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2. Dysfonction des tissus adipeux abdominaux et altérations métaboliques

2.3 Lipolyse altérée

Le métabolisme des lipides dans le tissu adipeux est un déterminant critique de l’homéostasie énergétique. Tel que mentionné précédemment, la mobilisation et la mise en réserve des lipides sont des fonctions classiques du tissu adipeux. En période de stress ou de jeûne, le tissu adipeux libère des acides gras non-estérifiés qui sont redirigés vers d’autres tissus (ex. le muscle squelettique, le foie, le myocarde, le rein) où ils seront catabolisés pour produire de l’énergie. Ce phénomène est possible grâce à la lipolyse qui se caractérise par l’hydrolyse des triglycérides en acides gras non- estérifiés et en glycérol. L’hydrolyse des triglycérides s’effectue par trois lipases qui sont situées à l’intérieur de l’adipocyte : 1) la triglycéride lipase du tissu adipeux (ATGL), 2) la lipase hormono- sensible (HSL) et 3) la lipase des monoglycérides (MGL) (153). L’ATGL hydrolyse la première liaison de la molécule de triglycéride et libère le premier acide gras. La HSL hydrolyse le diglycéride en monoglycéride et libère le deuxième acide gras. Enfin, la MGL libère le troisième acide gras et le glycérol. Les lipases HSL et ATGL sont les plus importantes pour initier la lipolyse (153). Certains acides gras sont libérés dans la circulation ou réestérifiés dans le tissu adipeux sous forme de triglycérides, alors que le glycérol libéré par la cellule est transporté au foie, où il sera utilisé pour la synthèse hépatique du glucose (154). La lipolyse est régulée par des stimuli hormonaux et métaboliques. À titre d’exemple, les catécholamines (adrénaline et noradrénaline) sont impliquées dans l’hydrolyse des triglycérides, alors que l’insuline inhibe ce processus (155). Brièvement, ces hormones contrôlent la lipolyse par l’intermédiaire de récepteurs membranaires localisés à la surface des adipocytes qui stimulent ou inhibent la voie de l’adénylate cyclase. L’activation des récepteurs β-adrénergiques par les catécholamines est impliquée dans la stimulation de la cascade lipolytique (Figure 8) (155). L’AMP cyclique (AMPc) produite par l’activation de l’adénylate cyclase active la protéine kinase A (PKA). Cette dernière va stimuler la phosphorylation de sites spécifiques de la HSL et de certaines protéines cibles, telles que les périlipines (protéines très abondantes localisées à la surface de la gouttelette lipidique). La phosphorylation de la HSL induit sa translocation vers la vacuole lipidique où elle pourra hydrolyser les diglycérides. À l’inverse, en condition postprandiale, l’insuline active la phosphodiestérase de type 3B (PDE-3B), une enzyme responsable de la dégradation de l’AMPc, ce qui inhibe la cascade lipolytique. D’autres facteurs, tels que les prostaglandines, les cytokines, l’hormone de croissance, les peptides natriurétiques, l’adénosine et le neuropeptide Y régulent la lipolyse (153, 156). Le rôle des prostaglandines (PG) de la série 2 sur la fonction du tissu adipeux sera détaillé dans la section 2.7 de cette thèse.

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In vitro, il est également possible d’examiner la réponse lipolytique à partir d’adipocytes isolés en condition basale ou en condition stimulée avec différents agonistes tels que l’isoprotérénol, la forskoline et le dibutyryl AMPc (Figure 8). Plus spécifiquement, l’isoprotérénol est un agoniste exogène des récepteurs β-adrénergiques. Pour sa part, la forskoline stimule directement la sous- unité catalytique de l’adénylate cyclase et la production d’AMPc, alors que le dibutyryl AMPc est un analogue non-hydrolysable de l’AMPc et agit directement sur l’activité de la PKA.

Figure 8.

Schéma représentatif de la stimulation ou l’inhibition de la lipolyse.

Abréviations : IRS-1, substrat du récepteur de l’insuline; PI3-K, Phosphatidylinositol 3-kinase; PKB, protéine kinase B; PDE-3B, phosphodiestérase 3B; HSL, lipase hormono-sensible; ATGL, lipase des triglycérides du tissu adipeux; MGL, lipase des monoglycérides; PKA, protéine kinase A; AC, adénylate cyclase; AMPc, AMP cyclique; β-AR, récepteurs β-adrénergiques. Figure adaptée de Langin et al. (155) et Rutkowski et al. (157)

Dans un contexte d’obésité, il est fréquent d’observer une augmentation des niveaux circulants d’acides gras en raison des altérations dans le processus lipolytique (158). Les résultats des études ayant comparé la lipolyse des adipocytes omentaux et sous-cutanés ne sont pas unanimes. De façon générale, la plupart des études démontrent que les adipocytes omentaux ont une plus faible lipolyse au niveau basal comparativement aux adipocytes sous-cutanés (21, 76, 78, 79, 121, 159-161). Le compartiment adipeux viscéral et le compartiment adipeux sous-cutané présentent également une sensibilité intrinsèque différente aux régulateurs de la lipolyse. En effet, les adipocytes omentaux répondent plus fortement aux stimuli β-adrénergiques que les adipocytes sous-cutanés (78, 79, 121,

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160). De plus, les adipocytes omentaux sont moins sensibles à l’inhibition de la lipolyse par l’insuline et ce, chez les deux sexes (159, 161-163).

La taille des cellules adipeuses résulte de la balance nette entre la synthèse et l’hydrolyse des triglycérides. Tel que mentionné précédemment, la taille des adipocytes est un déterminant majeur de l’activité lipolytique (21, 101). En séparant la population d’adipocytes matures selon la taille des cellules par une méthode de flottaison ou de filtration, quelques auteurs ont comparé les adipocytes de petit diamètre aux adipocytes de gros diamètre provenant d’un même individu (112, 152, 164- 166). Ces études ont permis d’examiner l’effet indépendant de la taille des adipocytes sur le métabolisme cellulaire, tel que la réponse lipolytique, en évitant l’effet confondant de l’adiposité totale et de la distribution des tissus adipeux. Farnier et al. (164) ont démontré que les gros adipocytes ont une réponse lipolytique aux agonistes β-adrénergiques significativement plus élevée comparativement aux petits adipocytes d’un même compartiment adipeux. Laurencikiene et al. (166) ont également rapporté que les gros adipocytes sous-cutanés ont une réponse lipolytique et des niveaux protéiques de HSL, périlipine et ATGL plus élevés comparativement au petits adipocytes. Toutefois, la majorité de ces études ont été réalisées dans des échantillons de tissus adipeux sous-cutanés et la morphologie des adipocytes viscéraux n’a pas été prise en considération. À la lumière de ces résultats, une lipolyse accrue des cellules adipeuses hypertrophiées pourrait représenter l’un des mécanismes qui contribuent à l’augmentation du flux d’acides gras non- estérifiés en circulation, favorisant ainsi le développement des altérations métaboliques.

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