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LISTE DES ANNEXES

CHAPITRE 2 REVUE DE LITTÉRATURE

2.4 L’Analyse du Cycle de vie

2.4.2 Les limites de l’AC

2.4.2.1 Les limites générales de l’ACV

Bien que la méthode d’analyse du cycle de vie figure comme une expertise rigoureuse en matière de durabilité, elle comporte certaines limites.

De façon générale, une importante critique faite à l’ACV est la dépendance des résultats face aux divers choix et hypothèses faits lors de la modélisation du cycle de vie. La définition du système, l’allocation des coproduits et le choix des frontières (Reap et al., 2008) sont des facteurs déterminants pour les résultats de l’ACV, mais ils sont laissés au choix partiellement arbitraire de l’analyste qui réalise l’ACV.

De plus, il a été reproché à l’ACV de fournir des résultats peu communicables. En effet, les catégories d’impacts « Midpoint » sont souvent montrées du doigt comme étant des catégories peu intuitives et peu claires pour le grand public (Jolliet et al., 2010). En effet, l’ACV offre différents impacts environnementaux à différents endroits de la chaîne de cause à effet, plus l’impact est choisi loin dans la chaîne de cause à effet plus l’impact est facile à prendre en main par la population, mais plus l’incertitude est grande. Située au bout des chaînes de cause à effet la catégorie « Endpoint » permet de passer d’une dizaine d’indicateurs à quatre indicateurs dommages (méthode IMPACT 2002+) plus intuitifs pour le public: santé humaine, écosystème, réchauffement climatique (commune à la catégorie « Midpoint ») et ressources naturelles. Mais le gain en clarté se perd en fiabilité des résultats et incertitudes à cause de l’agrégation qui est faite des impacts au niveau « Midpoint » (Jolliet et al., 2010). La transparence sera souvent un critère de fiabilité en ACV.

Une autre source de subjectivité en ACV provient des méthodes d’impacts et des catégories d’impacts choisis. En effet, seuls les impacts ou les mécanismes relativement connus et maitrisés sont inclus dans les méthodes d’impacts. Ceci signifie que les impacts environnementaux actuellement non compris par la communauté scientifique ne sont pas inclus en ACV. Par exemple, certaines substances peuvent avoir des effets toxiques encore méconnus des scientifiques et donc sont absentes de la catégorie santé humaine. Jolliet et ses coauteurs insistent sur le manque de standardisation des différentes méthodes d’approches des impacts ainsi que des indicateurs des catégories (Jolliet et al., 2010). Certains résultats sont donc à modérer à la

lumière des hypothèses et de la méthode d’impacts choisies. Aussi, les résultats peuvent changer grandement entre plusieurs méthodes d’impacts (Reap et al., 2008).

La phase d’inventaire est aussi sujette à un grand nombre de critiques. La complexité de cette tâche est essentiellement due à la quantité de données à traiter ainsi qu’à l’accessibilité et la qualité de celles-ci. La collecte de données est un facteur important pour le reste de l’analyse et peut conduire à des interprétations erronées (Graedel, 1998). Au-delà des données primaires mesurées à même les installations, un grand nombre des données sont issues de bases de données génériques ne correspondant pas exactement aux processus modélisés. Par conséquent, les données d’inventaire sont souvent incertaines ce qui peut limiter de façon importante les conclusions d’une ACV. La collecte des données est pour beaucoup d’études une tâche fastidieuse demandant beaucoup de temps et d’argent (Reap et al., 2008).

L’impact des résultats sur les modes de consommation est aussi une limite à considérer (Jolliet et al., 2010). En effet, le gain environnemental de tel ou tel système de produit peut venir créer un effet rebond (positif ou négatif) et influencer considérablement la consommation de ce produit pouvant dès lors changer les conclusions de l’analyse sur le long terme. C’est pourquoi un résultat doit toujours être replacé dans un contexte plus général afin d’évaluer les effets induits par la décision considérée. L’approche complémentaire de l’ACV conséquentielle sur l’ACV attributionnelle est intéressante afin d’internaliser les effets directs ou indirects d’une prise de décision.

Enfin, un des grands points restreignant l’ACV est son manque de perspectives spatiales et temporelles dues à l’agrégation des données d’inventaire et de la considération limitée de ces paramètres par les méthodes d’impacts.

2.4.2.2 La problématique spatiale en analyse du cycle de vie

En effet, les données utilisées en ACV sont soumises à une série d’agrégations. Les méthodes actuelles font appel à un grand nombre d’agrégations spatiales et temporelles.

