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Evidence for an at-risk subgroup

III.1 Limites méthodologiques

Les résultats obtenus dans cette thèse pourraient résulter au moins partiellement de biais, notamment des modifications thérapeutiques (introduction ou arrêt d’un traitement) ou de la consommation de toxiques (consommation ou arrêt d’une drogue) au cours de l’évolution de la maladie. Deux techniques peuvent être utilisées pour dépasser ces biais : l’ajustement et la comparaison des résultats. Les analyses ont été ajustées sur des biais connus (sexe, âge) et inconnus (par « surrogate variable analysis »). Dans le cas du méthylome, les résultats fournis par l’analyse des changements induits par le cannabis ne recoupent pas ceux obtenus après analyse de la transition. Il est donc peu probable que les résultats des modifications de méthylation au cours de la transition soient explicables par des modifications de la consommation de cannabis. Les meilleurs résultats de méthylation n’étaient pas non plus associés à l’instauration ou à l’arrêt d’un traitement. Il reste difficile de contrôler l’ensemble des biais d’autant que certains facteurs modifiant la méthylation sont probablement encore inconnus. Cependant, on peut arguer qu’il est inutile d’établir la liste complète des biais environnementaux modifiant le méthylome, à condition de se focaliser sur la signature d’un processus biologique.

L’étude par CpG isolée n’a pas permis d’obtenir de résultats significatifs après correction pour des tests multiples. Les faibles variations de méthylation au cours du temps pour chacune de ces CpG expliquent sans doute le manque de puissance. Il était difficile de calculer la puissance a priori puisqu’il s’agit d’une première étude dans le domaine. D’autres limites sont plus complexes à aborder. L’hétérogénéité de ces variations entre les sujets est une autre explication plausible. D’abord, nous n’avons pas conduit d’analyse de la méthylation de l’ADN pour chaque individu. L’hétérogénéité inter-individuelle des phénotypes cliniques et des causes génétiques est un phénomène très connu dans le champ des maladies psychiatriques, y compris en ce qui concerne les états mentaux à risque. Cette hétérogénéité phénotypique et génotypique trouve indubitablement une expression au niveau de la méthylation de l’ADN. Au cours du temps, certains transiteurs ont pour certains gènes une modification de leur

biologiques menant à la psychose pourraient être variées voire mêmes individuelles. Nos résultats sont liés à des ressemblances au sein de groupes catégoriels distincts. Nous n’avons pas non plus conduit d’analyse dimensionnelle ni recherché de variations individuelles de type épimutations privées. De plus, les sujets étaient prélevés à des moments différents de leur trajectoire vers la psychose ce qui a pu diminuer la significativité de certains résultats.

De plus, les approches omiques présentent en elle-mêmes des risques qu’il faut connaitre. Les résultats obtenus peuvent correspondre à une construction statistique en lien avec un sur- ajustement (overfitting) comme l’indique le calcul de l’EPV (events per predictor variable) :

𝐸𝑃𝑉 =𝑛𝑜𝑚𝑏𝑟𝑒 𝑑

é𝑣é𝑛𝑒𝑚𝑒𝑛𝑡𝑠 𝑑𝑎𝑛𝑠 𝑙𝑎𝑛𝑎𝑙𝑦𝑠𝑒 𝑒𝑥𝑝𝑙𝑜𝑟𝑎𝑡𝑜𝑖𝑟𝑒 𝑛𝑜𝑚𝑏𝑟𝑒 𝑑𝑒 𝑝𝑟é𝑑𝑖𝑐𝑡𝑒𝑢𝑟𝑠 𝑑𝑎𝑛𝑠 𝑙𝑒 𝑚𝑜𝑑è𝑙𝑒

𝑆𝑜𝑖𝑡 𝑝𝑜𝑢𝑟 𝑢𝑛𝑒 𝑝𝑢𝑐𝑒 𝑀𝑒𝑡ℎ450𝐾 𝑒𝑡 𝑢𝑛𝑒 𝑐𝑒𝑛𝑡𝑎𝑖𝑛𝑒 𝑑′𝑖𝑛𝑑𝑖𝑣𝑖𝑑𝑢𝑠 ∶ 𝐸𝑃𝑉 = 100

450 000< 10 Une autre limite correspond à l’étude périphérique du méthylome et du transcriptome dans le cas de l’émergence d’une pathologie psychiatrique. La spécificité tissulaire de l’épigénétique et de l’expression des gènes est une limite évidente de cette étude. L’approche périphérique est cependant inévitable dans une étude longitudinale. De manière rassurante, une corrélation significative existe entre la méthylation de l’ADN leucocytaire et la méthylation cérébrale (figure 3.5).

