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Intimidation et déficience intellectuelle

2.4. Intimidation

2.4.5. Intimidation et déficience intellectuelle

L’état actuel des connaissances permet d’affirmer que les jeunes présentant une incapacité, celle-ci pouvant être de natures diverses, font l’expérience des niveaux plus élevés d’intimidation perpétrée ou vécue que leurs pairs ne vivant pas avec une limitation (Blake et al., 2012; Carter &

Spencer, 2006; Cummings, Pepler, Mishna & Craig, 2006; Mishna, 2003; Reiter, Bryen, &

Shachar, 2007; Rose, Monda-Amaya & Espalage, 2011; Rose, Swearer, & Espelage, 2012;

Swearer, Wang, Maag, Siebecker, & Frerichs, 2012). Parmi les travaux identifiés, très peu d’entre eux offrent des résultats distinguant la prévalence d’intimidation pour chaque type d’incapacité étudié. Un nombre encore plus limité d’études se sont penchées spécifiquement sur la question de l’intimidation chez la population des jeunes ayant une DI (Maïano, Aimé, Salvas, Morin, & Normand, 2016) et ce, en dépit de leur portrait plus vulnérable à la victimisation.

Malgré cette littérature restreinte, la recension des écrits de Maïano et al. (2016) de même que certaines études additionnelles permettent d’obtenir un tableau précis et à jour en termes de prévalence, de différence entre les jeunes ayant une DI et leurs pairs présentant un DT ou ceux vivant avec d’autres déficiences ainsi que des facteurs liés l’intimidation subie ou perpétrée.

Maïano et al. (2016) rapportent des prévalences d’intimidation estimées sur la base des moyennes pondérées de 15,1% (chez les intimidateurs), 36,3% (chez les victimes) et 25,2% (chez les victimes-intimidatrices). L’une des études analysées apporte également des précisions quant aux taux de prévalence associés aux différentes formes que prend l’intimidation. Ainsi, les formes physique et relationnelle de perpétration par les jeunes ayant une DI atteignent respectivement 46,3% et 41,8% tandis que les formes physique, verbale, relationnelle et électronique (cyberintimidation) de victimisation chez cette même population représentent respectivement 33,3%, 50,2%, 37,4% et 38,3% (Rose, Simpson, & Moss, 2015). Ces résultats apparaissent conformes à ce qui est généralement retrouvé chez les jeunes de la population normale en ce qui concerne la perpétration, mais ils sont cependant plus élevés en ce qui a trait à la victimisation et au phénomène des victimes-intimidatrices (Maïano et al., 2016) (e.g. Craig et al., 2009; Due & Holstein, 2008; Due et al., 2005; Nansel, Craig, Overpeck, Saluja, & Ruan, 2004). D’autres études soutiennent aussi que les jeunes présentant une DI se retrouvent davantage dans les rôles de victimes et de victimes-intimidatrices que dans celui d’intimidateur (Farmer et al., 2012; Glumbić & Žunić-Pavlović, 2010; Sheard et al., 2001). De façon percutante, une enquête réalisée au Royaume-Uni rapporte que, sur un échantillon de 502 jeunes ayant une DI âgés entre 8 et 19 ans, 82% d’entre eux indiquent avoir déjà été intimidés (Mencap, 2007). Ces résultats rapportés par un organisme de sensibilisation et d’aide aux personnes ayant une DI pourraient fournir une surreprésentation importante de la victimisation chez cette population. Ils laissent croire, en effet, qu’un large écart sépare les expériences d’intimidation des jeunes vivant avec une DI de celles leurs pairs ayant un DT. Toutefois, le rapport disponible ne permet pas d’obtenir d’informations détaillées quant à la méthodologie utilisée ni les biais possibles d’échantillonnage. Ceci limite donc la crédibilité et l’importance qui peut être accordée de ces résultats.