Les aspects géographiques sont difficilement intégrés dans les analyses. Pourtant, plusieurs études font intervenir des processus variables dans l’espace. Par exemple, les charges environnementales dues à la production d’électricité changent en fonction des technologies employées dans les différents pays. Il en est de même avec l’ensemble des étapes du cycle de vie

qui dépend des technologies en opération, des installations de chaque région et entreprise. L’analyse de telles variations spatiales peut conduire à des différences de plusieurs ordres de grandeur des émissions (Finnveden et al., 2009). L’agrégation spatiale devient problématique lorsque les données moyennes ou génériques sont utilisées pour représenter des processus qui diffèrent de manière significative spatialement. L’inventaire peut nécessiter une résolution régionale plus précise afin de refléter la réalité de certains modes de production. Ignorer ces différences réduit la précision de l’étude (Reap et al., 2008).

Dans le contexte des TIC, l’aspect temporel joue un rôle significatif à cause de la demande variable en électricité. L’aspect temporel est donc traité plus en détail dans le prochain chapitre.

2.4.2.3 La problématique temporelle en analyse du cycle de vie

Tout comme la problématique spatiale, la problématique temporelle intervient tout au long du cycle de vie. La norme ISO 14040 reconnait que l’ignorance des aspects temporels en ACV réduit la pertinence environnementale des analyses (ISO, 2014). L’agrégation temporelle de la phase d’inventaire amène distinctement deux enjeux : la dynamique des émissions dans le temps ainsi que la non-considération des processus temporels dans la phase d’inventaire.

2.4.2.3.1 La dynamique des émissions dans le temps

Le premier enjeu pointe la nécessité d’avoir recours à une répartition des émissions en fonction du temps. En effet, les facteurs temporels variables comme les différentes émissions au fil du temps, les vitesses de libération de certains polluants et les processus dynamiques sont mal pris en compte dans les méthodes d’analyse ce qui affecte la bonne représentativité des impacts (Owens, 1997). Les ACV actuelles ne reflètent pas les dynamiques environnementales et industrielles des entrants, conduisant à des résultats d’évaluation des impacts agrégés sous la forme d’une valeur unique regroupant une multitude d’impacts se déroulant à des instants différents tout au long du cycle de vie (Lebailly, 2013). L’agrégation des entrants de même nature lors de la phase d’inventaire omet que certaines variables peuvent être dynamiques et ne pas avoir la même fréquence d’émissions. Toute notion temporelle est perdue lors de la phase d’inventaire (Collet et al., 2011).

De nombreux chercheurs ont démontré qu’un grand nombre de composés étaient sensibles aux aspects temporels lors des émissions influençant grandement leur devenir dans l’environnement (Lebailly, 2013; Levasseur et al., 2010; Reap et al., 2008). Le terme d’ACV dynamique est généralement utilisé pour une ACV qui tient compte de la répartition temporelle tout au long du cycle de vie des émissions, c'est-à-dire tenir compte du moment où ont lieu les émissions. Ceci pour calculer les impacts à l’aide de facteurs de caractérisation temporels intégrant la dynamique temporelle des émissions (Levasseur et al., 2010). De cette manière, le cycle de vie est divisé en différents intervalles de temps selon la date d’émissions. Cette approche dynamique des émissions permet d’améliorer la retranscription des phénomènes physico- chimiques dynamiques (Reap et al., 2008).

2.4.2.3.2 La variation des sources de production et d’utilisation dans la phase l’inventaire Le deuxième enjeu cible, quant à lui, la variation temporelle des flux d’inventaire, lesquels sont basés sur des calculs en régime permanent dans les modèles actuels d’ACV (Stasinopoulos et al., 2012). En effet, la majorité de l'inventaire du cycle de vie suppose que les paramètres entrants sont des constantes ou des fonctions fixes du temps. Cette hypothèse limite les possibilités de rendre compte des effets temporels de certains systèmes de produits comme la production d’électricité. Il est avéré que la production de l’électricité présente des variations temporelles importantes en fonction des saisons, des moments de la journée qui ne sont donc pas pris en compte par l’inventaire (Udo de Haes & Lindeijer, 2002). Les impacts de la production d’1 kWh varient donc en fonction du temps. Au-delà de la production d’électricité, la demande des utilisateurs finaux des services de TIC peut aussi varier grandement dans le temps. Ainsi, l’utilisation de l’internet peut changer drastiquement d’heure en heure en fonction du comportement des utilisateurs. La production d’électricité et la demande électrique des TIC varient indépendamment, occasionnant un problème dans le calcul des impacts environnementaux.

Les données et les modèles actuels ne sont cependant pas assez complets pour représenter avec précision l’aspect temporel de tous les processus. Néanmoins, le besoin de tenir compte de la variabilité des sources de production n’est pas essentiel pour l’ensemble des processus et des systèmes à l’étude. La résolution temporelle des données d’inventaire d’une étude devrait donc dépendre de la contribution aux impacts des processus variant dans le temps et de l’objectif de

l’évaluation défini dans l’ACV. Ainsi, un inventaire dynamique pour un processus donné ne devrait être bâti que si la variabilité des impacts du processus est suffisamment importante à l’échelle du cycle de vie du produit.

2.5 Évaluation des impacts environnementaux de la production