Figure 3.5 extraite de Masliah et al 2013 (179) montrant la correlation significative entre méthylation dans le sang et dans le cerveau

Des auteurs ont comparé systématiquement les données dans le sang et dans le cerveau et recommandent, dans le cas d’études périphériques, de mener des études longitudinales pour effectuer des comparaisons intra-sujets qui pourraient s’avérer plus pertinentes que des comparaisons inter-sujets (180). Cette recommandation correspond à notre paradigme. Il faut noter que les différences de méthylation de l’ADN observées dans le sang pourraient être d’intensité plus faible que les différences observées dans le cerveau (181). La méthylation de l’ADN périphérique pourrait être le reflet en miroir de la méthylation cérébrale. En outre, la méthylation périphérique pourrait être un marqueur d’exposition à des facteurs environnementaux et représenter une cicatrice de changements épigénétiques. En ce sens, son exploration dans le cadre de maladies psychiatriques est pertinente. L’utilisation de biomarqueurs périphériques, proches de la physiopathologie sans être directement impliqués dans la maladie, pourrait faciliter le transfert vers la pratique médicale courante, même si cette approche ne permet par d’explorer dans toute leur complexité les modifications régionales intracérébrales.

Nos explorations réalisées sont nécessairement limitées au regard de nos connaissances actuelles. D’autres mécanismes épigénétiques mériteraient d’être plus largement investigués notamment les miARN. Les gènes dérégulés à M0 sont « surreprésentés » parmi les cibles de MIR-489 (p=0.004943). Cette surreprésentation concerne 2 gènes ADAMTS5 et HUNK. Hormis ce résultat, les anomalies épigénétiques retrouvées ne semblent pas gouvernées par des miARN particuliers et il n’y a rien permettant d’affirmer que la transition psychotique serait liée à la dérégulation d’un ensemble de miARN. Cet argument indirect suggère que la transition psychotique ne serait pas directement liée à des anomalies primaires des miARN mais cette hypothèse doit être directement testée pour pouvoir conclure. A partir des données d’expression obtenues par Q-PCR dans la cohorte ICAAR, nous avons recherché des différences d’expression pour un miARN particulier : miR137. Le miR137 est un miARN intéressant car certains de ses polymorphismes ont été associés à la schizophrénie et la dérégulation de son expression dans les neurones aurait un impact fonctionnel (182). Nous n’avons pas pu démontrer de différence d’expression entre les UHR, NUHR et FEP (p=0.54) ni entre les UHR- P et UHR-NP (p=0.81). Il conviendrait de conduire une étude mesurant les variations de l’ensemble des miARN (miRnome) pour conclure définitivement.

Les mécanismes épigénétiques sont régulés par les variants génétiques. La méthylation de l’ADN et les modifications post-traductionnelles des histones ont des régulations communes (chapitre 1). Il est probable que l’accumulation de variants dans les enzymes permettant la

régulation épigénétique de l’organisme puisse moduler l’apparition de la maladie. Les analyses épistatiques pourraient se révéler très intéressantes pour ces gènes.

L’approche RNAseq dans notre cohorte nous a permis de tester si la transition psychotique s’accompagnait d’anomalies de l’épissage. Globalement, les sujets transiteurs n’ont pas de variation dans le taux des différentes isoformes comparativement à des sujets contrôles. Le logiciel Cufflinks n’a pas permis d’identifier des différences d’expression en terme d’isoformes connues ou inconnues entre les 2 groupes ni de détecter des promoteurs alternatifs. Il pourrait s’agir d’un manque de puissance car une étude (133) a retrouvé des promoteurs alternatifs dans la schizophrénie. A ce stade, rien ne permet d’affirmer que des anomalies concernant le mécanisme d’épissage sont impliquées dans la transition psychotique. En revanche, nous avons pu détecter des transcrits de fusion inconnus chez certains patients. La réalité biologique de ces chimères et leur pathogénicité ne sont pas démontrés. Ces transcrits de fusion ne semblent pas expliqués par la présence de CNV.