Néanmoins, d’autres équipes de recherche s’appuyant sur une structure méthodologique plus solide sont à leur tour parvenues à démontrer que la prévalence de victimisation chez les jeunes ayant une DI était significativement plus élevée que ce qui est retrouvé chez leurs pairs présentant un DT. Cette différence significative a été obtenue à la fois dans une étude utilisant une technique autorapportée (Christensen, Fraynt, Neece, & Baker, 2012) et dans des recherches faisant appel aux observations des parents (Bear, Mantz, Glutting, Yang, & Boyer, 2015; Mayes, Calhoun, Baweja, & Mahr, 2015), de même que dans une étude combinant les deux

méthodologies (Zeedyk, Rodriguez, Tipton, Baker, & Blacher, 2014). Lorsque les jeunes ayant une DI ont été comparés à des jeunes présentant des problématiques autres (TDAH, dépression, anxiété, trouble alimentaire), des différences significatives entre les groupes ont aussi révélé que les jeunes ayant une DI étaient plus susceptibles de vivre de la victimisation. À l’inverse, d’autres études n’ont pas obtenu de différence significative entre les prévalences de victimisation des jeunes présentant une DI et celle de leurs pairs ayant un DT (Zic & Igric, 2001) ni avec celle de jeunes vivant avec d’autres incapacités (Blake et al., 2012; Swearer et al., 2012). Pour un sous-groupe spécifique, soit celui de jeunes présentant un TSA, la différence significative obtenue indiquait que les jeunes ayant une DI étaient moins à risque d’être victimes que leurs pairs du groupe TSA (Mayes et al., 2015; Zeedyk et al., 2014).

Quelques-unes des études citées établissent des corrélations entre des facteurs propres aux jeunes présentant une DI et l’intimidation, certains facteurs s’associant plus particulièrement aux conduites de perpétration et d’autres à la victimisation. Les habiletés sociales plus basses et un plus faible niveau d’engagement dans des comportements prosociaux de même que le retrait social et les difficultés relationnelles ont premièrement été désignés comme des particularités prédictives de la victimisation chez cette population (Christensen et al., 2012; Reiter &

Lapidot-Lefler, 2007; Swearer et al., 2012). Les difficultés émotionnelles (Reiter & Lapidot-Lapidot-Lefler, 2007) et des problèmes comportementaux (Fisher, Moskowitz, & Hodapp, 2012) ont aussi été reliés à la victimisation. D’autres auteurs indiquent pour leur part que les problématiques comportementales telles que l’hyperactivité et les conduites agressives sont plutôt associées à la perpétration de l’intimidation par des jeunes ayant une DI (Reiter & Lapidot-Lefler, 2007). De plus, un QI plus faible et, par voie de conséquence, une sévérité plus importante de la DI sont aussi avancés comme des éléments pouvant être en partie responsables de l’implication d’un jeune à titre de victime ou d’intimidateur (Fisher et al., 2012; McLaughlin, Byers, & Vaughn, 2010; Rose et al., 2011). Enfin, des facteurs externes tels qu’un environnement plus restrictif et le cadre de vie dans lequel un jeune évolue peuvent constituer d’autres facteurs de risque contribuant au fait

d’intimider ou d’être intimidé (Fisher et al., 2012; Rose et al., 2012). Le bilan de ces facteurs de risque confirme d’abord la plus grande prédisposition des jeunes ayant une DI à prendre part au continuum de l’intimidation, soit à titre d’intimidateur, de victime ou de victime-intimidatrice.

Ceci soulève également la nécessité d’investiguer de plus près leurs caractéristiques et la dynamique d’intimidation à laquelle ils sont confrontés ou prennent part activement. Toutefois, les chercheurs s’étant généralement concentrés sur les variables personnelles plaçant un jeune à risque, nous relevons qu’un certain manque apparait dans la littérature concernant les facteurs externes pouvant influencer cette prédisposition. En effet, nous croyons que certains éléments comme le fait d’être uniquement en contact avec des milieux « protégés » tels que

l’environnement familial et un environnement de scolarisation spécialisé ou, à l’inverse, le fait d’avoir vécu des évènements personnels difficiles pourraient aussi avoir des effets protecteurs ou précipitant quant à la susceptibilité d’un jeune de vivre de la victimisation.