo(a)]. Cette dernière forme une liaison covalente avec l’ApoB-100 de LDL grâce à un pont disulfure [277, 278] (Figure 2-5). L’apo(a) présente une forte homologie avec le plasminogène, mais elle est dépourvue d’activité fibrinolytique (ou protéolytique) [279]. En effet, l’apo(a) présente de nombreuses séquences homologues au plasminogène connus comme des multiples domaines répétés nommés « kringles (K) ». Ces motifs contribuent à la forte hydrophilicité de Lp(a) [276] (Figure 2-5). Bien que les trois premières sous-unités protéiques (KI, KII et KIII) du plasminogène ont été perdues, l’apo(a) contient les kringles de types 4 et 5 (KIV et KV) et un domaine protéase inactivée (inactive protease-like domain) [279, 280]. Parmi les 10 différents sous-types de séquences KIV chez l’apo(a), 9 types sont présents en une seule copie dans toutes les isoformes. Néanmoins, un d'entre eux, le sous-type 2 (ou KIV-2), se répète en nombre extrêmement variable selon les individus (entre 2 et 40) [281-283]. Cette variation du nombre de copies dites CNV (copy number variation) est codée au niveau des allèles du gène LPA (le gène codant apo[a]) et explique l'hétérogénéité de la taille de l'isoforme apo(a) observée dans la population humaine (taille varie entre 200 et 800 kDa) [109, 284].

Figure 2-5: Représentation schématique de la lipoprotéine(a) [Lp(a)] avec ses composants protéiques (ApoB : apolipoprotéine B et apo(a) : apolipoprotéine(a)) et lipidiques (PL : phospholipides ; CE : esters de cholestérol ; FC : cholestérol libre ; TG : triglycérides). Adapté de : [276].

2.1.4.2 Déterminants génétiques

Tout d’abord, il est important de noter que le CNV a un impact important sur le niveau de Lp(a). En effet, les concentrations plasmatiques de Lp(a) sont relativement stables au sein d'un individu [109, 285]. Cependant, son taux plasmatique varie de façon remarquable entre les individus: entre 0,1 mg/dL et plus de 200 mg/dL (soit un rapport de plus de 1000 fois) avec une distribution très asymétrique puisque la majorité des gens ont des taux inférieurs à 10 mg/L [286, 287]. Particulièrement, les concentrations de Lp(a) sont déterminées génétiquement par le polymorphisme du gène LPA [109, 286]. En effet, les niveaux plasmatiques de Lp(a) sont inversement corrélés à la taille de l'allèle apo(a) [288] (Figure 2-6). Bien que le polymorphisme du gène LPA reste le facteur principal impliqué dans la variation des concentrations plasmatiques de Lp(a), les individus ayant le même nombre de copies KIV2 peuvent avoir des niveaux de Lp(a) très différents [109]. Cela suggère que cette variation n’est pas entièrement expliquée par le CNV

de KIV2. Ainsi, il convient de souligner que, comparativement aux autres classes de lipoprotéines,

les concentrations de Lp(a) sont relativement résistantes aux changements dues à l’âge, le sexe, l’alimentation et l'exercice [276].

En second lieu, il est intéressant de noter que la plupart des découvertes récentes sur Lp(a) ont été révélées à partir des études génétiques. En effet, dans l’année 2009, deux études remarquables ont montré que le taux élevé de Lp(a) est déterminé génétiquement [109, 289]. Ces études ont également révélé un lien de causalité entre le taux élevé de Lp(a) et le développement de la maladie coronarienne [290]. En outre, la concentration plasmatique de Lp(a) dépend soit de la structure (taille) de l’isoforme de l’apo(a), soit de la présence des variants génétiques (CNV) [290, 291]. Ainsi, les sujets héritant d’isoformes d’apo(a) de petite taille ont une sécrétion plus importante d‘apo(a) que les sujets ayant des isoformes de grande taille [292]. Il existe donc une corrélation inverse entre le taux de Lp(a) et le nombre de domaines kringle-IV-2 présent sur le gène LPA [276] (Figure 2-6). À cet égard, le polymorphisme de taille ainsi que d’autres variations de séquences du LPA expliquent 70 à 90% de la variabilité des concentrations de Lp(a) dans la population. On peut également ajouter qu’il existe des variations interethniques dans les niveaux de Lp(a). En effet, les sujets noirs ont en moyenne un taux 100% supérieur en comparaison des sujets caucasiens. Ainsi, les sujets africains ont des concentrations plus élevées de Lp(a) comparés aux sujets européens et asiatiques [294, 295]. De façon intéressante, des études récentes de randomisation mendélienne ont aussi révélé un lien causal entre la Lp(a) avec le RAC [109]. D’abord, dans une étude d'association pangénomique GWAS (genome-wide association study), Thanassoulis et al. ont démontré qu’une variante génétique, rs10455872 situé dans le locus du gène LPA codant pour la Lp(a), est associé de manière causale avec le RAC [35]. Par la suite, cette étude a été répliquée par deux autres études de randomisations mendéliennes qui ont également mis en évidence un lien causal entre le variant rs10455872 et les niveaux de Lp(a) [36, 37]. De plus, Capoulade et al. ont récemment montré que les niveaux circulant de Lp(a) étaient significativement associés à la progression du RAC [38].

