• Aucun résultat trouvé

Les limites de la transparence de la rémunération des dirigeants : le respect de la vie privée

Chapitre  III   Les nouveaux défis de l’information des actionnaires dans les sociétés

2) Les limites de la transparence de la rémunération des dirigeants : le respect de la vie privée

La   Cour   européenne   des   droits   de   l’homme   considère   que   la   question   des   rémunérations  relève  du  droit  au  secret.  Pourtant,  à  l’heure  où  la  transparence  est  sacralisée,  on   pourrait voir dans un excès de transparence, une atteinte à un droit fondamental de la personne. La Cour de cassation a rappelé à plusieurs reprises le principe du respect de la vie privée.  Les  dirigeants  de  société  devraient  en  bénéficier.  Cependant,  on  justifie  l’atteinte  faite   à la vie privée d’un  individu  et  notamment  ses  revenus,  par  le  caractère  public  de  cette  personne.   Ainsi,  dans  l’affaire  Fressoz  et  Roire  c/France,  la  Cour  européenne  des  droits  de  l’homme  a   considéré  que  les  questions  patrimoniales,  d’une  personne  publique  telle  qu’un  dirigeant   de   grande entreprise, ne relève pas de la vie privée.

La notion de « vie privée » est protégée aux articles 9 du Code civil et 8 de la convention EDH. On peut en donner la définition suivante : « ensemble des informations personnelles  sur  des  aspects  aussi  variés  que  l’intimité  physique  ou  morale,  les  éléments  relatifs   à  l’identité  des  personnes  ou  encore la composition du patrimoine ». Le patrimoine et donc la rémunération relève donc de la vie privée.  Cependant,  le  caractère  public  d’une  personne  est   une hypothèse qui justifie une exception au principe.

La divulgation de ces éléments est une ingérence dans le respect  de  l’article  8  de  la   Convention EDH. Pour être licite, cette ingérence doit être prévue par la loi nationale, nécessaire dans une société démocratique, et poursuivre un but légitime.

Le premier critère est rempli dans la mesure où la divulgation de ces éléments de rémunération  est  régie  par  une  disposition  d’ordre  public  alors  que  l’exigence  de  transparence   est  d’origine  légale.  Le  second  critère  est  lui  aussi  bien  rempli  puisque  le  but  poursuivi  est  de   moraliser le monde des affaires. Enfin, la proportionnalité de la diffusion pourrait poser problème.  En  effet,  l’essor  d’internet  a  modifié  le  spectre  de  diffusion  de  l’information  qui  se   fait en temps réel et qui dépasse le cercle des actionnaires.

Un autre droit fondamental sert de levier à la transparence en matière de rémunération des dirigeants :  le  droit  d’informer.  En  effet,  ce  droit  garanti  à  l’article  10  de  la  convention  EDH   comprend « la  liberté  d’opinion  et  la  liberté  de  recevoir  ou  de  communiquer  des  informations  

ou  des  idées  sans  qu’il  puisse  y  avoir  ingérence  d’autorités  publiques  et  sans  considération  de   frontière ».

Il  existe  donc  un  conflit  entre  le  droit  au  respect  de  la  vie  privée  et  la  liberté  d’informer.   Il faut donc trouver le bon équilibre entre droit protégeant un intérêt général et un droit protégeant   un   droit   particulier.   Ainsi,   pour   poser   une   limite   au   droit   d’informer   la   Cour   européenne90 et la Cour de cassation ont recours au critère du « caractère légitime » ou non de l’information91.

Le droit au respect de la vie privée ne peut servir de fondement à la contestation par un dirigeant de la transparence de ses rémunérations. Ce droit ne constitue donc pas une limite à la divulgation de la rémunération des dirigeants.

Les exigences de transparence prévalent donc sur la propriété de la personne ses les données objectives personnelles et patrimoniale. Or selon P. Catala dans « Ebauche   d’une   théorie   juridique   de   l’information », il existe « un droit primordial de la personne sur les données qui la concerne ». Ce dernier se traduit par  notamment  un  droit  d’accès  aux  fichiers  et   une absence de droit des tiers à cette information protégée. Il existe cependant des exceptions à ce principe, notamment légales  (recensement  de  la  population…). Ce principe de propriété des informations sur soi est fondé sur le droit au respect de la vie privé dont relève « tout ce qui a trait au patrimoine »92. En ce qui concerne les sociétés cotées, le principe est inversé. Elles sont « publiques », selon leur désignation anglaise, et à ce titre sont par principe transparentes et peuvent par exception, comme cela été précisé précédemment, conserver secrètement pendant un certain temps certaines informations.93

Au  delà  de  la  hiérarchisation  entre  les  objectifs  en  termes  de  transparence  d’une  part,   et ceux du droit à une forme de non-divulgation  d’informations, soit  dans  l’intérêt  des  sociétés,   en  tant  que  personnes  morales,  soit  des  dirigeants  en  tant  que  personne  privée  d’autre  part,  les   diverngences entre les normes comptables et financières peuvent constituer un obstacle majeur à  la  possibilité  d’obtenir  des  données  comparables  entre  sociétés,  activités  et  régions.  A  ce  titre,   la  convergence  et  l’uniformisation  de  ces  normes  constituent  un  enjeu  essentiel  pour   rendre possible une réelle transparence  dans  l’information des actionnaires.

90CEDH, 24 juin 2004, aff.59320/00, Von Hannover c/Allemagne.

91 V. M. Dupuis « le  droit  à  l’image  face  au  droit  d’informer,  un  effort  de  simplification », RLDC

2004/11,n°459.

II  L’amélioration  des  systèmes  d’information  financière

Les états financiers des sociétés cotées sont élaborés sur la base de référentiels propres à chaque pays ou chaque région du monde et répondent aux exigences régulateurs des marchés. Or les différences de normes rendent difficiles la lecture de ces informations et sur ce plan, une opposition se fait jour entre les Etats-Unis et la France, à travers le rôle des normalisateurs comptables internationaux. En outre, les régulateurs   doivent   également   s’interroger   sur   l’efficacité  des  exigences  de  reporting  qu’ils  ont  mises  en  place  et  leur  nécessaire  évolution.

1) La  recherche  d’une convergence des normes comptables