5. Conclusions et perspectives
5.2 Limites et perspectives de recherche
Pour aller dans le sens de Schön (1983), le regard réflexif que nous souhaitons porter sur
l’approche de recherche constitue un maillon essentiel de ce travail. Nous évoquons trois sources de limitations: l’approche expérimentale, la formulation du référentiel d’éco-conception et des compétences de l’éco-concepteur.
5.2.1 Approche expérimentale
Les limites de l’observation d’un nombre limité de groupes («small scale experiment») ont été
clairement énoncées par Cash et al. (2012) et rappelées au paragraphe 3.3.1. De toute
évidence, nous sommes confrontés à ces limites, qui affectent notamment le caractère généralisable, et donc la validité externe des résultats présentés. Nous avons néanmoins veillé, de plus en plus attentivement au fil de l’avancement des travaux, à soigner la description et la réalisation des montages expérimentaux (profil des participants, déroulement, variables, moyens d’acquisition et d’analyse…). Cela nous permet donc de garantir la reproductibilité des protocoles, dont on a rappelé la contribution à la rigueur scientifique de l’approche. Les limites de l’analyse de protocole mise en œuvre sur le cas BARBARAZ se trouvent dans l’apparente rigueur des résultats quantitatifs obtenus, et par rapport auxquels il convient de
rester prudent. Cross et al. (1996) résument bien l’ambivalence de cette approche à cheval
entre les sciences pour l’ingénieur et les sciences sociales: «Protocol analysis is somewhere in
the middle between the ‘hard’ experimental methods of the natural sciences and the ‘weaker’, purely observational methods of the social sciences». Il est donc de notre responsabilité de
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Enfin, nous avons choisi de mener des investigations expérimentales à la manière de certaines études de recherche en conception. Cela nous a d’abord conduit à mettre en œuvre l’analyse
de protocole, dont on a pu apprécier l’intérêt mais aussi la lourdeur d’exploitation (Cross et
al., 1996; Ahmed et al., 2003). Puis, sur le même modèle de test, nous avons allégé le mode de restitution des données, en mettant au premier plan les «traces» de l’activité d’éco-conception, et au second plan les échanges verbaux entre participants. Nous nous trouvons face au dilemme d’un juste nécessaire expérimental qui permette le meilleur compromis entre plusieurs facteurs: niveau de détail et de pertinence des résultats; temps consacré à l’expérimentation par les participants; temps de préparation et d’exploitation des données pour le chercheur; budget et moyens matériels requis. Ceci constitue à nos yeux un champ d’investigation à ne pas négliger dans de futurs travaux.
5.2.2 Référentiel proposé
Au cours de cette thèse, nous avons proposé et partiellement validé un référentiel d’éco-conception à plusieurs dimensions et niveaux. Il nous paraît impératif de poursuivre ce travail de validation et d’amélioration itérative en consultant (1) des étudiants en cours de formation doctorale en France; (2) des responsables de formation à l’éco-conception au plan international, ce qui n’a pas été possible dans le temps limité de la thèse.
Lors de l’utilisation du référentiel, nous avons volontairement exploré les dimensions de manière quasi-indépendante. Or les relations de dépendance entre dimensions existent du fait de la nature complexe du sujet. Cela peut ouvrir des perspectives de travaux complémentaires prenant en compte la combinaison des dimensions, comme sur le cas MOBILITE en cours d’analyse.
5.2.3 Formalisation des compétences
La consolidation des premiers résultats obtenus sur les compétences en éco-conception nécessite le développement d’expérimentations additionnelles avec d’autres sujets, en particulier «in vivo» (par un projet réel en milieu industriel ou un projet d’éco-conception dans un module académique).
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Pour formaliser un savoir en émergence, nous avons fait le choix simplificateur de projeter des éléments de compétence d’éco-conception sur une échelle linéaire d’expertise. Or nous avons pleine conscience du fait que la formation à l’éco-conception dans une perspective durable se heurte à l’écueil de la complexité. Tout comme en conception, la formation à l’éco-conception «ne peut être perçue comme une liste d’acquisitions linéaires à construire dont la
somme égalerait le tout» (Brunel, 2008).
Enfin la question du choix et de la mise en œuvre d’une évaluation environnementale
pertinente en phase de développement conceptuel nous paraît récurrente et irrésolue. Elle a
été récemment soulevée par Tyl (2011) concernant l’évaluation de concepts
d’éco-innovation, et par Cluzel et al. (2012) dans le cas de projets éco-innovants pour des systèmes
complexes. En effet, les indicateurs environnementaux choisis ne confèrent pas une sensibilité suffisante à l’évaluation des projets, qui ne peuvent être discriminés au plan environnemental
de ce fait. Tout comme Tyl (2011), nous avons constaté une réelle dispersion dans la
perception de la performance environnementale des concepts générés lors de l’expérimentation BARBARAZ. Cela nous conduit à formuler conjointement une nouvelle question de recherche: «Comment définir des critères d’évaluation environnementale
représentatifs et fiables pour sélectionner les concepts les plus pertinents en phase amont du processus de conception de produit?». A cet effet, un nouveau protocole de test a été mis au
point et réalisé en juin 2011. Après avoir redessiné et décrit de manière homogène un échantillon de concepts (jugés les plus dispersifs lors de la première évaluation), nous avons testé plusieurs facteurs potentiels d’influence sur l’évaluation: identification de la phase où apparaît la réduction d’impact, de la catégorie d’impact environnemental, risque de transfert d’impact, comportement de l’utilisateur, importance de la réduction d’impact (relativement à un cas de référence). Les résultats, en cours d’exploitation, devraient permettre d’apporter des éléments de réponse à cette question de la fiabilité d’une évaluation environnementale lorsque les concepts sont à l’état d’ébauche.
A court terme, nous envisageons également de consolider les résultats de l’expérimentation MOBILITE, pour laquelle le point de focalisation est le choix et la gestion des critères d’évaluation environnementale dans un groupe multidisciplinaire de conception.
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