Figure 2-6: Polymorphisme de l'apolipoprotéine (a) et relation entre le nombre de Kringles IV-2 et le taux de circulants de Lp(a) : association avec le RAC. Tiré de [109].

2.1.4.3 Production, métabolisme et catabolisme de Lp(a)

L’apo(a) est synthétisée dans le foie. Des études in vivo suggèrent que la variation dans le taux du Lp(a) chez les individus ayant différentes isoformes est due principalement à la variabilité de sa synthèse plutôt que son catabolisme [292, 296] ; cela pourrait être lié à une faible sécrétion des longues isoformes d’apo(a) [276].

D'intérêt, le promoteur du gène apo(a) contient des sites de liaison pour le récepteur FXR (Farnesoid X Receptor) qui agit comme régulateur négatif de l’expression du gène LPA [109, 297] (Figure 2-7). Le récepteur FXR est en compétition avec le facteur nucléaire HNF4α (hepatocyte nuclear factor 4α), un régulateur positif de l'expression du gène LPA. Étant donné que les acides

biliaires sont des ligands naturels pour le récepteur FXR, cela pourrait expliquer que les patients atteints de choléstase ont des niveaux inférieurs de Lp(a) dans la circulation [109, 297]. Malgré le nombre d'études examinant la cinétique de Lp(a), le mode de synthèse exact et le site du catabolisme Lp(a) ne sont pas très bien compris. Ainsi, bien que le foie soit l'organe principal responsable du catabolisme de Lp(a) [298], l'identité du récepteur ou des récepteurs qui lient et internalisent la Lp(a) reste à définir. Effet, des études in vitro suggèrent que le catabolisme du Lp(a) repose, au moins en partie, sur le récepteur LDLR (low density lipoprotein receptor), alors que l’implication du récepteur VLDLR (LRP1) et le récepteur de plasminogène (PLGRKT) reste à élucider [109, 299]. Récemment, deux études ont rapporté que la Lp(a) est internalisée dans les cellules hépatiques via LDLR, et que cette internalisation est régulée par la protéine PCSK9 (proprotein convertase subtilisin/kexin type 9), un facteur qui diminue le nombre des LDLR à la surface des hépatocytes [109]. De plus, l'internalisation de Lp(a) par le LDLR dépend de l'association de l'apo(a) à l'apo B [300]. Par ailleurs, il a été démontré que des anticorps monoclonaux humains dirigés contre la protéine PCSK9 ont réduit le taux de Lp(a) de façon significative (jusqu’au 32%) [276, 301]. À ce jour, l’impact des statines sur les concentrations de Lp(a) reste controversé, ce qui suggère encore une fois les LDLRs ne sont pas les seuls condidats impliqués dans la clairance de Lp(a) [109]. En effet, la Lp(a) peut se lier à d’autres récepteurs analogues à la famille LDLR, soit le VLDLR (very low density lipoprotein receptor), LRP1 (lipoprotein receptor-related protein1) et LRP2 (ou megalin) [109, 302]. La Lp(a) pourrait être internalisée et dégradée par des fibroblastes embryonnaires de souris qui exprime VLDLR. En effet, chez la souris déficiente en VLDLR, la clairance de Lp(a) est retardée [296]. En outre, Lp(a) peut se lier au récepteur LRP2 (ou megalin), un membre de la famille des LDLR très exprimé dans les reins [303]. De ce fait, l’élévation du taux de Lp(a) chez les patients atteints d'insuffisance rénale chronique serait reliée à LRP2 [304]. L’insuffisance rénale accroît le taux de Lp(a) et l’insuffisance hépatique le décroit [325].

Récemment, le récepteur « scavenger » SR-B1 (scavenger receptor-B1), connu comme étant un récepteur des HDL, a été identifié comme un récepteur impliqué dans le catabolisme de Lp(a) [276, 305]. En effet, des études in vitro ont démontré que SR-B1 favorise l'absorption des composants lipidiques et protéiques de Lp(a) [305]. Le rôle du SR-BI dans le catabolisme Lp(a) a également été confirmé chez des souris transgéniques. En effet, la déficience ou la surexpression de SR-B1 chez la souris affecte clairement le catabolisme de Lp(a), suggérant le rôle majeur de ce récepteur dans la clairance de Lp(a)[305].

Figure 2-7 : Métabolisme de Lp(a). Dans le foie, le récepteur farnésoïde X (FXR) est un régulateur négatif, tandis que le facteur nucléaire hépatocytaire 4α (HNF4α) favorise l'expression de l'apolipoprotéine(a) [apo(a)]. Le catabolisme de Lp(a) est assez controversé, mais des études ont montré qu'il repose, au moins en partie, sur le récepteur de LDL (LDLR), alors que l’implication du récepteur de VLDLR et le récepteur du plasminogène (PLGRKT) reste à élucider. Tiré de [109].