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Limites du projet

Il importe de soulever ici certaines limites méthodologiques rencontrées dans le projet.

D’abord, le devis de recherche choisi ne permet pas d’établir de corrélations ni de lien de causalité entre les variables et les différentes informations recueillies. Toutefois, la nature exploratoire et la méthodologie qualitative utilisée ont permis de répertorier des expériences

diversifiées. En outre, la discrimination voire le harcèlement provenant d’intervenants scolaires ou du milieu de la santé était inattendu et n’aurait pas émergé si des instruments de mesure d’intimidation standards employés dans la plupart des études sur le sujet avaient été utilisés.

Seule l’entrevue semi-structurée auprès des parents a permis la documentation de cette thématique.

De plus, le petit échantillon étudié ne permet pas de généraliser les résultats et conclusions obtenus à l’ensemble des individus formant la population étudiée. Ce choix méthodologique avait plutôt pour objectif de générer une compréhension plus approfondie du vécu des participants et des liens entre les variables. Le travail de recherche avec un échantillon beaucoup plus imposant aurait limité cette possibilité d’approfondissement. Il est également à noter que le recrutement de participants répondant aux critères d’inclusion a constitué un défi étant donné les spécificités recherchées (âge, DI légère, bonne capacité de lecture et de compréhension, fréquentation d’un établissement scolaire, etc.). À cet effet, il a été nécessaire d’élargir le critère d’intervalle d’âge puisqu’une participante intéressée et répondant aux critères d’inclusion était un peu plus âgée que 21 ans. Comme la collaboration d’une intervenante de l’AISQ a été nécessaire au processus de recrutement, il est aussi possible que la présélection effectuée parmi sa clientèle ait influencé de manière non intentionnelle la composition de l’échantillon. Les jeunes capables de se prêter à une telle participation présentent nécessairement des limitations moindres et potentiellement des expériences de vie plus positives, ce qui a pu constituer un biais. Aussi, des familles faisant appel à un organisme de soutien et de défense des droits sont probablement plus informées et

impliquées dans le développement général de leur jeune. Nous pouvons ainsi soupçonner qu’ils sont de vaillants « défenseurs » de l’estime de soi de leur jeune et qu’ils font preuve d’une grande proactivité pour mettre fin au harcèlement et à l’intimidation que leur enfant pourrait subir. Par

conséquent, les résultats obtenus ont pu refléter une réalité « plus protégée » et des expériences moins difficiles vécues par les jeunes adultes ayant pris part à l’étude. À l’inverse, il est aussi possible que ce recrutement ait généré des résultats augmentés en termes d’expériences négatives influençant les variables puisque, de par leur demande d’aide à l’organisme, il est possible de croire que les familles choisies vivraient des enjeux d’inclusion plus prononcés par rapport au jeune présentant une DI que d’autres n’ayant pas recours aux services de l’AISQ. De plus, la participation d’individus issus d’autres milieux et ayant potentiellement des expériences différentes aurait pu apporter un contenu plus diversifié à l’étude si la totalité du recrutement n’avait pas été confiée à un seul partenaire. Étant donné la présence d’un seul participant de sexe masculin au sein de l’échantillon, il devient également impossible de tirer des conclusions quant à des différences possibles entre les genres quant aux variables à l’étude.

Sur le plan technique, l’adaptation des instruments de mesure quantitatifs à l’intention des participants a mené à plusieurs modifications majeures de son contenu, dont la reformulation de plusieurs items et l’exclusion de certains autres en raison de leur complexité ou de

l’incompatibilité de leur contenu avec la réalité des participants. Par conséquent, les qualités psychométriques reconnues aux outils originaux ont pu être altérées et n’ont pas été validées pour cette population spécifique. De plus, cette adaptation limite la comparaison des scores obtenus par nos participants à ceux d’échantillons de sujets tout-venant. La compréhension de certains concepts plus abstraits a aussi présenté un niveau de difficulté supplémentaire dans le cadre des entrevues avec les jeunes, et ce, malgré le travail réalisé sous les recommandations du comité de recherche et de l’intervenante de l’AISQ pour augmenter l’accessibilité du contenu. Face à cette dernière observation, nous concluons que l’adaptation des instruments de mesure était un ajustement incontournable malgré son impact potentiel sur la validité des résultats obtenus.

L’utilisation de questions ouvertes en complément au questionnaire a aussi représenté un défi pour l’étude de cette population étant donné la capacité de rappel et d’élaboration habituellement plus ardue. Afin de contrer ces difficultés, d’autres méthodes éprouvées d’adaptation

(Guillemette & Boisvert, 2003; Julien-Gauthier et al., 2009) auraient pu être introduites à différents niveaux du protocole de recherche afin d’enrichir les réponses des participants. En effet, un corpus de connaissances disponible portant spécifiquement sur la participation des personnes ayant une DI à des activités de recherche suggère de nombreuses méthodes favorisant l’accessibilité du contenu des instruments de mesure ainsi qu’une plus grande prise de parole concernant leurs expériences. L’utilisation de ces connaissances tant dans l’élaboration des instruments de mesure quantitatifs et qualitatifs (p.ex. type de questions utilisé, niveau de langage) que pour leur administration (p.ex. rencontre préalable à l’entrevue, emploi de moyens verbaux ou non verbaux pour susciter l’ajout de contenu chez le participant) aurait pu contribuer grandement à la richesse des résultats.

Finalement, ce projet de recherche et la force de sa double méthodologie ont permis de mettre en lumière un risque associé à l’utilisation de questionnaires autorapportés avec des participants présentant une DI. Ce résultat intéressant, pouvant aussi être interprété comme une limite méthodologique dans ce champ d’études que dévoile le présent projet de recherche,

concerne en effet le biais positif des réponses générées par l’utilisation d’un questionnaire auprès de cette population, et ce, malgré les adaptations et le soutien à la passation apportés. Les

résultats quantitatifs obtenus grâce à ces instruments ont d’abord laissé penser que l’estime de soi et l’image corporelle des jeunes vivant avec une DI sont peu liés à leur condition neurologique et à leurs expériences; ces derniers se disant satisfaits de leur image corporelle et rapportant avoir une bonne estime d’eux-mêmes. L’apport des résultats qualitatifs est cependant venu nuancer ces

informations et, du même coup, remettre en question les hypothèses avancées sur la base des résultats d’études antérieures qui ne reposent que sur la collecte de données à partir de questionnaires autorapportés.