• Aucun résultat trouvé

LISTE DES ANNEXES

CHAPITRE 2 REVUE DE LITTÉRATURE

2.3 Les méthodes d’analyse de l’empreinte carbone 1 Un manque de consensus dans la définition

2.3.2 Analyse critique des différentes approches

Comme le montrent beaucoup d’études, il n'existe pas de consensus clair sur la façon de mesurer ni même de quantifier l'empreinte carbone (Wiedmann & Minx, 2007). Le panel de définitions varie des émissions directes de CO2 à la considération de plusieurs gaz à effet de serre

sur l’ensemble du cycle de vie (Malmodin et al., 2013; Wiedmann & Minx, 2007).

2.3.2.1 Gaz à effet de serre

L’un des premiers points de désaccord entre les différentes études vient du manque d’uniformité des différents gaz intégrés dans chacune des définitions (The Edimburgh Centre for Carbon Management, 2007). Certains auteurs comme Thomas Wiedmann et Jann Minx (2007) restreignent l’empreinte carbone à l’étude des émissions en dioxyde de carbone, justifiant cette approche pour des raisons pratiques et d’accès aux données. Un tel indicateur d’empreinte

carbone comme quantificateur du réchauffement climatique est incomplet. Le dioxyde de carbone est de loin le gaz à effet de serre le plus médiatisé, mais n’est pas le seul responsable des impacts du réchauffement climatique (IPCC, 2014). En effet, émis en plus grande quantité par les activités humaines, le dioxyde de carbone est le plus dommageable, mais n’est cependant pas le plus impactant des GES en terme de potentiel radiatif par unité de volume influençant le réchauffement climatique. Par exemple, les composés gazeux fluorés comme les CFC utilisés comme gaz frigorifiant ont un impact dix mille fois plus important que le CO2 à volume égal

(IPCC, 2007). La majeure partie des études modernes s’accordent à élargir l’empreinte carbone à d’autres GES carbonés et non carbonés, afin de quantifier de façon plus complète la contribution des activités humaines au réchauffement climatique (Kenny & Gray, 2009; Pandey et al., 2011; Weidema et al., 2008). En 1997 lors de la troisième conférence des Parties à la Convention tenue à Kyoto, les gouvernances ont identifié six gaz à effet de serre majeurs : CO2, CH4, N2O, HFC5,

PFC5, SF6. Beaucoup d’études partiront de cette base GES pour construire leur empreinte

carbone (Wiedmann & Minx, 2007). Malgré un certain consensus sur la comptabilisation des GES suite au Protocole de Kyoto, beaucoup d’études sur les TIC manquent de clarté dans la notion d’empreinte carbone en ne donnant aucun détail sur les calculs ni même les GES abordés (Fettweis & Zimmermann, 2008; Gartner, 2005; Van Heddeghem et al., 2012; Vereecken et al., 2012). Pour Malmodin et al. (2013) ce manque de transparence des travaux sur les TIC et prônent pour une systématisation de l’empreinte carbone aux émissions de GES les plus pertinentes, qui se produisent au cours du cycle de vie du système TIC étudié.

En effet, la communauté scientifique en analyse du cycle de vie s’est accordée pour utiliser les indicateurs GWP (Global Warming Potential) proposés par le GIEC à partir d’une liste plus exhaustive de GES, afin de ramener l’ensemble de ces gaz en équivalent de dioxyde de carbone (IPCC, 2007; Weidema et al., 2008). N’ayant pas le même pouvoir de réchauffement climatique c’est-à-dire capacité à absorber la chaleur chaque GES est pondéré en fonction de son impact sur l’environnement. L’unité de l’empreinte carbone est donc standardisée en équivalent de CO2 (CO2 éq) afin de pouvoir être comparée sur une même base relative en CO2. Généralement,

dans la plupart des études, l’unité CO2 éq est calculée en multipliant les émissions de chaque gaz à

effet de serre par son facteur GWP sur un horizon temps de cent ans dans le cas contraire l’horizon de temps est spécifié par les auteurs.

2.3.2.2 Les frontières de l’empreinte carbone

L’autre grande divergence des approches de calcul de l’empreinte carbone se trouve dans la définition des frontières du système étudié (Matthews et al., 2008). Certaines études réduisent le système aux émissions directes en dioxyde de carbone, c’est-à-dire celles provenant uniquement de la combustion de matières carbonées lors de la phase d’utilisation du processus à l’étude. Par exemple, si on regarde le cas d’une chaudière fonctionnant au fuel, la combustion du fuel va émettre des matières polluantes lors de la phase d’utilisation à l’étude. Mais dans le cas d’une chaudière électrique, les émissions dues à la production électrique ont lieu en amont de l’utilisation de la chaudière et donc ne seraient pas intégrées par une approche directe. Malgré leurs simplicités d’approche, les calculs des émissions directes omettent des émissions en amont et en aval du processus étudié comme de la production de l’électricité. L’étude uniquement des émissions directes peut sous-estimer grandement les émissions globales. D’après les travaux menés par l’université de Pittsburgh, seulement 14% en moyenne des émissions proviendraient des émissions directes sur l’ensemble de la chaine d’approvisionnent, contre 26% si on intègre à celles-ci les entrants électriques (Matthews et al., 2008; Wiedmann & Minx, 2007). Les entrants électriques sont majoritairement bien représentés dans les études des systèmes de TIC en raison de la forte contribution des flux électriques dans l’analyse environnementale des systèmes (Bouley, 2012a; Moghaddam et al., 2012). Néanmoins, on retrouve un manque notable d’uniformité et de transparence dans les frontières quant aux dispositifs (utilisation, infrastructure, réseau, équipements…) intégrés dans le calcul de l’empreinte carbone des systèmes de TIC où les frontières varient beaucoup d’une étude à l’autre (Fettweis & Zimmermann, 2008; Van Heddeghem et al., 2012).

