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a. Taille des échantillons

La recherche actuelle comporte principalement des études préliminaires, de preuve de concept, dont l’intérêt est d’étudier l’efficacité mais surtout la tolérance de l’intervention dans la population étudiée. Pour cette raison, peu de sujets ont été recrutés. Un nombre moyen de 42,8 sujets (écart-type : 50,1) était inclus, avec une médiane de 20 sujets. Vingt essais (61 %) ont inclus moins de 30 sujets, nombre en dessous duquel les analyses statistiques sont réputées peu puissantes (distribution

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non normale, emploi de tests non paramétriques…). Six essais ont inclus moins de 10 sujets.

b. Design

Sept essais (21 %) utilisaient une méthodologie ouverte, sans contrôle, et 26 (79 %) étaient des essais contrôlés. Parmi les essais contrôlés, 25 (96 %) rapportaient une méthode de randomisation et un n’attribuait le traitement expérimental qu’aux sujets motivés. Pour un de ces essais contrôlés randomisés, on retrouve pourtant un biais de sélection assez clair : après randomisation des sujets entre l’intervention et un contrôle par placebo, les sujets exclus avant randomisation ont été inclus dans un groupe contrôle recevant le traitement habituel.

Sur les 26 essais contrôlés, seuls 11 (42 %) utilisaient un plan en groupes parallèles. Les 15 essais restants utilisaient tous un plan croisé, en cross-over, une méthodologie plus limitée qu’un plan parallèle Ainsi, nous avons vu que les substances psychédéliques semblent avoir un effet à long terme, avec parfois des rémissions. Dans ce contexte, un plan croisé risque d’entraîner un biais lié aux effets résiduels, effet dit de carry-over. En effet, malgré une période de « lavage » (washout) entre l’administration du traitement expérimental et celle du contrôle, des effets persistants peuvent perturber les résultats du groupe contrôle et ainsi diminuer la puissance de l’étude.

Les analyses de ces essais en cross-over prenaient en compte cette durée d’action. Pour pallier à l’effet de carry-over, les critères principaux d’efficacité étaient mesurés à la fin de la première période : un groupe avait alors reçu le traitement expérimental et l’autre le contrôle, en double aveugle. Après le cross-over, l’administration du traitement expérimental à l’ensemble de l’échantillon permettait

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ainsi d’augmenter la puissance pour des mesures secondaires : durée des effets observés, survenue d’événements indésirables…

c. Contrôle et aveugle

Seuls 3 des 25 essais contrôlés randomisés (12 %) ne rapportaient pas de méthodologie en double aveugle. Dans 2 d’entre eux, l’intervention était comparée à la prise en charge habituelle (thérapie institutionnelle ou contrôle urinaire), la troisième comparait l’efficacité d’une ou plusieurs séances assistées par kétamine. Ainsi, ni le patient ni le thérapeute ne se retrouvaient en situation d’aveugle. Dans 2 de ces 3 études, l’évaluation était par contre effectuée en aveugle du traitement reçu.

Les 22 autres études comparaient l’intervention à un contrôle en double aveugle. Huit d’entre elles (36 %) comparaient la substance psychédélique à un placebo dit pur : soluté salé isotonique, gélule sans principe actif… Les substances psychédéliques induisant une altération de l’état de conscience ainsi que des manifestations physiologiques et comportementales, il peut sembler facile pour les sujets et l’investigateur de deviner si le traitement expérimental ou le placebo a été administré. Quatorze autres essais (64 %) comparaient la substance psychédélique à un placebo impur, c’est-à-dire une substance active pharmacologiquement, mais qui n’est pas efficace dans le trouble étudié. La substance administrée était alors un psychoanaleptique dans 2 études (comparaison du LSD à l’amphétamine ou à l’éphédrine), un psycholeptique dans 4 études (comparaison de la kétamine au midazolam ou au lorazépam) et enfin la niacine dans 2 essais étudiant la psilocybine (induction de réactions neurovégétatives). Dans les 6 derniers essais, une faible dose de la substance étudiée (0,2 mg/kg de kétamine, 25 mg de MDMA, 20 à 50 µg de LSD ou 1 mg/70 kg de psilocybine) était utilisée comme placebo impur. L’objectif était alors d’induire des effets psychodysleptiques et somatiques suffisants pour maintenir le

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double-aveugle mais assez léger pour ne pas être responsable d’effets thérapeutiques. Cet équilibre semble difficile à trouver : une étude a diminué la dose placebo de 3 à 1 mg/70 kg de psilocybine suite à l’observation d’une amélioration clinique, et une autre n’a pas pu considérer une dose de 25 µg/kg (1,75 mg/70 kg) comme une dose placebo en raison d’une efficacité similaire à des doses jusqu’à 12 fois plus fortes.

Aucun article inclus n’a comparé une substance psychédélique à un contrôle actif, indiqué dans le trouble concerné (antidépresseur, anxiolytique, addictolytique…).

d. Limites de la revue de littérature

Cette revue de littérature possède également ses propres limites.

La première concerne l’exhaustivité de la revue. Le choix des mots-clés a pu mener à ne pas identifier des articles qui auraient été pertinents. Par exemple, peu d’études utilisant la kétamine identifiaient cette substance comme psychédélique ou psychodysleptique ; celles-ci ont donc été incluses à partir des références d’autres articles. De plus, le référencement des études les plus anciennes dans la base MEDLINE et leur disponibilité en texte intégral freinait aussi leur inclusion ; la plupart des études anciennes ont été retrouvées à partir de revues plus récentes.

Une seconde limite concerne la difficulté à définir une substance psychédélique. Par exemple, l’alcool peut être considéré, en fonction de la dose, comme une substance psychodysleptique ou psycholeptique. Le cannabis, et plus particulièrement le Δ-9-tétrahydrocannabinol (THC) peuvent aussi rentrer dans cette classe. C’est également le cas d’agents dits « délirogènes », comme les antimuscariniques (atropine, scopolamine) ou certains agonistes gabaergiques (muscimol). L’état modifié de conscience induit par ces substances est pourtant bien différent de celui induit par des psychédéliques classiques ou dissociatifs. A l’inverse, des substances

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habituellement décrites comme psychédéliques peuvent être utilisées sans cette intention. C’est le cas par exemple de la kétamine : la plupart des auteurs cherchent à en limiter les effets secondaires psychodysleptiques et n’évaluent pas l’altération de l’état de conscience.

Il faut également remarquer que la grande majorité des articles (89 %) a rapporté des résultats positifs, en faveur de l’efficacité d’une substance psychédélique. Ceci peut refléter un possible biais de publication, à cause duquel des expériences aux résultats négatifs ne seraient pas publiées.

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