L’approche superficielle et l’opacité de l’empreinte carbone limitent les possibilités d’atténuations des émissions en GES, car seule une partie des sources d’émissions est identifiée. L’extension des frontières devient donc une question primordiale pour un calcul adéquat de l’empreinte carbone (Weidema et al., 2008). La littérature propose plusieurs extensions de frontières insistant sur la nécessité d’introduire les émissions directes et indirectes avec une vision sur tout le cycle de vie (Carbon Trust, 2014; Wiedmann & Minx, 2007). Cependant les avis divergent encore sur les frontières au sein de la chaine d’approvisionnement, avec inclusion ou exclusion au niveau, des transports, des infrastructures, des fournisseurs ou encore de la fin de vie (Wiedmann & Minx, 2007). En l'absence d’uniformité sur le choix des frontières établies

pour les calculs d'empreinte carbone, l’harmonisation du concept d’empreinte carbone devient primordiale pour établir des politiques de lutte contre les changements climatiques fiables et durables.

2.3.2.3 Harmonisation de l’empreinte carbone

Un grand nombre d’auteurs adopte pour le calcul de l’empreinte carbone d’un produit (bien ou service) une approche cycle de vie en considérant l’ensemble des GES proposés lors de la conférence de Kyoto (Peters, 2010; Sinden, 2009; Weidema et al., 2008). Plusieurs méthodologies permettent de calculer l’empreinte carbone d’un produit. Actuellement, les plus reconnues internationalement sont la norme ISO-14067, le Protocole sur les Gaz à Effet de Serre (GHG Protocol) et le PAS 2050 « Publicly Available Specification 2050 ». L’ensemble de ces trois initiatives a utilisé ISO 14040/14044 comme base, ce qui fait en sorte qu’elles sont très similaires et n’entrent pas en contraction avec les normes de l’ACV.

Les deux premières approches sont très proches dans leurs champs d’expertise en matière de standardisation de l’empreinte carbone pour les produits. La spécification technique ISO- 14067 établit des standards de conformité de la phase d’inventaire des émissions de gaz à effet de serre (ISO, 2013). La communauté d’analyse du cycle de vie a largement contribué à mettre en place un ensemble de normes spécifiques pour les calculs de l’empreinte carbone de produits (ISO, 2006a, 2013; Weidema et al., 2008). Grâce à cet ensemble de normes, les calculs d’empreinte carbone gagnent en traçabilité et uniformité, offrant ainsi une plus grande clarté aux discours et démarches environnementaux.

Le GHG Protocol découle, quant à lui, d’une initiative commune à la WRI (World Resource Institute) et WBCSD (World Business Council Sustainable Development) qui ont développé un ensemble d’outils et de données pour la quantification de l’empreinte carbone (WBCSD & WRI, 2011). Les approches sont très similaires, ISO est néanmoins plus explicite sur le développement du cadre de calculs de l’empreinte carbone et est normative. Le protocole des GES se réfère, quant à lui, aux outils de calculs développés parallèlement par la WBCSD/ WRI et est mis en place à but incitatif, pour le déploiement d’initiatives environnementales. De plus, ISO 14067 spécifie davantage les exigences convenues au niveau international sur ce qu'il faut faire en matière de comptabilisation et de vérification des émissions de GES. Par ailleurs, la spécification ISO définit le cadre méthodologique du calcul de façon plus concise, alors que le

GHG Protocol guide davantage l’utilisateur dans comment procéder pour la comptabilisation et la déclaration des GES. Par exemple, le GHG Protocol fournit une multitude de conseils sur l'identification des émissions indirectes.

L'ISO, le WRI et le WBCSD ont signé un Protocole d'accord (MoU) afin de promouvoir ensemble les normes ISO 14067 et les standards du GHG Protocol afin de renforcer les démarches d’uniformisation des outils environnementaux (ISO, 2014).

Parallèlement, suite à la préoccupation environnementale croissante des services de TIC, plusieurs standards ont été développés ou sont en cours de développement spécifiques au secteur des TIC. Parmi les organisations clés en matière de standardisation des impacts environnementaux des TIC, l’ITU (International Telecommunication Union) et l’ETSI (European Telecommunication Standards Institute) jouent un rôle important. L’ITU et l’ETSI développent des lignes directrices pour le calcul des émissions de GES, la mesure de l’énergie consommée par les TIC ainsi que la mise en place de séries d’initiatives de réduction des émissions en GES en matière d’architecture, de systèmes et de fournisseurs (Despins et al., 2011). Dans la même dynamique, plusieurs recherches de standardisation avec une composante spéciale pour les TIC voient le jour comme celles proposées par le GHG Protocol ou encore par l’agence des Nations Unies (Despins et al., 2011; WBCSD & WRI, 2011). Il y a une nécessité grandissante d’établir des standards précis, car le contexte des TIC est assez spécifique avec la définition des systèmes (physique et virtuel), le développement rapide des technologies et des services ainsi que la consommation d’électricité variable dans le temps.

L’approche de l’empreinte carbone peut s’avérer délicate pour les processus à grande variabilité spatiale et temporelle. Actuellement, aucune méthode standardisée d’empreinte carbone ne considère pas la composante temporelle des systèmes tels que les TIC pour un calcul dynamique des émissions de GES. Généralement l’empreinte carbone est calculée périodiquement sur une échelle annuelle et nationale à partir des émissions moyennes des procédés (production d’électricité ou autre) (Carbon Trust, 2007; Pandey et al., 2011).

Il y a une nécessité en calculs précis d’empreinte carbone afin de pouvoir optimiser des réseaux comme le TIC, demandant des méthodologies adéquates avec une résolution temporelle élevée.